Bonjour à tous,
Nous voici en 2025 et nous souhaitons commencer par vous souhaiter, à vous tous qui nous écoutez une excellente année 2025 !
Je suis Mickaëlle Fils Marie-Luce, Responsable de l’équipe Communication et Publications des Études Économiques de BNP Paribas et aujourd'hui je reçois pour vous Hélène Baudchon, Cheffe économiste adjointe de BNP Paribas et responsable de l’équipe Economies Avancées des Études Économiques.
Bonjour Hélène !
Hélène Baudchon :
Bonjour et très bonne année à tous nos abonnés !
Mickaëlle Fils Marie-Luce :
Hélène, en ce début d’année vous allez nous offrir votre point de vue sur ce qui nous attend en 2025 et vous nous proposez de regarder les choses autrement.
Hélène Baudchon :
Oui, en effet, parmi les questions que l’on se pose en début d’année, il y a celle de savoir si elle sera ou non meilleure que la précédente sur le plan économique. Je vous propose aujourd’hui de regarder plutôt à quel point 2025 se distinguera de 2024.
Mickaëlle Fils Marie-Luce :
Très bien, alors commençons peut-être par ce qui pourrait être un point commun entre 2024 et 2025.
Hélène Baudchon :
En premier lieu, le poids de l’incertitude. S’il est un élément commun à ces deux années, c’est le niveau élevé de l’incertitude qui pèse sur l’environnement économique. Cela n’est pas propre à 2024 ou à 2025 : c’est une situation récurrente depuis quelques années, dont la nature et les sources évoluent au fil du temps, mais qui ne perd pas en intensité, bien au contraire.
Mickaëlle Fils Marie-Luce :
Quelle était la source d’incertitude en 2024 ?
Hélène Baudchon :
En 2024, l’issue des nombreuses échéances électorales figurait en bonne place parmi ces « inconnues connues ». Maintenant que les résultats de ces scrutins sont tombés, ces derniers soulèvent d’autres incertitudes pour 2025 avec, en premier lieu, celles entourant la plateforme programmatique du Président élu Donald Trump (quelles mesures seront effectivement mises en œuvre, à quelle échéance et avec quelles répercussions économiques pour les États-Unis et le reste du monde ?). Et si certaines incertitudes politiques se sont dissipées, d’autres ont pris leur place, notamment en France, en Allemagne et au Japon. Le tout constituant un frein supplémentaire à la croissance.
Mickaëlle Fils Marie-Luce :
Est-ce que vous voyez un autre point commun entre ces deux années ?
Hélène Baudchon :
Sur le plan des perspectives de croissance de part et d’autre de l’Atlantique, une forme de continuité avec 2024 persisterait, en effet, avec une croissance américaine dont on s’attend à ce qu’elle demeure sensiblement plus élevée que celle de la zone euro (2,1% contre 1%, respectivement, en moyenne annuelle en 2025 d’après nos prévisions). Mais cela masquerait une amorce de convergence des taux de croissance dans le courant de 2025, via un ralentissement assez net attendu de la croissance américaine. Certes, le renforcement de la croissance de la zone euro resterait limité et contraint par un nombre accru de vents contraires par rapport aux facteurs de soutien. Mais 2025 marquerait une légère amélioration par rapport à 2024 (0,8%).
Mickaëlle Fils Marie-Luce :
Et vous allez même au-delà de 2025…
Hélène Baudchon :
Oui en effet. En 2026, nous prévoyons une prolongation du ralentissement américain (croissance attendue à 1,3%), ce qui explique en partie pourquoi nous n’anticipons pas de hausse supplémentaire de la croissance de la zone euro (qui resterait de 1%). L’écart de croissance avec les États-Unis s’en trouverait tout de même nettement réduit. Si l’on regarde d’autres grandes économies avancées, le Royaume-Uni et le Japon devraient voir leur croissance se redresser assez nettement en 2025 (à la faveur d’un double soutien monétaire et budgétaire pour le Royaume-Uni et d’une dynamique plus porteuse du revenu disponible des ménages au Japon) avant de s’essouffler à nouveau en 2026 (sous l’effet notamment des mesures protectionnistes américaines).
Mickaëlle Fils Marie-Luce :
Pouvez-vous nous en dire un peu plus de ce que vous attendez comme impact du programme économique de Trump ?
Hélène Baudchon :
Pour les États-Unis, nous pensons que l’impact net (effets positifs moins négatifs) sur la croissance américaine sera d’abord positif, sur les six premiers mois environ de 2025, avec une économie américaine qui continuerait de donner des signes de résilience, soutenue par l’optimisme post-élections, avant de commencer à pâtir plus visiblement de la politique économique menée par la nouvelle administration Trump, via notamment ses effets inflationnistes et la politique monétaire plus restrictive qui en découle.
Mickaëlle Fils Marie-Luce :
Et l’Europe, à quoi s’attendre ?
