Eco Insight

Le marché des Treasuries, un colosse aux pieds d’argile : remettre de l’huile dans les rouages

30/09/2025
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Depuis 2023, les autorités américaines ont pris diverses dispositions pour soutenir la liquidité et la stabilité du marché des Treasuries. La transparence des transactions a été renforcée, le recours à la compensation centralisée des opérations de mises en pension a été accru, et un programme de rachat des titres les moins échangés (Treasury buybacks) a été mis en place.

Les contraintes bilancielles, auxquelles sont exposées les banques chargées d’intermédier ce marché, demeurent toutefois un facteur aggravant en période de tensions. Afin d’y remédier, les régulateurs ont proposé, le 25 juin dernier, d’assouplir l’exigence de levier imposée aux groupes bancaires d’importance systémique et à leurs filiales de dépôts. Cette mesure devrait permettre de redonner à la norme de levier son rôle de filet de sécurité et de rassurer les investisseurs sur la capacité des banques à jouer pleinement leur rôle d’intermédiaires. Le répit offert pourrait toutefois n’être que de courte durée compte tenu des projections d’évolution de la dette fédérale. L’assouplissement de la norme de levier pourrait même, de manière involontaire, soutenir les stratégies des fonds à effet de levier, et ainsi renforcer certaines des fragilités que les régulateurs cherchent précisément à atténuer.

CONTRAINTES DE LEVIER AUX ÉTATS-UNIS : PLUSIEURS NORMES COEXISTENT

Redonner à la norme de levier son rôle de filet de sécurité

Les primary dealers sont chargés d’animer les marchés (cash et repo) de Treasuries en participant aux adjudications du Trésor, en intermédiant les opérations d’achats et de ventes fermes sur le marché secondaire, ou encore en facilitant la circulation du cash et du collatéral sur les marchés de mise en pension de titres (repo)[1]. Le cadre réglementaire mis en place au lendemain de la grande crise financière de 2008 a néanmoins dégradé leurs conditions d’exercice (Li, Petrasek et Tian, 2024). Bâle 3[2] a, notamment, durci l’exigence de fonds propres liée à la taille des bilans bancaires, au travers de la norme de levier (cf. encadré). Il a ainsi accru le coût bilanciel associé à l’activité des primary dealers, qui sont pour la plupart des filiales de très grandes banques. Or, plus la dette fédérale augmente, plus l’espace bilanciel nécessaire pour l’intermédier s’accroît.

Les distorsions induites par la réglementation

Les nouvelles contraintes réglementaires ont non seulement modifié le positionnement des primary dealers mais également fortement affecté les niveaux et la volatilité des rendements des marchés financiers sur lesquels ils opèrent (Du, Hébert and Huber, 2019 ; Duffie et al., 2023 ; Favara, Infante and Rezende, 2024 ; Braüning et Stein, 2024). Ainsi, alors qu’ils privilégiaient jusqu’en 2008 l’emprunt de Treasuries (position nette courte), les primary dealers sont devenus, depuis lors, détenteurs fermes de Treasuries (position nette longue). Ils ont, par ailleurs, été incité à arbitrer entre l’animation des marchés de Treasuries et l’offre de dollar sur les marchés FX swaps, et à exiger des primes de risque plus élevées (Du, Tepper et Verdelhan, 2018). La réglementation bancaire et les innovations technologiques ont, de plus, conduit au déplacement d’une partie des activités d’intermédiation de marché, réalisées par les dealers, vers des sociétés de trading (Principal Trading Firms), très peu tolérantes aux situations de stress[3]. Finalement, la dégradation des capacités d’absorption des Treasuries par les primary dealers aurait contribué à éroder sur le plan national (swap spreads négatifs[4], même sur de très longues maturités) et sur le plan international (déviations majeures à la parité des taux d’intérêt couverte[5]) le « rendement d’opportunité »[6] (convenience yield) associé à la détention de l’actif réputé le plus sûr et le plus liquide[7] (Jermann, 2019 ; He, Nagel and Song, 2022 ; Du, Hébert and Li, 2023).

