L’économie italienne a fortement rebondi depuis la fin de la pandémie de Covid-19. Depuis 2021, sa croissance annuelle a largement surpassé celle enregistrée en moyenne dans la zone euro grâce à la mise en œuvre de politiques fiscales expansionnistes, qui ont soutenu la consommation et l’investissement, et à la reprise progressive de l’activité touristique. Depuis le début de l’année 2023, l’activité économique a toutefois commencé à se modérer, en raison d’un environnement international défavorable et de la suppression progressive de ces mesures fiscales. En outre, ces dernières ont, par nature, pesé sur les Finances publiques de l’État, plaçant le pays sous le coup de la procédure pour déficit excessif par la Commission européenne en juin 2024.
L’économie italienne, tout comme celle de l’Espagne et du Portugal, a bien rebondi à la suite de la crise sanitaire. Entre 2021 et 2023, la croissance du PIB réel italien a assez nettement dépassé celle enregistrée dans la zone euro : le PIB réel italien se situe ainsi, au premier trimestre 2024, 4,5% au-dessus de son niveau prépandémique quand celui de la zone euro est 3,3% au-dessus (cf. graphique 1). Cette performance de l’Italie est remarquable car le pays est plus connu pour sa croissance médiocre : hormis en 2000, où la croissance italienne (4,1%) a marginalement dépassé celle de la zone euro (4%), depuis 1996 et jusqu’en 2019, la première a été inférieure à la seconde d’1 point de pourcentage en moyenne par an[1].
Ce rebond post-Covid a été principalement porté par les avantageuses politiques fiscales mises en place par le Gouvernement (comprenant notamment des prêts garantis par l’État, des mesures de compensation de l’envolée des prix de l’énergie, ou encore le mécanisme de crédit d’impôts du Superbonus) qui ont soutenu la consommation privée et l’investissement, puis par le retour progressif de l’activité touristique. Ce redressement de la croissance italienne s’inscrit aussi dans une tendance plus longue d’amélioration de la croissance potentielle, visible depuis 2014 d’après les estimations de l’OCDE (cf. graphique 2).
Vers une modération de la croissance
En 2023, la croissance italienne a cependant commencé à se modérer (1,0% en moyenne annuelle).
Bien qu’elle ait de nouveau surpassé celle de la zone euro (0,6%), l’écart avec les autres économies d’Europe du Sud s’est creusé : l’Espagne et le Portugal, ayant, pour une année supplémentaire, enregistré de très forts taux de croissance (de 2,5% et 2,3%, respectivement).
Ce tassement de la croissance a été induit par un environnement international défavorable, avec le ralentissement du commerce mondial et la faiblesse de l’Allemagne, qui a résulté en une contraction des exportations de biens (-1,1% en moyenne annuelle).
Néanmoins, le retour graduel de l’activité touristique a soutenu les exportations de services (+8,3%) (cf. graphique 3), ce qui a, in fine, permis aux exportations totales (au sens de la comptabilité nationale) de croître de 0,5% a/a.
En outre, la croissance italienne a bénéficié, pour une année supplémentaire, du soutien de la consommation privée (contribuant à hauteur de +0,7 pp à la croissance du PIB réel) (cf. graphique 4).
Cette dernière a bénéficié, d’une part, du ralentissement notable de l’inflation (IPCH) – qui est passée de 12,6% a/a en octobre 2022 (pic) à 0,8% a/a en mai 2024, principalement en raison de la déflation des prix de l’énergie – et, d’autre part, de la résilience du marché du travail.
Depuis la fin de la pandémie, le taux de chômage s’est nettement réduit (7,2% en mars 2024 contre 10,2% en mars 2021) et le taux d’emploi (des 15-64 ans) a augmenté (62,1% au T4 2023 contre 56,1% au T1 2021), bien qu’il demeure inférieur à la moyenne de la zone euro.
Le nombre de contrats permanents a également augmenté (+3,2% en moyenne annuelle en 2023), alors que le nombre d’employés sous contrat temporaire a diminué (-2,7%), ce qui tend à suggérer une amélioration de la qualité des emplois et une réduction de l’emploi précaire.
Par comparaison avec les deux années précédentes, la contribution de la consommation privée à la croissance du PIB réel italien a toutefois été moins importante en 2023. Cela s’explique notamment par le fait que, malgré la baisse de l’inflation, les ménages ont subi de fortes pertes de pouvoir d’achat, les salaires ayant crû de +4,2% au T4 2023 par rapport au T3 2021, tandis que l'inflation a augmenté de +16,7% sur la même période.
Enfin, malgré sa réduction progressive au fil de ces dernières années, l’avantage fiscal pour la rénovation énergétique des bâtiments, aussi appelé Superbonus (cf. encadré ci-dessous), a continué d’agir positivement sur l’investissement italien. Celui-ci est ainsi resté l’autre moteur de la croissance italienne, avec une contribution de +1,1 pp, principalement soutenue par l’investissement en construction (contribution de 0,4 pp) (cf. graphique 5).