Hélène Baudchon :
À des effets négatifs directs différenciés et à des effets indirects impactant tout le monde. Parmi les pays européens, l’Allemagne et l’Italie ressortent comme les plus vulnérables aux hausses de droits de douane. Et ce, compte tenu de l’étroitesse de leurs liens commerciaux avec les États-Unis, de l’ampleur de leurs excédents commerciaux bilatéraux et de leur spécialisation sectorielle. La France apparaît en revanche assez peu exposée de manière directe, le commerce bilatéral franco-américain étant plutôt équilibré. La dépendance mutuelle des deux pays sur l’aéronautique devrait aussi protéger ce secteur particulier. Pour l’Espagne, les conséquences directes devraient être, de même, limitées, ce pays exportant relativement peu vers les États-Unis. Le poids des services dans l’économie espagnole est un autre élément protecteur, ce secteur étant a priori non concerné par l’accroissement des tarifs. Le Royaume-Uni n’apparaît pas non plus très vulnérable : s’il y a un excédent commercial avec les États-Unis, il est très faible, et le Royaume-Uni, comme l’Espagne et la France, est un pays de services. En dehors de l’Europe, le Japon apparaît doublement exposé, les États-Unis constituant le premier marché à l’exportation et la Chine le deuxième.
Mickaëlle Fils Marie-Luce :
Les effets directs devraient être plus limités pour certains pays que pour d’autres, quid des effets indirects ?
Hélène Baudchon :
Tous les pays devraient être impactés négativement, par l’incertitude ambiante et aussi par les effets de second tour (via les intrants et la moindre croissance des partenaires européens) et en cas d’une escalade et de mesures de rétorsion.
Mickaëlle Fils Marie-Luce :
Parlons maintenant des différences entre 2024 et 2025, des tendances et marqueurs qui pourraient émerger cette année.
Hélène Baudchon :
À la différence de 2024, 2025 devrait être marquée par plus de consolidation budgétaire et une remontée probablement plus nette des taux de chômage. Dans ce contexte, et malgré le soutien attendu des gains de pouvoir d’achat nettement plus élevés en 2024 combinés à la poursuite de la baisse des taux d’intérêt, il apparaît difficile d’anticiper que 2025 sera, enfin, l’année d’une baisse franche des taux d’épargne et donc du rebond de la consommation des ménages en Europe. De ce point de vue, 2025 pourrait ressembler à 2024.
Mickaëlle Fils Marie-Luce :
Et que faut-il espérer du côté de l’investissement des entreprises ?
Hélène Baudchon :
L’investissement des entreprises est aussi pris dans des vents contraires. D’un côté, il devrait être soutenu par la baisse des taux directeurs de la BCE ainsi que par les besoins toujours impérieux en matière de digitalisation et de verdissement des appareils productifs. Mais de l’autre côté, l’investissement des entreprises sera freiné, entre autres, par certains signes de dégradation de la situation financière des entreprises (à en juger, par exemple, la remontée des défaillances d’entreprises), par la fragilité de la demande et par l’incertitude prégnante.
Mickaëlle Fils Marie-Luce :
Une évolution plutôt négative donc pour 2025 ?
Hélène Baudchon :
Oui, 2025, en moyenne annuelle, pourrait (le conditionnel est important) marquer une détérioration par rapport à 2024 sur cette composante de la croissance, l’investissement des entreprises.
Mickaëlle Fils Marie-Luce :
Est-ce que vous identifiez quelques points positifs ou en tout cas moins négatifs en 2025 ?
Hélène Baudchon :
Oui, quelques-uns mais c’est sans certitude. Il est possible que l’investissement résidentiel des ménages et, par ricochet, le secteur de la construction dans son ensemble profitent un peu plus de l’assouplissement des conditions de crédit et amorcent une sortie de crise. Il y a des frémissements en ce sens mais cela reste à confirmer, c’est encore fragile. Le secteur automobile européen, nous l’espérons, pourrait aussi commencer à sortir du marasme, au motif notamment qu’il paraît difficile de tomber plus bas et qu’il y a un besoin de renouvellement du parc automobile pour avancer dans sa décarbonation. Au niveau de l’ensemble du secteur industriel, un début de sortie de récession apparaît toutefois assez incertain.
Mickaëlle Fils Marie-Luce :
2025, serait donc encore une année compliquée pour le secteur industriel ?
Hélène Baudchon :
C’est probable : 2025 devrait être une année difficile (une de plus) pour l’industrie, mais possiblement dans une moindre mesure que 2024 (l’aéronautique semblant se distinguer par exemple par des perspectives plus positives). De ce fait, la dichotomie entre les difficultés de l’industrie et le rôle moteur des services, une des caractéristiques de 2024, devrait vraisemblablement se prolonger en 2025.
Mickaëlle Fils Marie-Luce :
Sur les différents points que vous avez évoqué jusqu’ici, en fait, les ressemblances entre 2024 et 2025 semblent plutôt l’emporter. Quels pourraient être les facteurs vraiment différenciant d’après vous ?