Des choix de portefeuille biaisés

Évoquée régulièrement par les régulateurs depuis mars 2021[8] et défendue par de nombreux chercheurs (Duffie, 2020 ; Liang et Parkinson, 2020 ; Chen, Liu, Rubio, Sarkar et Song, 2021), la question d’une révision pérenne de la norme de levier n’avait, jusqu’ici, pas été tranchée. Pour rappel, la norme de levier est une exigence de fonds propres non pondérés des risques. Elle vise à garantir que les avoirs ou engagements d’une banque, indépendamment des risques qui y sont associés, n’excèdent pas un certain multiple de ses fonds propres. De ce fait, les titres du Trésor américain ou les réserves auprès de la Fed, bien qu’ils soient considérés comme des actifs « sûrs » et assortis d’une pondération en risque nulle pour le calcul des ratios de fonds propres pondérés des risques, comptent à part entière dans le calcul de l’exposition au titre du levier (dénominateur du SLR) comme tout autre actif, même très risqué.

Le calibrage de la norme doit lui permettre de s’imposer en qualité de limite extrême et non de contrainte permanente. À défaut, elle inciterait les banques à arbitrer en faveur d’actifs plus risqués et plus coûteux en termes de fonds propres, mais plus rentables. Or, pour certaines très grandes banques et leurs principales institutions de dépôts (graphiques 1 et 2), la norme de levier SLR[9] est sur le point de devenir plus contraignante que l’exigence de fonds propres Tier 1 pondérés des risques et donc plus déterminante dans les choix de portefeuille[10]. Sans ajustement de la norme, certains établissements ne pourront bientôt plus assurer leur rôle d’intermédiaires sur le marché des Treasuries sans mobiliser des fonds propres supplémentaires. La nécessité de recalibrer la norme de levier, afin qu‘elle ne devienne pas plus contraignante que l’exigence pondérée, et qu’elle joue son rôle de filet de sécurité, s’est ainsi imposée à l’agenda des régulateurs.

NORME SLR : BIENTÔT PLUS CONTRAIGNANTE
QUE L’EXIGENCE PONDÉRÉE POUR CERTAINES GRANDES BANQUES
L’EXIGENCE SLR EST « MORDANTE » POUR
CERTAINES GRANDES FILIALES DE DÉPÔTS

Une règle assouplie mais peu d’espace bilanciel libéré

L’assouplissement proposé

La réforme tant attendue est désormais lancée. Le 25 juin dernier, les trois régulateurs bancaires (Fed, FDIC, OCC) ont proposé d’abaisser le niveau de la contrainte de levier renforcée eSLR. La règle est soumise à commentaires pendant 60 jours. La règle finale, qui sera communiquée au plus tôt d’ici la fin septembre, précisera la date d’entrée en vigueur de la nouvelle exigence. Les régulateurs prévoient de ramener l’exigence eSLR actuelle (5% pour les G-SIB, 6% pour leurs filiales de dépôt), au niveau de la recommandation bâloise (3% augmenté d’un coussin fixé à 50% de la surcharge G-SIB calculée selon la méthode 1[11]). Sur cette base, les exigences eSLR s’établiraient dans une fourchette allant de 3,5% à 4,25% (tableau 1). Dans le cas des huit G-SIB, cette révision redonnerait à la norme de levier son rôle de filet de sécurité (graphique 3). En revanche, pour la majorité des plus grandes institutions de dépôts américaines, elle demeurerait autant, voire plus, contraignante que la norme de fonds propres pondérés, à l’exception notable des filiales de Bank of America et Wells Fargo (graphique 4).

Un espace bilanciel « libéré » plus mince qu’il n’y paraît. D’après les régulateurs, cet assouplissement offrirait aux huit G-SIB des économies en fonds propres Tier 1 de USD 13 mds au total (1,4% de leur stock de capital Tier 1) et de USD 213 mds à leurs principales filiales de dépôts (27%)[12]. Théoriquement, compte tenu de leur stock de capital au 31 mars 2025, ce relâchement permettrait aux G-SIB d’élargir, collectivement, leur exposition à des actifs sans risque, au maximum de USD 6 000 mds environ[13] (graphique 5). Après prise en compte de l’ensemble des contraintes de fonds propres, les régulateurs estiment que cette capacité n’excèderait pas USD 1 100 mds. Selon nous, ces marges de manœuvre pourraient être bien plus étroites encore (environ USD 300 mds).

