L’espoir de Scott Bessent, secrétaire au Trésor américain, de voir le Genius Act 1 stimuler la demande de papier fédéral quasiment à hauteur des émissions de stablecoins 2 pourrait être en partie déçu.
Un texte de loi pour doper la demande de T-bills des émetteurs de stablecoins En encourageant l’accroissement des encours de stablecoins , le Genius Act , promulgué le 18 juillet par le Président Donald Trump, pourrait, à terme, avoir des effets importants sur la portée des politiques monétaires, l‘intermédiation bancaire et la stabilité financière. Nous nous concentrons ici sur l’efficacité potentielle de ce texte de loi à l’aune de son objectif de soutien à la demande de titres courts du Trésor (T-bills ), alors que ce dernier réduit la maturité moyenne de ses émissions.
Cet objectif transparaît dans une disposition spécifique. Le Genius Act impose en effet aux émetteurs d’adosser intégralement leurs émissions à des réserves d’actifs liquides (pièces et billets, dépôts bancaires, T-bills , mises ou prises en pension de T-bills , parts de fonds monétaires investis en T-bills ou dépôts auprès de la Fed).
S. Bessent estime que ce texte pourrait porter l’encours des stablecoins à USD 2 000 mds en 2028 (contre USD 250 mds actuellement) et stimuler la demande de T-Bills d’autant3 . Un tel engouement hisserait les émetteurs de stablecoins à la première place des détenteurs (graphique de gauche) et acheteurs nets (graphique de droite) de T-Bills .
L’ESSOR DES STABLECOINS POURRAIT HISSER LEURS ÉMETTEURS À LA PREMIÈRE PLACE PARMI LES DÉTENTEURS ET ACHETEURS NETS DE T-BILLS La hausse nette de la demande de T-bills pourrait être inférieure à celle des encours de stablecoins en dollar L’incidence sur la demande nette de T-bills dépendra toutefois de plusieurs facteurs :
- la structure des réserves des émetteurs de stablecoins ,
- l’origine des fonds mobilisés par les souscripteurs
- la manière dont la Banque centrale et les banques commerciales ajusteront leurs portefeuilles de titres.
Même dans l’éventualité extrême où les émetteurs de stablecoins adosseraient l’intégralité de leurs émissions à des T-bills ou à des parts de fonds monétaires investis en T-bills , l’effet net sur la demande de papier du Trésor pourrait ne pas être aussi élevé qu’attendu.
La souscription de stablecoins par les particuliers pourrait se faire au détriment de leur détention de titres du Trésor4 . Une autre possibilité serait que l’arbitrage en faveur des stablecoins se fasse au détriment des dépôts et des espèces (y compris celles circulant hors des États-Unis dont la Fed estime l’encours à environ USD 1000 mds). Dans le premier cas, les cessions de T-bills par les ménages neutraliseraient les achats des émetteurs de stablecoins . Dans le second cas, les ressources monétaires du secteur émetteur de monnaie (la Banque centrale et les banques commerciales) seraient mécaniquement réduites. Les banques ont, d’ailleurs, récemment manifesté leurs craintes d’une fuite de dépôts. Privées d’une partie de leurs ressources, les plus stables et les moins coûteuses, la Banque centrale et les banques commerciales pourraient décider de détenir moins de titres publics.
Il est de surcroît vraisemblable que les émetteurs renforceront la poche de liquidité détenue sous forme de dépôts bancaires afin de faire face aux éventuels rachats. Or, les réserves détenues sous cette forme résulteront d’un simple transfert de dépôts bancaires des ménages souscripteurs vers les émetteurs de stablecoins et n’auront pas d’effet sur la demande nette de T-bills .
Au terme de la réallocation des avoirs induite par le Genius Act , la hausse nette de la demande de T-Bills risque donc d’être inférieure à celle des encours de stablecoins en dollar et l’allègement du coût du financement du déficit public américain plus modeste qu’escompté.