La France a enregistré un rebond de sa croissance à 0,3% t/t au T2 2025 après une période plus défavorable marquée par l’incertitude politique. Cette dernière persiste, toutefois le rebond de la croissance devrait être pérenne. En effet, contrairement au volet politique, d’autres paramètres de l’économie française se sont améliorés (productions agricole et aéronautique, taux d’intérêt au secteur privé, investissement) ou sont en passe de le faire (demande allemande). D’ores et déjà, la stabilisation du marché du travail et la nette augmentation des créations d’entreprises confirment le rebond.
Croissance du PIB : après l’hiver, le printemps CROISSANCE ET INFLATION (MOYENNE ANNUELLE) La croissance française se redresse après quelques trimestres sous la moyenne de la zone euro. Au-delà de l’incertitude budgétaire, la stagnation de la production aéronautique (contraintes d’offre) et la baisse de la production agricole l’ont pénalisée jusqu’au T1 2025. Seul le développement tendanciel des services a continué de la soutenir.
Le printemps 2025 a vu un début de rebond de la production grâce à un effet ponctuel observé dans l’agriculture (retour à la normale de la production de blé) et à un autre, plus structurel, dans l’aéronautique (nouvelles capacités de production). Le rebond de la croissance allemande en 2026 devrait s’ajouter aux soutiens que sont les services, l’aéronautique et le logement (voir plus bas) pour permettre, en 2026, un retour de la croissance française sur le rythme enregistré en 2024 (1,1%).
FRANCE : PRODUCTION AÉRONAUTIQUE EN VOLUME (CVS) Baisse du coût du crédit et rebond de l’immobilier Après -60 pb de baisse depuis début 2024, les taux des prêts à l’habitat ont atteint un palier (3%) depuis février 2025. Leur déconnection avec le taux de l’OAT, en hausse, s’explique par le recul du taux swap à 10 ans (un indicateur plus pertinent de l’évolution du coût des ressources bancaires adossées aux crédits à taux fixes). Ainsi, la production nouvelle a enregistré une forte hausse au S1 2025 (+46% a/a). Cette dynamique a permis à l’encours bancaire de renouer, pour la première fois depuis février 2024, avec une croissance annuelle légèrement positive (+0,1% en juin). Celle-ci reste néanmoins grevée par les flux de remboursements importants liés aux crédits abondants octroyés durant la période de taux bas.
L’amélioration des conditions de crédit ont soutenu le pouvoir d’achat immobilier et permis de stopper, en octobre 2024, la baisse des volumes de transactions dans l’ancien observée depuis 2022. Celles-ci atteignaient, en juin 2025, 906 000 transactions sur 12 mois (+8,2% sur un an). Les prix des logements anciens (+0,1% t/t au T4 2024) ont ponctuellement renoué avec la croissance au T1 2025 (+1,0% t/t). Le même constat vaut dans le logement neuf où, après le creux historique de 2024 (264 000 mises en chantieren cumul annuel en octobre), les chiffres de la construction repartent à la hausse (+5,9% a/a en juillet, après +4,4% en juin). Les prix des logements neufs, en recul depuis octobre 2022, progressent de nouveau depuis le T3 2024 (+2,0% a/a au T1 2025). La disparition du soutien apporté par la baisse des taux des prêts a toutefois pesé sur les prix dans l’ancien au T2 (-0,6% t/t), ce qui a contribué à maintenirles volumes de transactions à un niveau élevé.
Les taux directeurs de la BCE et les taux swap devraient se stabiliser. Ainsi, les taux des prêts à l’habitat resteraient proches de leur niveau actuel durant les prochains trimestres (malgré la remontée modérée des rendements souverains allemands et français qui devrait se poursuivre d’ici à fin 2026). Cette évolution, conjuguée au ralentissement de la croissance du revenu par ménage (notamment du fait de la fin des effets de rattrapage sur l’inflation passée qui jouent encore en 2025), suggère une relative stabilité des volumes de transactions et des prix dans les prochains trimestres.
La France : une terre d’investissement et de création d’entreprises Le contexte politique a entraîné une hausse de l’incertitude sans remettre en cause les lignes de force de l’économie française. Après un trou d’air fin 2024-début 2025, outre l’emploi (voir plus bas), les créations d’entreprises ont retrouvé leur dynamisme. Elles ont atteint le niveau inédit de près de 100 000 entreprises créées en juillet 2025 (près de +5% par rapport au rythme enregistré fin 2024).
FRANCE : CRÉATIONS D’ENTREPRISES PAR MOIS (CVS) Au-delà des signaux positifs du côté de l’investissement des ménages (+1,4% entre le T3 2024 et le T2 2025), celui des entreprises est stable depuis trois trimestres à près de 21,5% de la valeur ajoutée (environ 2 points de plus qu’en Allemagne). Sa baisse antérieure était inévitable : il avait atteint un plus haut historique au T2 2021, à 23,3% de la valeur ajoutée des entreprises non financières, porté par le plan France Relance. Sous l’effet de la hausse des taux, l’investissement matériel s’est fortement replié jusqu’au T3 2024, nettement moins ensuite. En parallèle, la lame de fond de la « servicisation » de l’investissement entraîne une croissance ininterrompue de l’investissement immatériel appelée à durer.