LA NORME DE LEVIER JOUERAIT À NOUVEAU SON RÔLE DE FILET DE SÉCURITÉ POUR LES 8 G-SIB …
… MAIS RESTERAIT TRÈS CONTRAIGNANTE POUR
LEURS FILIALES DE DÉPÔTS
L'ÉLARGISSEMENT DES BILANS DES 8 G-SIB EST THÉORIQUEMENT PERMIS PAR LA BAISSE
DE L’EXIGENCE ESLR

Les surcharges G-SIB, qui s’appliquent actuellement (en vertu de la méthode 2), ont été définies sur la base des bilans bancaires de 2022. Or, ces bilans se sont depuis élargis et complexifiés. Ainsi, les surcharges qui s’appliqueront au cours des prochaines années devraient elles aussi augmenter : c’est le cas pour JP Morgan dont le score de systémicité au T1 2025 supposerait une surcharge de 5,5% (contre 4,5% actuellement), pour Bank of America (3,5% contre 3%), pour Citigroup (4% contre 3,5%), pour Goldman Sachs (4% contre 3%) et pour Morgan Stanley (3,5% contre 3%). À structure de bilan donnée, seule Bank of New York Mellon, Wells Fargo et State Street pourraient accroître leur exposition à des actifs sans risque sans augmenter leurs scores de systémicité actuels (graphique 5).

Les alternatives envisagées

D’autres modalités d’assouplissement pourraient être envisagées. Les régulateurs en ont soumis quatre à commentaires :

- Sous l’alternative 1, la révision de l’exigence eSLR (conformément à la proposition) serait complétée d’une réduction du dénominateur du ratio SLR, via l’exclusion des titres du Trésor détenus à des fins de négociation par les filiales de courtage (broker-dealer) des grandes banques. Cette exclusion améliorerait de 15 points de base seulement le ratio SLR moyen des 20 groupes bancaires soumis à l’exigence SLR[14].

- L’alternative 2 consisterait à déduire du dénominateur du ratio SLR les réserves auprès de la Réserve fédérale et l’intégralité des portefeuilles de Treasuries. En moyenne, cette exclusion réduirait de 14% l’exposition au titre du levier (dénominateur du ratio) des 20 groupes bancaires soumis à l’exigence SLR[15]. Elle améliorerait de 100 points de base leur ratio SLR moyen (graphique 6, tableau 2) et de 116 pb celui de leurs plus grandes filiales de dépôts[16] (graphique 7, tableau 3).

- L’alternative 3 ramènerait l’exigence eSLR actuelle à 3% augmenté d’un coussin fixé à 50% de la surcharge G-SIB en vigueur (c’est-à-dire celle calculée selon la méthode 2). Sous cette hypothèse, les exigences eSLR seraient comprises dans une fourchette allant de 3,5% à 5,25%[17] (tableau 1).

- L’alternative 4 combinerait la proposition de réduction de l’exigence eSLR (3% augmenté d’un coussin fixé à 50% de la surcharge G-SIB calculée selon la méthode 1) et l’alternative 2.

L’EXCLUSION DES RÉSERVES ET DES TREASURIES AMÉLIORERAIT DE 100 POINTS DE BASE LE RATIO SLR MOYEN DES GROUPES BANCAIRES…
… ET DE 116 POINTS DE BASE CELUI DE LEURS PRINCIPALES FILIALES DE DÉPÔTS
ÉVOLUTION ESTIMÉE DE L’EXIGENCE ESLR
ESTIMATION DES RATIOS SLR DES HOLDING COMPANIES SOUS L’ALTERNATIVE 2
ESTIMATION DES RATIOS SLR DES PRINCIPALES INSTITUTIONS DE DÉPOTS SOUS L’ALTERNATIVE 2

