Indépendamment de l’orientation de leur politique monétaire, les grandes banques centrales se sont engagées dans des programmes de réduction de leur bilan (Quantitative tightening , QT). Le principal risque de ces programmes est d’assécher les marchés monétaires en privant les banques commerciales du volant de monnaie centrale nécessaire pour satisfaire aux exigences de liquidité imposées par Bâle 3. La première expérience de QT de la Réserve fédérale américaine avait échoué, en 2019, pour cette raison. Dans sa volonté d’agir avec prudence, et à défaut de connaître le montant optimal de réserves (ni rare, ni abondant), la Fed s’était donné pour objectif d’interrompre son deuxième QT dès les premiers signes tangibles de tensions sur les marchés monétaires. En vertu de ce plan, elle a annoncé, le 29 octobre dernier, l’arrêt de son QT2 au 1er décembre prochain.
États-Unis : La réduction de la masse globale de monnaie centrale est perceptible sur les marchés monétaires depuis plusieurs semaines Les raisons de l’arrêt du QT de la Fed L’évolution des taux courts de marché suggère en effet que le réservoir global de monnaie centrale (constitué des réserves des banques auprès de la Fed et des dépôts des fonds monétaires dans le cadre du dispositif ON RRP1 ) ne peut plus être considéré comme abondant (graphique de gauche). Le coût d’accès à la liquidité s’est renchéri au cours des dernières semaines : le taux médian des opérations de mises en pension de titres (SOFR)2 passe désormais régulièrement au-dessus du taux de rémunération des réserves (IORB) et est proche, voire supérieur, au taux de la fenêtre d’escompte de la Fed. Les tirages de liquidité auprès de la Fed (dans le cadre de la Standing Repo Facility , SRF3 ) deviennent plus fréquents.
Et après ? Conformément à son cadre opérationnel4 , la Fed stabilisera pendant quelque temps (semaines ou mois) la taille de son bilan5 . Par la suite, afin de maintenir son offre de réserves à un niveau qu'elle juge suffisamment « ample » (probablement proche de 9%-10% du PIB, graphique de droite), elle réélargira son bilan. En 2026, ses achats de T-bills pourraient s’élever à USD 25-30 mds chaque mois (en plus des USD 15-20 mds de réinvestissement des tombées de dette sur MBS) de sorte de stabiliser le poids de son bilan à hauteur de 20% du PIB.
Mais la prudence de la Fed ne devrait pas s’arrêter là. La capacité des grandes banques à accéder à la liquidité centrale reste limitée. Seul l’un des écueils de son outil d’injection de liquidités a été corrigé : depuis la fin juin, le guichet de la SRF est ouvert sur une plage horaire plus adaptée aux besoins des intervenants. En revanche, les deux autres écueils - l’absence de compensation centralisée des emprunts et le risque de stigmatisation associé à son usage - perdurent (voir : « QT2 : la Fed cherche le bon tempo »).
Les évolutions récentes auront, par ailleurs, permis d’illustrer le manque de pertinence du taux effectif des fonds fédéraux (EFFR)6 pour apprécier les conditions d’emprunt sur les marchés monétaires et s’assurer de la bonne transmission de la politique monétaire. Au début du mois d’octobre, sur la base de sa très faible élasticité à l’évolution du stock agrégé de réserves, la Fed considérait que les réserves demeuraient abondantes7 . En outre, si, à ce jour, des tensions sont perceptibles sur les marchés de mises en pension, les volumes d’emprunts sur le marché des fonds fédéraux demeurent modestes et à un taux médian, certes en hausse (graphique de gauche), mais encore avantageux (inférieur à l’IORB). Comme l’a suggéré Lorie Logan8 , présidente de la Fed de Dallas, il est probablement temps de changer de thermomètre.