Hélène Baudchon :
D’après nos prévisions, ce qui distinguera surtout 2025 de 2024, ce sont les trajectoires divergentes de l’inflation des États-Unis et de la zone euro et, par conséquent, la déconnexion de leurs politiques monétaires.
Mickaëlle Fils Marie-Luce :
La nouvelle présidence de Donald Trump y joue peut-être un rôle…
Hélène Baudchon :
Tout à fait. Nous nous attendons effectivement à ce que l’inflation américaine reparte à la hausse à compter du deuxième trimestre 2025 sous l’effet des Trumponomics 2.0, contrariant la poursuite du cycle de baisses de taux engagé en septembre 2024 par la Réserve fédérale américaine (la Fed).
Mickaëlle Fils Marie-Luce :
Fin 2024, la Fed ne se montrait déjà pas pressée de poursuivre ces baisses…
Hélène Baudchon :
Oui et nous pensons dorénavant qu’elle devra les interrompre en 2025, ne pouvant passer outre la nouvelle poussée, même temporaire, de l’inflation qui sera tirée par les droits de douane. La Fed devrait, en effet, se montrer plus sensible au risque d’un désancrage des anticipations d’inflation qu’aux risques baissiers sur la croissance. Après une dernière baisse de 25 points de base lors du FOMC de décembre, la Fed opterait pour un statu quo monétaire prolongé sur les Fed Funds, dont la fourchette cible se maintiendrait donc entre 4,25 et 4,50% jusque mi-2026. Elle ne reprendrait qu’alors ses baisses de taux (nous en anticipons deux de 25 pb), une fois le pic d’inflation atteint (d’après nos prévisions). Même si l’inflation reste élevée, le passage de la croissance américaine en deçà de son rythme potentiel autoriserait la Fed à être plus « forward-looking ».
Mickaëlle Fils Marie-Luce :
Et pour de notre côté de l’Atlantique ?
Hélène Baudchon :
Du côté de la zone euro, le bilan net sur l’inflation est difficile à évaluer, entre les effets haussiers (dus aux droits de douane et via la dépréciation de l’euro vis-à-vis du dollar américain), les effets baissiers (affaiblissement de la demande, pressions désinflationnistes chinoises) et les comportements de marges des entreprises (en capacité ou non de les préserver). Nous pensons toutefois que les pressions désinflationnistes devraient l’emporter et le retour à la cible de 2% serait sécurisé en 2025, permettant à la BCE de poursuivre le desserrement graduel de sa politique monétaire jusqu’à atteindre la neutralité en milieu d’année prochaine. Concrètement, après quatre baisses de taux de 25 pb en 2024, nous en prévoyons autant en 2025, lors de chacune des réunions à venir (en janvier, mars, avril et juin), jusqu’à porter le taux de dépôt à 2% en juin, un niveau correspondant au point médian de notre intervalle du taux neutre. Il est toutefois probable que la BCE doive aller en deçà de ce taux neutre et passe en zone de politique accommodante si l’économie s’affaiblit plus qu’anticipé.
Mickaëlle Fils Marie-Luce :
Pour terminer, 2025 devrait s'inscrire pour partie dans la continuité de 2024, tout en marquant ses différences, notamment du fait des répercussions du programme économique de Donald Trump, des répercussions qui font plutôt peser un risque baissier sur la croissance mondiale..
Hélène Baudchon :
En effet, notre nouveau scénario économique central est plutôt entouré de risques baissiers et est exposé à de nombreux facteurs d’inquiétudes, dus notamment à l’incertitude accrue sur la politique commerciale, les droits de douane plus élevés, les efforts de consolidation budgétaire ci-et-là ou encore les tensions récentes sur les taux d’intérêt longs. Il y a toutefois aussi des facteurs de soutien à ne pas oublier, parmi lesquels la hausse des revenus réels, la baisse des taux directeurs du côté de la zone euro en tout cas. Pour cette région, on ajoutera le dynamisme de l’Europe du Sud, la poursuite des déboursements des fonds de NextGeneration EU, la hausse probable de certaines dépenses budgétaires (défense, décarbonation). Et mon dernier mot sera pour souligner un autre aléa positif, la possibilité d’un sursaut européen et d’une mise en œuvre de mesures plus ambitieuses pour répondre aux défis structurels de la région et faire jeu égal avec les États-Unis.
Mickaëlle Fils Marie-Luce :
Merci Hélène pour ce nouvel éclairage, je profite de ce podcast pour signaler à ceux qui nous écoutent que votre équipe vient de publier son EcoPerspectives Économies avancées, une publication trimestrielle qui vous permettra d’approfondir les points dont nous venons de parler. Nous vous invitons aussi à lire les deux premiers éditos de l’année de notre publication Ecoweek. Les liens seront communiqués.
Rendez-vous donc sur notre site Internet.
À très bientôt Hélène.
Hélène Baudchon :
À bientôt.
Hélène Baudchon – Mise à jour le 14/01/2025