Rassurer les investisseurs

Les freins à des achats massifs de Treasuries par les banques

À lui seul, l’allègement proposé en juin dernier (ou même l’exclusion des titres du Trésor du dénominateur du ratio) ne devrait pas inciter les banques soumises au SLR à acheter massivement des Treasuries. Au T1 2025, le poids des Treasuries dans les bilans des groupes soumis au SLR (10%) et dans les inventaires des primary dealers atteignaient déjà des niveaux historiquement élevés. Certes, les titres du Trésor sont considérés très favorablement dans la réglementation bancaire (pondération en risque de crédit nulle, éligibilité à la gamme des actifs liquides de haute qualité) mais leur exclusion du calcul du dénominateur du SLR ne rendrait pas totalement indolore la détention de Treasuries.

Des achats importants de titres risqueraient :

1/ d’accroître les surcharges G-SIB en gonflant l’indicateur de taille,

2/ de dégrader les ratios de levier simples (contraignants au niveau des filiales de dépôt),

3/ d’augmenter l’exposition des banques aux risques de transformation et de taux d’intérêt[18] et d’entrer en conflit avec les limites d’expositions internes aux risques de marché, Value at Risk[19] (donc d’accroître la valeur des actifs pondérés des risques),

4/ de dégrader la position de liquidité de certaines banques[20].

Il semble, dès lors, peu probable qu’à lui seul, l’allègement de la norme suscite une demande accrue des banques et permette une baisse franche et rapide des rendements des Treasuries. Toute comparaison avec la période d’assouplissement temporaire de la norme SLR en 2020-2021 serait trompeuse : la baisse des rendements était, à cette époque, le fruit du Quantitative Easing illimité de la Fed.

Les bienfaits de la confiance

Selon nous, l’enjeu de cet assouplissement est plutôt de rassurer les investisseurs sur la capacité des banques à jouer pleinement leur rôle d’intermédiaires, et in fine à renforcer leur appétit pour les Treasuries. Or, l’assouplissement de la norme de levier ne peut remplir cet objectif qu’à la condition qu’il soit pérenne. À défaut, en cas de choc, certains investisseurs, qui redouteraient une baisse future du prix des titres, pourraient être incités à céder leurs avoirs. D’après Eisenbach et Phelan (2022), en mars 2020, avant l’annonce du programme d’achats de titres publics « sans limite » de la Fed, l’incertitude concernant la capacité des dealers à absorber les cessions nettes de titres aurait poussé certaines institutions financières, sans contrainte de liquidité ou de financement mordante, à vendre prématurément leurs portefeuilles ; ce qui aurait rendu leurs anticipations auto-réalisatrices. En avril dernier, l’annonce du relèvement des droits de douane n’a pas suscité les mêmes craintes de dysfonctionnement. Les contraintes de levier et de liquidité des plus grandes banques offraient, de surcroît, encore des marges de manœuvre. Elles ont pu continuer à intermédier le marché repo et fournir aux hedge funds, spécialisés dans les stratégies cash-futures basis trade[21], les ressources nécessaires pour maintenir leurs positions. À défaut, ces acteurs se seraient délestés d’une partie de leurs portefeuilles, ce qui aurait amplifié le stress (Perli, 2025).

Le risque d’effets indésirables non anticipés

Une solvabilité bancaire préservée

A priori, les modalités d’assouplissement du SLR (révision du niveau de l’exigence, voire exclusion d’actifs « sûrs » du dénominateur du ratio) ne présentent pas de risques en matière de stabilité financière. Le fait que les exigences de solvabilité pondérées des risques demeurent plus contraignantes que la norme de levier, pour la majorité des grandes banques (et seulement légèrement moins contraignantes pour les autres), écarte le risque qu’elles n’accroissent leur exposition à des actifs risqués. La faible économie en fonds propres, attendue de l’assouplissement du eLSR au niveau consolidé (USD 13 mds d’après les estimations des régulateurs), en témoigne.

Un encouragement aux stratégies « court-termistes »

Selon nous, au-delà des risques évoqués par les régulateurs dans leur étude d’impact (augmentation du levier d’endettement et exposition au risque de taux d’intérêt accru), les efforts déployés pour faciliter le rôle des dealers pourraient avoir des effets indésirables non anticipés. Comme l’essor du champ de la compensation centralisée des opérations de pensions livrées de Treasuries (et plus particulièrement des opérations « sponsorisées »[22], graphique8), le relâchement de la norme de levier pourrait amplifier l’ampleur des stratégies de cash-futures basis trade des hedge funds.

