Donald Trump redevient, ce 20 janvier 2025, le président des États-Unis. Auréolé d’un « mandat clair », le Républicain compte mettre sa victoire à profit en s’attaquant à ses sujets de prédilection. Il retrouve le Bureau ovale alors que l’on assiste à l’un des plus grands rallyes sur le dollar de l’histoire. Le taux de change effectif réel du billet vert atteint aujourd’hui un niveau comparable à celui qui a débouché sur l’accord du Plaza de 1985, avec une probabilité élevée que son appréciation se poursuive. Ce mouvement est de nature à contrarier le nouveau président prompt à pourfendre les devises faibles qui pénaliseraient l’industrie américaine. Dans le même temps, le statut de monnaie de réserve du dollar est indispensable à la puissance de l’économie américaine, d’où une contradiction entre protection de cette position et recherche d’une dépréciation. Si l’économie américaine finissait par se montrer moins performante, une telle dépréciation pourrait se concrétiser. Envisager un accord concerté en ce sens, du type de celui du Plaza, paraît irréaliste au regard de la complexité de l’alignement des intérêts.
Le Retour
Le 20 janvier 2025 marque le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. Élu avec une avance confortable le 5 novembre dernier, l’ancien président entame ainsi un ultime mandat de quatre ans. Dire que l’évènement fait basculer les relations économiques internationales dans une nouvelle ère relève de l’euphémisme. La conflictualisation des rapports, l’incertitude et l’imprévisibilité ressortent comme des caractéristiques centrales de ce nouveau monde. Sur le plan intérieur, la première implication économique de la victoire de Trump, sous le contrôle – certes étriqué – du Congrès, est le renforcement du risque inflationniste, ce qui tranche nettement avec l’environnement macroéconomique de sa première élection, en 2016. Pour les contreparties américaines, les deux sujets sensibles sont le potentiel durcissement des conditions financières globales, lié à un éventuel regain d’inflation et à la remontée des taux longs, et de possibles tarifs douaniers prohibitifs. En outre, parmi les points d’attention - ou plus certainement de crispation - se pose la question de la valorisation du dollar américain par rapport aux autres devises. Si celle-ci trouve peu d’écho en-dehors des États-Unis pour le moment, elle figure parmi les sujets économiques favoris de Trump et de son équipe.
Dollar fort, dollar faible : les deux faces, irréconciliables, d’une même pièce
La position de Donald Trump sur le billet vert n’est pas dénuée d’ambivalences et de contradictions, entre protection de sa prédominance et souhait de le voir se déprécier pour soutenir la compétitivité des exportations américaines. L’impact haussier sur le dollar des hausses de droits de douane qu’il envisage de mettre en place est un bon exemple des contradictions internes de sa politique économique.
Le « privilège exorbitant » du dollar US est un facteur-clé de la puissance américaine. Il se maintient malgré l’affaissement de la part du billet vert dans le total des réserves de change mondiales (passée + de 70% au début du 21e siècle à moins de 60% désormais). Lors de son audition devant le Sénat, Scott Bessent, le secrétaire au Trésor choisi par le président-élu, a rappelé l’attachement de la nouvelle administration au statut de monnaie de réserve du dollar américain. Trump goûte aussi assez peu la petite musique lointaine de la « dédollarisation ». Cela s’est manifesté, en décembre 2024, par des menaces explicites à l’endroit des BRICS auxquels il souhaite bloquer l’accès au marché intérieur américain (notamment avec des tarifs douaniers de 100%) s’ils tentaient de se détourner du billet vert.
Trump estime néanmoins, d’autre part, que les États-Unis ont un « problème de devise » qui porte atteinte à la compétitivité-prix de leur industrie (son vice-président, J.D. Vance, pense aussi que la force du dollar n’est pas justifiée et qu’elle a contribué à la désindustrialisation du pays). En ce sens, un affaiblissement du dollar lui paraît souhaitable, ce qui ne serait toutefois pas sans répercussion négative sur son attractivité. Plus largement, sur cet aspect, les cibles du 45e et désormais 47e président américain figurent parmi ses concurrents commerciaux mais aussi à l’intérieur des États-Unis. Par exemple, Trump a mis en garde la Chine et le Japon contre une appréciation plus ample de l’USDCNY et de l’USDJPY. D’une façon générale, voir dans ces développements le résultat de manipulations ne semble pas pertinent du fait de la structure, exception faite du cas chinois, des taux de change flottants des partenaires américains. Trump a aussi désigné des responsables du dollar fort parmi ses partenaires institutionnels domestiques. En 2019, dans un contexte de guerre commerciale avec la Chine, il a notamment qualifié Jerome Powell « d’ennemi » des États-Unis, une position qu’il pourrait réitérer en 2025 au regard de notre scénario de statu quo prolongé.
Le dollar a le sourire
Les évolutions récentes du dollar ne vont pas dans le sens de l’affaiblissement compétitif souhaité par Trump. Déjà, la période pré-électorale a été marquée par une nette appréciation du Dollar Spot Index de Bloomberg en étroite corrélation avec l’augmentation de la probabilité d’une victoire de Trump. La devise américaine est aussi soutenue par des facteurs qui dépassent les anticipations portant sur la future politique économique. Le dynamisme, conjoncturel et structurel, de la croissance américaine, relativement à une situation moins positive dans la zone euro, au Japon, voire même en Chine, contribue à soutenir le dollar en taux de change effectif réel (TCER). Le différentiel de taux d’intérêt et de politique monétaire lui est également favorable. Le billet vert bénéficie aussi de son statut de valeur refuge et de la demande accrue qui résulte des tensions géopolitiques actuelles et des incertitudes économiques importantes entourant l’application du programme économique de Trump. Cette appréciation du dollar ne date pas non plus d’hier : elle s’inscrit dans un mouvement de plus long terme, engagé depuis la reprise post-GFC, et qui a porté le TCER du dollar à des niveaux inédits depuis le milieu des années 1980 et la conclusion de l’accord du Plaza (cf. graphique).