Une amplification des défis budgétaires
La situation budgétaire de l’Italie s’est, comme celle de la plupart des autres pays de la zone euro, dégradée par rapport à 2019. Ces détériorations sont dues aux politiques du « quoi qu’il en coûte » mises en place durant la crise sanitaire puis le choc énergétique, via les boucliers tarifaires et autres aides qui ont permis de soutenir les économies à la suite de la remontée massive de l’inflation.
Alors que les règles budgétaires du pacte de stabilité et de croissance (PSC) avaient été suspendues de 2020 à 2022 pour circonstances exceptionnelles, elles ont été réactivées pour l’évaluation de 2023. Il s’avère, finalement sans trop de surprises, que l’Italie ne respecte pas le critère du déficit[2], ce qui constitue un préalable avant l’ouverture officielle d’une procédure pour déficit excessif par la Commission européenne.
En 2023, le déficit public italien est non seulement resté le plus important de la zone euro (-7,4% ; -5,9 points de PIB par rapport à 2019), mais il a aussi été finalement largement supérieur à ce qui avait initialement été prévu par le Gouvernement (de +2,1 pp).
Ce creusement du déficit public est imputable à la hausse des dépenses publiques (de 6,7 points de PIB au cours de la période 2019-2023), notamment sous l’effet des crédits d’impôts (+4,3 points de PIB[3]), et plus particulièrement du Superbonus. En comparaison à 2022, le déficit budgétaire s’est toutefois légèrement réduit (+1,2 pp) grâce à la réduction des aides destinées à amortir le choc énergétique, mais aussi grâce à la diminution du déficit primaire (-3,6% ; +0,7 pp sur un an) (cf. graphique 6).
L’endettement public italien, en pourcentage du PIB, est resté le deuxième plus élevé de la zone euro en 2024 (137,7%), après celui de la Grèce (161,9%) (cf. graphique 7).
Bien qu’il ait rapidement décliné à la suite de son pic enregistré en 2020 en raison de la forte reprise de la croissance nominale, et donc d’un différentiel de croissance et de taux d’intérêt plus favorable (« effet boule de neige ») entre 2021 et 2023, il reste cependant toujours supérieur de 3,2 points à son niveau de 2019.
Pour 2023, les critères de déficit et de dette prévus par l’encadrement européen des Finances publiques ne sont ainsi pas respectés par l’Italie.
De plus, ces déséquilibres ne sont pas caractérisés comme temporaires par la Commission européenne. Cette dernière, dans ses prévisions de printemps, indique que le déficit budgétaire devrait continuer d’excéder largement le seuil de 3% prévu par le PSC au cours des deux prochaines années (-4,4% en 2024 et -4,7% en 2025, sous l’hypothèse technique d’une politique budgétaire inchangée). Du fait de la décélération du taux de croissance nominal au cours des années à venir, impliquant un effet « boule de neige » moins favorable, et des éventuels remboursements des crédits d’impôts du Superbonus, le ratio de dette publique sur PIB devrait, quant à lui, augmenter en 2024 et 2025 (138,6% et 141,7% respectivement).
Néanmoins, les Finances publiques italiennes bénéficient de facteurs d’atténuation des risques assez importants. La structure de la dette en est un, avec une maturité résiduelle moyenne assez longue (6,9 ans), impliquant une répercussion progressive des taux d’intérêt plus élevés sur le service de la dette. De plus, les risques fiscaux sont également atténués par une position extérieure nette plus excédentaire en 2023. Cela reflète à la fois une augmentation de la part de la dette publique dans les avoirs des résidents, et la réduction de la position de débiteur du système bancaire italien vis-à-vis de ses partenaires de la zone euro (principalement l’Allemagne), qui a culminé en 2022.
Quoi qu’il en soit, l’Italie devra communiquer à la Commission européenne fin septembre la manière dont elle compte réduire ses déficits excessifs. Bien que la réforme du cadre européen de gouvernance économique ait été adopté au printemps 2024, et que les nouvelles règles budgétaires soient plus souples en raison du fait que les pays ont désormais plus de temps pour assainir leurs comptes publics (entre quatre et sept ans en fonction de l’analyse de la soutenabilité de leur dette publique), les objectifs restent d'atteindre un ratio de dette publique sur PIB de 60% et un déficit inférieur à 3%. En cas de non-respect des engagements, le pays risquera des sanctions financières qui pourront atteindre 0,1% du PIB chaque année. Selon l’institut Bruegel[4], l’Italie sera, en outre, le pays qui devra réaliser l’ajustement budgétaire le plus important, de l’ordre de 1,08% de PIB en moyenne par an pour une période d’ajustement de quatre ans, ou de l’ordre de 0,59% par an pour un ajustement de sept ans.
Achevé de rédiger le 5 juillet 2024