L’ESSOR DES PRÊTS « SPONSORISÉS » A PERMIS AUX HEDGE FUNDS DE CREUSER LEUR POSITION NETTE VENDEUSE

Ces derniers sont devenus des intermédiaires majeurs du risque de taux d'intérêt sur le marché des Treasuries en se positionnant sur les marchés à terme face aux gestionnaires d’actifs. Or, une disponibilité accrue de prêts repo soutiendrait la rentabilité de leurs stratégies. Certes, ces stratégies permettent au Trésor de placer une partie de sa dette et soutiennent la liquidité du marché. Mais, compte tenu du fort effet de levier inhérent à ces opérations, en cas de choc de volatilité sur le marché des Treasuries, le débouclage rapide de leurs positions renforcerait la volatilité des rendements et dégraderait la liquidité du marché. In fine, l'assouplissement de la norme de levier pourrait avoir un effet paradoxal. Alors qu'il vise à renforcer la stabilité du marché des titres du Trésor, il pourrait, de manière incidente,soutenir les stratégies des fonds à effet de levier, et renforcer ainsi certaines des fragilités que les régulateurs cherchent précisément à atténuer.

Achevé de rédiger le 3 juillet 2025

RÉFÉRENCES

Bräuning F. et Stein H. (2024), The Effect of Primary Dealer Constraints on Intermediation in the Treasury Market, Federal Reserve Bank of Boston Research Department Working Papers

Chen J., Liu H., Rubio D., Sarkar A. et Song Z. (2021), Did dealers fail to make markets during the pandemic ?, FRBNY, Liberty Street Economics, mars 2021

Du W., Tepper A. et Verdelhan (2018), Deviations from covered interest rate parity, Journal of Finance, vol 73

Du W., Hébert B. et Huber A. (2019), Are intermediary constrainsts priced ?, NBER Working Paper Series, juin 2019

Du W., Hébert B. et Li W. (2023), Intermediary Balance Sheets and the Treasury Yield Curve, NBER Working Paper Series, mai 2023

Duffie D. (2020), Still the World’s Safe Haven ? Redesigning the US Treasury market after the Covid-19 crisis, Hutchins Center WP n°62

Duffie D. (2025), How US Treasuries Can Remain the World’s Safe Haven, Journal of Economic Perspectives, Volume 39, Number 2

Duffie D., Fleming M., Keane F., Nelson C., Shachar O. et van Tessel P. (2023), Dealer Capacity and U.S. Treasury Market Functionality, Federal Reserve Bank of New York Staff Report, octobre 2023

Eisenbach T. et Phelan G. (2022), Fragility of Safe Asset Markets, FRBNY Staff Reports, n°1026, juillet 2022

Favara G., Infante S. et Rezende M. (2024), Leverage Regulations and Treasury Market Participation: Evidence from Credit Line Drawdowns, SSRN

He Z., Nagel S. et Song Z. (2022), Treasury inconvenience yields during the Covid-19 crisis, Journal of Finance Economics vol 143liJermann U. (2020), Negative swap spreads and limited arbitrage, The Review of Financial Studies, Volume 33, Issue 1, janvier 2020

Li D., Petrasek l. et Tian M. H. (2024), Risk-Averse Dealers in a Risk-Free Market – The Role of Internal Risk Limits, Finance and Economic Discussion Series

Liang N. (2025), What’s going on in the US Treasury market, and why does it matter ?, Brookings Commentary, 14 avril 2025

Liang N. et Parkinson P. (2020), Enhancing liquidity of the US Treasury market under stress, Hutchins Center WP n°72

Perli R. (2025), Recent Developments in Treasury Market Liquidity and Funding Conditions, FRBNY, Remarks at the 8th Short-Term Funding Markets Conference, Federal Reserve Board, Washington, DC

[1] Une opération de pension livrée - forme de cession temporaire de titres - peut être assimilée, du point de vue économique, à un prêt garanti (cash contre titres, dont la valeur est affectée d’une décote) ; envisagée du point de vue de celui qui prête les liquidités, c’est une prise en pension (reverse repo) ; de celui qui les emprunte, une mise en pension (repo). La mise en pension d’un titre est assortie d’un engagement de rachat à terme à un prix convenu. Le taux d’intérêt, ou taux de pension, correspond à la différence entre le prix de vente et le prix de rachat.

[2] Diverses exigences réglementaires contraignent l’activité des primary dealers : la norme de levier SLR, la surcharge de fonds propres spécifique aux G-SIB (le score de taille intègre la valeur des portefeuilles de Treasuries inscrits au bilan, celui de complexité les opérations de prêt/emprunt de titres), le Stress Capital Buffer (la mesure standardisée du risque de contrepartie pénalise les bilans larges) ou encore les limites d’exposition au risque (via le calcul de la Value At Risk). Les exigences internes en termes de profitabilité et de tolérance au risque ou encore la forte procyclicité des appels de marge des chambres de compensation peuvent également les inciter à limiter leurs expositions.

[3] Ces sociétés ne sont pas affiliées à des établissements bancaires et n’ont pas le statut de dealers. Elles emploient des stratégies de trading à haute fréquence, automatisées et pour leur propre compte. Elles procèdent à de très nombreux ordres mais ne maintiennent leurs positions que temporairement (quelques heures la plupart du temps).

[4] En théorie, le swap spread est positif car un contrat swap inclut un risque de crédit, celui de la banque qui sert de contrepartie à l’investisseur, supérieur à celui de l’émetteur souverain.

[5] Selon la théorie de la parité des taux d’intérêt couverte, il existe une relation entre le différentiel de taux d’intérêt d’actifs sans risque libellés dans deux devises et la différence entre les taux de change à terme et spot. Depuis 2014, cette parité n’est plus vérifiée en raison d’une demande accrue de couverture du risque de change et d’une capacité moindre des dealers à offrir des dollars sur les marchés FX swaps.

[6] Le « rendement d’opportunité » est la valeur que les investisseurs attribuent aux services de liquidité et de sécurité offerts par les Treasuries.

[7] Selon Duffie (2025), le fait que les grands investisseurs institutionnels tels que les fonds communs de placement, les fonds de pension et les compagnies d'assurance préfèrent compenser leurs passifs longs par le biais de produits dérivés (qui bénéficient d'un traitement comptable plus avantageux) plutôt que de détenir des actifs longs comme les titres du Trésor contribue également à accroître les rendements des Treasuries à long terme par rapport aux rendements implicites des dérivés de taux d'intérêt.

[8] La norme SLR avait été assouplie temporairement pendant la crise de la Covid-19, du 1er avril 2020 au 31 mars 2021.

[9] La norme de levier simple est également contraignante pour certaines grandes institutions. Toutefois, le Dodd Frank Act a instauré un floor permanent à toute nouvelle règle de fonds propres. À défaut d’un vote du Congrès, la norme de levier en vigueur en 2010 ne peut être allégée.

[10] Au T1 2025, l’exigence SLR (augmentée d’une marge de sécurité de 25 pb) était moins contraignante que l’exigence T1 pondérée (augmentée d’une marge de sécurité de 50 pb) pour toutes les grandes banques non-G-SIB (à l’exception de Charles Schwab) et pour 3 G-SIB sur 8 et légèrement plus contraignante (de USD 1 à 4 mds) pour les 5 autres G-SIB. Elle était plus contraignante pour 8 des 9 plus grandes filiales de dépôts des 8 G-SIB et 3 des 12 plus grandes filiales de dépôts des grandes banques non-G-SIB.

[11] Aux États-Unis, la surcouche de capital imposée aux G-SIB est déterminée à l’appui de deux méthodes : celle du Conseil de Stabilité Financière (méthode 1) et celle de la Fed (méthode 2). La plus sévère des deux méthodes (systématiquement la seconde) est retenue.

[12] L’étude d’impact des régulateurs intègre les principales filiales de dépôts de chacun des groupes soumis au SLR (la plus grande ainsi que toutes celles dont le total actifs excédait USD 50 mds en 2024). Les USD 200 mds de capital Tier 1 « libérés » au niveau des filiales de dépôts pourront sous certaines conditions être réalloués au sein des groupes et soutenir l’activité des filiales de courtage.

[13] Cet espace bilanciel est calculé comme la différence entre l’exposition maximum autorisée sous l’exigence eSLR actuelle et sous l’exigence eSLR révisée (augmentées de 25pb de marge de sécurité), sans augmentation des fonds propres (en supposant une couverture parfaite contre le risque de taux).

[14] Les données relatives aux portefeuilles de Treasuries des primary dealers sont confidentielles. Toutefois, d’après les régulateurs, en moyenne, 92% des titres comptabilisés comme actifs de trading au bilan des G-SIB et qui ne sont pas détenus par leurs filiales de dépôts sont portés au bilan de leurs filiales de courtage. Nous appliquons cette proportion aux 20 groupes soumis au SLR.

[15] Le dénominateur du ratio SLR est calculé comme la moyenne des positions comptabilisées durant le trimestre (sur une base quotidienne pour les expositions bilancielles). Nous excluons donc la moyenne entre les 31 décembre 2024 et 31 mars 2025 des encours de dépôts auprès de la Fed et des Treasuries inscrits au bilan.

[16] L’incidence est comparable car les réserves auprès de la Fed et les portefeuilles d’investissement en Treasuries (détenus jusqu’à échéance et disponibles à la vente) sont, pour une large part, inscrits au bilan des filiales de dépôts.

[17] Avec une surcharge G-SIB fixée actuellement à 4,5%, JP Morgan verrait son exigence eSLR accrue si l’option 3 était retenue.

[18] En moyenne, plus de 70% des portefeuilles de Treasuries des huit G-SIB étaient comptabilisés à leur valeur de marché en catégorie « Titres disponibles à la vente » ou en « Portefeuilles de négociation » au T1 2025. Or, en cas de hausse des taux, les moins-values latentes constatées sur ces portefeuilles dégraderaient les ratios de fonds propres pondérés des grandes banques.

[19] La VaR quantifie l'exposition d’un groupe aux pertes extrêmes potentielles sur ses positions de marché et d’investissement résultant des risques de marché. Elle est très sensible aux variations brutales de la volatilité des marchés.

[20] Un élargissement des portefeuilles de titres des banques n’aurait pas d’incidence sur le stock agrégé de réserves auprès de la Fed (les réserves mobilisées pour réaliser ces achats seraient reconstituées par la dépense publique permise par la levée de dette du Trésor). Il pourrait toutefois occasionner une redistribution des réserves entre banques. Or, si les réserves et les Treasuries sont tous deux considérés comme des actifs liquides de la plus haute qualité dans la réglementation bancaire, la liquidité fournie par les réserves est unique. C’est le seul actif qui n’a pas besoin d’être monétisé et les régulateurs américains les considèrent de ce fait plus favorablement dans le cadre des exigences de liquidité.

[21] Cette stratégie consiste à exploiter la différence de prix entre les marchés ferme et à terme (« cash-futures basis trade »). Elle consiste à acheter des titres sur le marché ferme, financer cet achat en plaçant les titres en pension (repo), prendre une position courte sur le marché à terme, et, enfin, livrer les titres lorsque le contrat à terme arrive à échéance. Pour maximiser leurs gains, les hedge funds jouent l’effet de levier en empilant les positions. Or, en cas de sursaut de volatilité sur l’un des segments de marché, comme ce fut le cas en mars 2020, le dénouement simultané des positions peut propager le stress et perturber l’ensemble des marchés sur lesquels se négocient les Treasuries.

[22] Le « Sponsored service » de la FICC (Fixed Income Corporation) permet aux dealers de parrainer l’adhésion « indirecte » de certaines de leurs contreparties (fonds monétaires, hedge funds) à la FICC et de soumettre à la compensation centralisée leurs opérations sur le marché repo. Il leur permet ainsi d’alléger leurs bilans.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE
Equipe : Économies avancées