Le parti vainqueur des élections législatives du 4 juillet reprendra les rênes d’une économie en manque de souffle. Le scénario d’un ralentissement de la croissance au deuxième trimestre (+0,2% t/t), et sur l’intégralité de l’année 2024, reste notre prévision centrale. Les enquêtes d’opinion (PMI, indice GfK de confiance des ménages) et l’investissement ont, certes, repris des couleurs, mais la consommation des ménages demeure déprimée. Si la désinflation soutient le pouvoir d’achat, la hausse du chômage ainsi que la persistance de taux d’intérêt et d’épargne élevés en limitent les effets. La remontée des arriérés de paiements sur les emprunts immobiliers indique que le choc de refinancement continue de se propager. Le retour de l’inflation à 2% en mai confortera la Banque d’Angleterre dans son choix d’initier une première baisse des taux directeurs, en août, selon nos prévisions, ce qui redonnera (un peu) d’oxygène aux ménages.
Après des mois de résistance, les dernières évolutions du chômage marquent-elle les prémices d’un retournement du marché du travail ? Il est encore trop tôt pour le dire.
Néanmoins, le nombre de personnes inscrites à l’assurance-chômage (claimant count), qui évoluait depuis deux ans déjà à un niveau nettement supérieur à la période précédant la crise sanitaire, a grimpé de 50 300 en mai, la plus forte progression mensuelle, hors Covid-19, depuis 2009[1].
Les enquêtes PMI restent néanmoins bien orientées. L’indice composite est stable et en territoire positif depuis le début de l’année 2024 (53,0 en mai), tandis que le sous-indicateur pour l’emploi ne décroche pas, bien que tout juste en territoire expansionniste (50,6). La confiance des ménages progresse également sur fond de gains de pouvoir d’achat : l’indice GfK a atteint en mai son meilleur niveau depuis décembre 2021.
Néanmoins, la persistance de taux de financement élevés maintient les ménages sous pression. Le taux d’intérêt moyen sur les prêts à l’habitat est quasi-stable depuis septembre et proche de 8%. La part des arriérés de paiements dans l’ensemble des encours de prêts immobiliers gagne du terrain depuis l’été 2022, à la suite du déclenchement du cycle de resserrement monétaire, pour atteindre 1,3% au premier trimestre 2024. Lors de la crise des subprimes, ce chiffre était monté à 3,5% au T2 2009.[2] Si comparaison n’est pas raison, cela offre tout de même un point de référence important. Par ailleurs, les effets du resserrement monétaire agissent avec un délai et une partie des ménages britanniques ayant emprunté à des taux fixes sur une période relativement courte (2 à 5 ans) doivent encore renouveler leurs crédits à des taux plus élevés. Dans un scénario défavorable, où le chômage serait amené à progresser et les taux d’emprunt à l’habitat se maintiendraient à un niveau élevé, la part des arriérés de paiements continuerait de progresser, fragilisant davantage la consommation des ménages et l’économie britannique dans son ensemble.
L’abaissement du plafond sur les tarifs réglementés du gaz et de l’électricité en avril (-12,3%), qui se poursuivra en juillet (-7,2%) a permis à l’inflation headline de retomber à 2% en mai. Néanmoins, l’inflation dans les services reste vigoureuse, soutenue par la progression dynamique des salaires de base (+5,7% en glissement annuel en avril). Les dernières enquêtes PMI permettent d’espérer une désinflation plus marquée à venir dans les services (l’indice sur le prix des intrants a chuté de 7 points en mai, la seconde plus forte baisse mensuelle jamais enregistrée). Néanmoins, l’arbitrage pour la BoE, entre stabilité des prix et croissance économique, reste délicat.
Les faibles gains de productivité et la croissance soutenue des rémunérations pèsent par ailleurs sur la rentabilité des entreprises. Au dernier trimestre 2023, les coûts unitaires du travail progressaient de 6,9% en glissement annuel contre une inflation CPI de 4,2%. Si une partie des entreprises semble avoir été capable, dans un premier temps, d’absorber ce renchérissement des coûts salariaux, via une hausse des prix de vente et/ou une baisse des marges, la question est de savoir jusqu’à quand cela peut durer. En tout état de cause, l’économie britannique devrait continuer de sous-performer la plupart des autres économies du G7 au cours des prochains trimestres.
En collaboration avec Élisa Petit, stagiaire
Achevé de rédiger le 19 juin 2024