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Élections allemandes : un gouvernement à Pâques?

24/02/2025
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Le résultat des élections allemandes révèle un vainqueur clair : la CDU/CSU. Seuls cinq partis ont pu entrer au Parlement, réduisant ainsi la fragmentation du Bundestag. Une grande coalition avec le SPD est possible. Les négociations devraient débuter rapidement afin d’établir une feuille de route commune. À leur terme, il faut s’attendre à des changements : un gouvernement allemand plus à l’initiative dans les affaires européennes, plus d’investissements publics, le renforcement des dépenses de défense et, par conséquent, un déficit budgétaire et une dette publique allemands qui pourraient augmenter.

Le retour de la grande coalition

La CDU/CSU a remporté les élections avec 28,5% des suffrages, un score légèrement en deçà des sondages. Toutefois, le nombre restreint de partis ayant franchi le seuil des 5% permet la formation d’une grande coalition majoritaire avec le SPD. Bien que l’AfD, qui a obtenu un score historique de 20,8% soit désormais la deuxième force politique, F. Merz a exclu une alliance avec ce parti. Une alliance avec la SPD est donc le scénario le plus envisageable. Sera-t-elle opérationnelle à Pâques comme le souhaite F. Merz ? Cela dépendra des négociations qui vont débuter.

Une minorité de blocage qui va limiter le potentiel pour de grandes réformes

La précédente coalition a éclaté sur la question de la réforme du frein à l’endettement, à laquelle le FDP s’est opposé. Selon un sondage de Forsa-DGAP, l’opinion publique y est désormais favorable. Toutefois, la nécessité de mobiliser une majorité des deux-tiers pour réformer le frein à l’endettement compliquera son adoption, dans la mesure où l’AfD et Die Linke ont obtenu à eux deux plus d’un tiers des sièges. En revanche, les mesures protectionnistes qui pourraient être annoncées par le Donald Trump à l’encontre de l’Union européenne pourraient motiver l’activation d’une clause d’exception, qui, elle, ne nécessite qu’une majorité simple.

Plus de marges de manœuvre budgétaires, mais pour faire quoi et quand ?

Le programme de la CDU/CSU devrait être le vivier principal des orientations de la future coalition. Une baisse de la fiscalité (sur les entreprises et sur les ménages), mesure cardinale de leur programme, est donc probable. Une coalition avec le SPD ainsi que le contexte économique difficile dans lequel le pays se trouve (crise de l’industrie, risque de nouveaux tarifs douaniers américains, hausse plausible du chômage) pourraient donner une coloration plus sociale au programme économique. Enfin, cette coalition devrait s’accorder sur un effort plus important en faveur de l’investissement public, notamment pour moderniser les infrastructures. Concernant la mise en œuvre de ces réformes, la majeure partie devrait être effective à partir de 2026 dans le prochain budget, même s’il est envisageable que certaines d’entre-elles le soit plus tôt, notamment si une clause d’exception au frein à l’endettement peut être instaurée.

Vers une Allemagne qui émettra davantage de dette et davantage à l’initiative au niveau européen ?

L’activation d’une clause d’exception donnerait davantage de marges de manœuvre budgétaires qu’une réforme du frein à l’endettement. En effet, la réforme du frein n’autoriserait probablement qu’un déficit structurel de 1 à 2 points de PIB, contre 0,35% actuellement, alors qu’une dérogation, certes temporaire, permettrait d’aller au-delà. Les mesures économiques de la coalition et la perspective d’augmentation des budgets de défense des États européens vers les 3% de leur PIB (dont la probabilité de mise en œuvre augmente avec un gouvernement allemand qui devrait être plus proactif en la matière) devrait exiger des ressources budgétaires supplémentaires. De même que l’’épuisement du fonds spécial allemand pour la défense (au plus tard en 2028). L’augmentation probable de la dette allemande pourrait avoir un premier effet : celui de pousser à la hausse les taux allemands.

Stéphane Colliac

Marianne Mueller

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE