La croissance économique belge reste proche de son rythme tendanciel, bien que ses moteurs soient en cours d’évolution. L’investissement des entreprises a rebondi après sa baisse ponctuelle du dernier trimestre. Plus encourageant encore : l’investissement des ménages dans le logement a atteint son point le plus bas. Les prix de l’immobilier sont restés sur une tendance haussière tout au long du cycle de hausse des taux (désormais terminé) de la BCE et les faibles niveaux d’activité du marché immobilier devraient progressivement s’améliorer. Les finances publiques représentent toujours un défi, tandis que la perspective d’une longue période de formation du gouvernement assombrit à nouveau l’horizon économique.
La croissance du PIB au T1 2024 a récemment été confirmée à 0,3% t/t. En plus du moteur habituel de la croissance que constitue la consommation privée, l’investissement des entreprises a rebondi, après sa baisse du T4 (alors compensée par une amélioration connexe du commerce extérieur, découlant, dans les deux cas, d’opérations du secteur maritime). Un autre signe positif est que l’investissement des ménages a également contribué à la croissance pour la première fois en plus d’un an. Il demeure toutefois de 13% inférieur à son niveau d’avant-COVID. Alors que le marché du travail ralentit progressivement et que l’inflation devrait repartir à la baisse (alors qu’elle était récemment la plus élevée de l’UE), nous nous attendons à un regain d’appétit en faveur de l’immobilier privé. Les baisses de taux supplémentaires de la part de la BCE pourraient encore accélérer la reprise de ce marché.
Amélioration du marché de l'immobilier
Comme dans les pays voisins, les prix de l’immobilier belge ont continué à grimper au cours de la crise de la COVID-19, mais à un rythme plus progressif qu’en Allemagne et aux Pays-Bas. Jusqu’au premier relèvement des taux de la BCE, mi-2022, la hausse des prix de l’immobilier a été supérieure à sa moyenne historique d’environ 4% par an. Pour quantifier une éventuelle correction du marché, qui semble latente, nous avons simulé un choc de six baisses consécutives des prix, une ampleur qui n’a été observée que dans 5% des trimestres entre 1973 et 2020. Pourtant, même dans ce scénario négatif, les prix ne retomberaient qu’à leurs niveaux de 2021, soit une correction assez modeste. Aujourd’hui, les prix de l’immobilier surprennent encore plus à la hausse, en s’écartant à peine de leur tendance de long terme depuis le début du cycle de hausse des taux de la BCE. L’activité, en revanche, a considérablement baissé.
La Banque nationale de Belgique a enregistré une diminution d’environ 20% des transactions en 2023. La hausse des taux d’intérêt a poussé l’indicateur de la BNB sur l’accessibilité du logement vers un sommet historique, ce qui fournit une explication à cette baisse. Elle est probablement également liée à une évolution réglementaire récente. Depuis janvier 2023, les habitations disposant d’un certificat de performance énergétique de faible niveau doivent être rénovées dans les cinq ans suivant l’achat. Des informations anecdotiques laissent penser que la baisse des prix fin 2022 est liée à un afflux important de biens de ce type, une vente rapide permettant aux acheteurs d’échapper à ces nouvelles exigences. Par ailleurs, le nombre de nouveaux crédits hypothécaires a diminué encore plus rapidement que les niveaux d’activité du marché. En 2023, il y a eu près de 30% de nouveaux crédits immobiliers en moins. Le nombre de permis de construire a également diminué sur cette période.
Les premiers signes encourageants sont apparus début 2024. D’après la BNB, les taux d’intérêt sur les nouveaux emprunts hypothécaires sont de 3,23% en moyenne pour une maturité d’au moins 10 ans, ce qui constitue une baisse par rapport à leur pic de 3,6% en décembre 2023. Les ménages ont repris confiance après la double crise du Covid et énergétique. Le taux de chômage n’a que faiblement augmenté et un atterrissage en douceur du marché du travail se profile. En outre, les créances douteuses sont stables et la dette des ménages poursuit sa trajectoire baissière. À court terme, nous prévoyons une hausse des prix de l’immobilier proche de leur croissance tendancielle alors que l’activité reprend progressivement.
Le défi des finances publiques
Les ménages et les entreprises belges semblent avoir assez bien résisté à l’impact de la hausse des taux. On ne peut pas en dire autant des finances publiques. Les dépenses ponctuelles, comme celles liées à la COVID-19 et au soutien aux factures d’énergie, semblent avoir poussé le déficit à un niveau structurellement plus élevé. Malgré les efforts de l’Agence fédérale de la dette pour maintenir des taux bas plus longtemps, les rendements moyens sur les obligations souveraines ont commencé à repartir à la hausse dès 2022. Au début de cette année, ils s’établissaient à 1,92%, soit près de 50 pb au-dessus de leur niveau le plus bas de 2021. La maturité moyenne était de près de 11 ans. Par conséquent, les charges annuelles d’intérêt augmentent. Après avoir atteint un plancher de 1,2% du PIB en 2022, elles pourraient doubler d’ici 2025. La populaire obligation à un an émise l’année dernière, fiscalement encouragée, pourrait être interprétée comme un signe de forte demande du marché pour la dette belge, mais rien ne justifie trop d’optimisme, d’autant plus qu’un déficit persistant et des taux d’intérêt en hausse (ou plutôt, qui ne baissent plus) mènent aussi à une hausse de la dette publique. L’effet boule de neige se fait pleinement sentir et le ratio de dette publique pourrait atteindre 110% du PIB d’ici 2026. La consolidation budgétaire devra être une priorité pour le gouvernement à venir, sur fond de menace d’avertissement budgétaire de l’UE.
Le PIB belge a dépassé celui de la zone euro d’environ 1% depuis le début de 2022, surperformant pendant les périodes difficiles, pour partie grâce à d’importantes interventions gouvernementales. S’agissant des perspectives, la croissance belge, proche de son rythme tendanciel, devrait être dépassée par celle de la plupart des autres pays européens, tandis que l’inflation se normaliserait mais en restant supérieure à celle de presque tous les autres pays de l’UE (effet de l’inflation sous-jacente alimentée par l’indexation des salaires et de la sensibilité aux prix de l’énergie).
Achevé de rédiger le 19 juin 2024