Marché du travail : stabilisation La France a subi 103 000 destructions nettes d’emplois salariés en cumul au T4 2024 et au T1 2025. Ce chiffre n’a été dépassé (hors Covid) qu’en 1993 et en 2008, deux années de récession à l’issue desquelles le taux de chômage avait augmenté de plus de 2 points. Cette fois-ci, il a atteint 7,5% au T2 2025, marquant une hausse marginale (+0,2 point en un an) et il ne devrait pas augmenter beaucoup dans les prochains trimestres. En outre, Les embauches ont repris au T2 et ont conduit à une hausse de l’emploi salarié (+52 000), suggérant davantage un report (au plus fort de l’incertitude politique) qu’une annulation des embauches.
Le recul de l’âge de départ en retraite depuis 2010 continue de soutenir le taux d’emploi des 55-64 ans (+20 points en 15 ans, à 61,8% au T2 2025). Par ailleurs, la diminution des salaires réels en 2022-23 (ie. les salaires n’ont pas suivi l’inflation) a contribué pour 2,5 points à l’amélioration des marges des entreprises. Cela contribue à soutenir l’emploi, alors que la hausse des salaires réels dans les années précédant les récessions de 1993 et de 2008 l’avait au contraire pénalisé.
Une inflation faible mais sans hausse de la consommation L’inflation a retrouvé son niveau de l’avant-Covid (proche de 1% a/a) et devrait s’y maintenir. Toutefois, la consommation des ménages ne rebondit toujours pas. Les Français ressentent une détérioration de leur niveau de vie, qui peut s’expliquer par une perte de pouvoir d’achat des salaires observée en 2021-23. Toutefois, depuis près de 18 mois, les salaires progressent plus vite que l’inflation. De plus, les prestations sociales alimentent toujours le pouvoir d’achat, tout comme les salaires (les deux ont contribué à parts égales, 0,2% chacun, à la hausse de 0,4% du pouvoir d’achat au T2). Si la consommation augmente peu, c’est aussi parce que la revalorisation des retraites (près de la moitié de la hausse des prestations sociales en 2024 et en 2025) est fortement épargnée (cf. la note de conjoncture de juin 2025 de l’Insee). La croissance de la consommation des ménages devrait rester modérée (+0,4% en 2025 et +0,9% en 2026) : les gains de pouvoir d’achat sont réels mais diminuent (+2,5% en 2024, +0,9% en 2025 et +0,4% en 2026 selon nos prévisions). De plus, la situation des finances publiques peut peser sur les intentions de dépenses des ménages, qui comprennent que l’essentiel de la consolidation reste à faire.
La consolidation budgétaire n’a pas encore eu lieu Une réduction moyenne du déficit budgétaire de 0,5 point de PIB par an est nécessaire pour réduire ce dernier à 3% du PIB à l’horizon 2030, ainsi que pour stabiliser la dette publique à 120% du PIB (113,2% en 2024). Cette baisse suppose un effort en réalité plus important, de l’ordre de 0,8 point hors charge d’intérêt, car la charge d’intérêt devrait augmenter de 0,3 point par an en moyenne.
Dans cette optique, une première étape serait d’atteindre la cible du gouvernement en ramenant le déficit public à 5,4% du PIB en 2025 (vs. 5,8% en 2024). Or, c’est l’augmentation des recettes permettrait d’y parvenir (dont la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés). Or, la France se distingue des autres pays européens principalement par des dépenses sociales plus conséquentes. Elles ont même augmenté plus rapidement que l’inflation, portant à 26,6% en 2024 leur poids dans le PIB (vs. 25,6% en 2019). Une hausse non financée (et la principale cause de l’augmentation du déficit public) puisque que les cotisations ont évolué à un rythme proche de celui des salaires (inférieur à l’inflation). Comme les salaires augmentent désormais plus vite que l’inflation, les prestations pourraient désormais être sous-indexées. Cela permettrait de réduire leur poids dans le PIB sans risquer une diminution du pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages : un enjeu pour 2026 et au-delà.
Un commerce extérieur qui devrait se redresser Si le commerce extérieur a soutenu la croissance en 2024, c’est davantage en raison de la baisse des importations que de la hausse des exportations, qui ont été pénalisées par la récession industrielle en Allemagne et en Italie. Le 1er semestre 2025 a marqué la poursuite de cette tendance, notamment dans l’automobile et ses intrants affectés par la hausse des droits de douanes américains.
Des motifs d’espoir existent toutefois : d’un côté, depuis la mise en œuvre des droits de douane américains, on n’observe pas de décrochage des exportations françaises outre-atlantique mais plutôt une stagnation ; de l’autre, le rebond des exportations, déjà perceptible dans l’aéronautique et l’alimentation, devrait se renforcer. De même, les exportations vers l’Allemagne progressent de nouveau (après deux ans de baisse) : une tendance que la mise en œuvre d’un soutien important à l’investissement outre-Rhin devrait entretenir.
Achevé de rédiger le 14 septembre 2025.