Allemagne : après les élections, le vent du changement ?

20/02/2025

Les enjeux des élections allemandes du 23 février sont importants. Le PIB allemand stagne depuis 3 ans et les capacités de production dans l’industrie ont subi leur première baisse depuis la réunification. La question du maintien du territoire allemand en tant que site de production (standort deutschland) se pose à nouveau. Dans ce contexte, ces élections permettront-elles d’entamer une nouvelle ère (zeitenwende) dans la politique économique allemande, comme ce fut le cas avec les lois Hartz dans les années 2000 ? L’attention se portera sur deux points en particulier : la réforme du frein à l’endettement, ainsi que celles concernant le coût de l’énergie.

Transcription

Les élections législatives allemandes vont livrer leur verdict ce dimanche 23 février. Des négociations dans le but de former une coalition vont suivre rapidement. Dans la logique du système politique allemand, ces négociations vont porter également sur un programme de coalition qu’il s’agira d’appliquer sur le reste de la mandature. C’est notamment pour cela que ces négociations se déroulent souvent sur plusieurs mois avant que le gouvernement puisse se mettre au travail.

Cette fois, les enjeux sont peut-être les plus importants depuis l’élection de 1990, celle qui a suivi la réunification allemande. Il existe même une certaine gémellité entre ces périodes.

Comme au début des années 90, l’Allemagne s’interroge sur son industrie. Selon nos estimations, les capacités de production de cette dernière ont diminué de près de 6% depuis 2017, première destruction nette de capacité depuis le début des années 90.

Comme au début des années 90, la question du bien-fondé du territoire allemand en tant que site de production (standort deutschland) se pose à nouveau. Cette problématique, qui a été au cœur des débats tout au long des années 90, a trouvé sa solution dans la première partie des années 2000, lorsque les lois Hartz ont permis de réduire le coût du travail. Cela a ouvert une période de fortes créations d’emplois et de croissance entre 2005 et 2018, permettant d’atteindre le plein emploi.

Toutefois, à l’instar des années ayant précédé l’adoption de cette loi, au début des années 2000, l’Allemagne vient d’expérimenter plusieurs années de panne sèche avec une stagnation de son PIB qui se trouve fin 2024 très proche de son niveau de la fin 2021.

Avec un chômage résiduel, la croissance de demain devra reposer sur davantage d’investissement et des gains de productivité. Des réformes préalables seront nécessaires. Voici quelques pistes par lesquelles le prochain gouvernement pourrait commencer

Premièrement, retrouver des marges de manœuvre budgétaires. Le frein à l’endettement est certainement trop restrictif dans un pays où le ratio de dette publique se rapproche toujours de 60% du PIB quand il atteint près de 90% en zone euro. Cette règle stipule que le déficit structurel de l’État fédéral ne peut dépasser 0,35% du PIB.

Et c’est la réaffirmation de cette règle par la cour constitutionnelle de Karlsruhe qui a conduit la majorité précédente à retirer toute aide à l’achat de véhicules électriques, précipitant la chute de la production automobile en 2024. La réforme de ce frein est pour la première fois soutenue par une majorité d’allemands, 55% dans le baromètre Forsa-DGAP de janvier 2025 contre 31% seulement en juillet dernier.

Cette réforme, en autorisant un déficit de l’ordre de 1 à 2 points par an, que même le conservateur Conseil des cinq sages appelle de ses vœux, pourrait libérer entre 30 et 70 milliards d’euro par an. Ces montants pourraient être utilisés pour combler les retards en termes d’investissement public et restaurer un plus grand soutien à la décarbonation de l’économie.

Deuxièmement, le gouvernement devra s’attaquer à la problématique du coût de l’énergie, dont l’augmentation a été plus conséquente et plus persistante que par ailleurs. Le prix de production de l’énergie est ainsi resté, en 2024, près de 54% supérieur à son niveau de l’été 2021 en Allemagne, contre +38% en France ou +34% en Italie et +12% aux États-Unis. La persistance de la hausse du coût de l’énergie se traduit d’ailleurs dans l’inflation allemande qui devrait rester supérieure à la cible des 2% tout au long de l’année 2025, ce qui pèse sur le moral des ménages.

Pour que le standort deutschland reste d’actualité, il faudra donc un véritable zeitenwende, c’est-à-dire en allemand dans le texte une ère nouvelle.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE