La croissance australienne subit une indiscutable baisse de régime, à mettre en relation avec le prolongement pour les ménages des contraintes liées à la hausse des prix et des taux d’intérêt, ainsi qu’avec le ralentissement de la demande en provenance de ses partenaires commerciaux asiatiques. La rigidité de l’inflation constitue pour l’heure un obstacle à l’initiation d’une détente des taux. Par ailleurs, l’afflux migratoire supporte un marché du travail toujours dynamique.
La croissance économique de l’Australie a fait l’objet d’un ralentissement significatif depuis la fin de l’année 2022. Aussi, au deuxième trimestre 2024, le PIB a progressé de +0,2% t/t pour un troisième trimestre de rang, avec la dépense publique comme contributeur principal (+0,4 pp en incluant l’investissement public), et +1,0% en glissement annuel, soit le plus faible taux de croissance depuis le T1 2020 (voire depuis 1991 en faisant exception de la parenthèse liée au Covid-19). La demande continue d’être pénalisée par la hausse de l’inflation et des taux d’intérêt, comme en témoigne la contraction de la consommation des ménages au T2 (-0,2% t/t), sur fond de baisse du revenu disponible par tête et de niveau dégradé de la confiance des consommateurs. De plus, après avoir soutenu l’activité en 2023, l’investissement non-résidentiel a reculé sur les deux premiers trimestres de 2024 (-0,7% puis -0,8% t/t). Par ailleurs, au premier semestre 2024, la hausse des importations joue à la baisse sur le taux de croissance ; alors que, de façon plus générale, le commerce extérieur australien fait face à la baisse des prix des matières premières dont il est exportateur (fer, charbon, gaz) et à la baisse de la demande japonaise.
Les perspectives de croissance sont modérées à court terme. Néanmoins, l’introduction des baisses d’impôts sur le revenu (taux passant, respectivement, de 19% à 16% et de 32,5% à 30% sur les deux premières tranches) devrait éviter à la consommation de se contracter davantage au second semestre 2024. Le Consensus estime que le taux de croissance annuel moyen s’élèvera à +1,2% en 2024, soit un recul de 0,8pp par rapport à 2023.
Les bénéfices de l’immigration sur le marché de l’emploi
Le marché de l’emploi reste néanmoins dynamique. Si le taux de chômage a sensiblement augmenté depuis quelques trimestres, passant de 3,5% en décembre 2022 à 4,2% en août 2024, en parallèle, le nombre de personnes en emploi et le taux d’activité sont en progrès quasi-ininterrompus depuis la fin de l’année 2021. Notamment, le taux d’activité se situe, en août 2024, 1,4 pp au-dessus de sa moyenne de l’année 2019 (67,1% contre 65,7%). La croissance de la population, évaluée à +2,4% a/a en fin d’année 2023 et majoritairement induite par l’immigration, contribue à l’accroissement de la force de travail en valeur absolue (15,0 millions en août 2024 contre 13,5 millions avant la crise pandémique) et, finalement, à supporter le niveau agrégé de consommation et de production. De ce fait, malgré une dégradation du volume par tête, le PIB se maintient au niveau agrégé.
L’heure de l’assouplissement monétaire n’est pas venue
La Reserve Bank of Australia (RBA) a décidé, lors de sa réunion de septembre 2024, de maintenir le cash rate à +4,35% pour une sixième réunion de rang. Ainsi, la banque centrale australienne continue d’appartenir au groupe restreint de pays membres de l’OCDE n’ayant pas encore engagé d’assouplissement monétaire. La décision de conserver une approche restrictive est principalement justifiée par des développements insuffisants en matière de désinflation. En effet, si le ralentissement de l’inflation est significatif depuis le pic de +7,8% a/a (plus haut depuis 1990) atteint lors du T4 2022, l’indice des prix à la consommation (IPC) continue de faire montre de rigidité, avec une variation annuelle de +3,8% au T2 2024 – en hausse par rapport au trimestre précédent (+3,6% a/a) – alors que la cible s’élève à 2%-3%. Le constat de rigidité s’applique également aux mesures des pressions sous-jacentes sur les prix, le CPI Trimmed mean (qui exclut les 30% des variations les plus extrêmes) et le CPI Weighted median (au 50e percentile de la distribution), malgré leur ralentissement (respectivement à +3,9% a/a et +4,1% a/a au Q2).
Bien que la croissance ralentisse et que le taux de chômage augmente, la RBA indique qu’à ce stade, ce dernier reste « inférieur aux estimations des taux compatibles avec le plein emploi » et que « l’écart de production [output gap] est positif mais continue de se réduire »[1]. Le marché du travail reste donc structurellement tendu, ce qui maintient une pression importante sur les salaires et les prix à la consommation. Le retour de l’inflation vers le point médian de la cible de 2%-3% ne devrait pas intervenir avant 2026, tant selon les anticipations de la RBA que celles du Consensus. Il n’est donc à ce jour pas assuré que le cycle d’assouplissement monétaire débute en 2024. Le pricing des marchés, au 24 septembre, n’indique que 5 pb de baisse lors de la réunion de décembre. De ce fait, la devise australienne devrait se renforcer face au dollar américain à court terme.
Achevé de rédiger le 24 septembre 2024