Depuis quelques semaines, sous l’effet des annonces et de la mise en œuvre, assez erratiques, des premières mesures des Trumponomics 2.0, un vent moins favorable souffle sur l’économie américaine, qu’il s’agisse de Main Street ou de Wall Street. Entre craintes grandissantes sur l’inflation et sur la croissance, pendant combien de temps encore la Fed peut-elle prolonger le statu quo sur ses taux directeurs ?
Les signes du renversement de situation sur les marchés financiers ainsi que les signaux économiques négatifs ont été bien documentés dans nos publications récentes, nous ne reviendrons pas dessus ici. Un point complémentaire toutefois : la soudaineté avec laquelle le mot en « R » – pour récession – a fait sa réapparition alors que les signaux économiques négatifs sont encore peu nombreux et limités. Il ne s’agit pour l’heure que d’un risque et il est encore peu élevé. Mais il marque un changement d’ambiance saisissant après de nombreux trimestres dominés par la surperformance de l’économie américaine.
Le sort de celle-ci est pour une bonne partie entre les mains des consommateurs américains. C’est de leur côté que se situe la plupart des signaux négatifs actuels. Et si Donald Trump a minimisé la correction récente sur les marchés actions, mettant en avant l’importance plus grande de ce qui se passe dans la sphère réelle, les deux sont pourtant étroitement liés, via notamment les effets richesse. Or, si la consommation des ménages venait à manquer à l’appel, la croissance américaine verrait disparaître son principal et puissant moteur.
Une telle détérioration de Main Street pourrait-elle avoir le rôle de garde-fou, à la place de Wall Street, et amener Donald Trump à faire machine arrière sur sa politique économique ? Ce n’est pas évident non plus, au regard d’une autre déclaration du président américain, préparant les esprits à des sacrifices à court terme contre des bénéfices supposés à long terme de sa politique économique. Il reste toutefois à voir à quel point cette déclaration, comme celle sur Wall Street, résisterait à une dégradation plus marquée de la situation économique américaine et/ou des indices boursiers si celle-ci advenait.
Pour l’heure, une grande incertitude entoure les perspectives économiques américaines. De notre point de vue, un scénario de stagflation légère est le plus probable. Il combine, selon nos prévisions, une remontée assez nette de l’inflation (vers 4% à l’horizon de la fin 2025 contre un peu moins de 3% aujourd’hui), une quasi-stabilité du taux de chômage (4,2% fin 2025 contre 4,1% aujourd’hui) mais un ralentissement marqué de la croissance réelle (1,2% en glissement annuel au quatrième trimestre 2025 contre 2,5% au quatrième trimestre 2024).
Dans un tel scénario, la Fed maintient ses taux d’intérêt inchangés tout au long de l’année, les risques baissiers sur la croissance et haussiers sur l’inflation s’équilibrant. Même si le surcroît d’inflation dû aux hausses de droits de douane reste transitoire, l’inflation cesserait de progresser vers la cible de 2%. La Fed peut difficilement passer outre ce développement et le risque concomitant d’un désancrage des anticipations d’inflation. Et du côté de la croissance, tant que son ralentissement reste contenu, il n’appelle pas de baisses de taux. En revanche, si le risque de récession devient plus tangible, le statu quo laisserait probablement la place à de nouvelles baisses de taux. Pour le moment, la Fed défend le statu quo, peut-être pas aussi longtemps que nous l’envisageons (jusque fin 2025) mais en tout cas pour un certain temps. Un point de vue clair dans un environnement qui ne l’est pas. Merci de votre attention et d’avoir regardé ce nouveau numéro d’EcoTV.