La Fed a assoupli sa politique monétaire avec deux annonces attendues : la fin du processus de réduction de son bilan à partir du 1er décembre et une deuxième baisse consécutive (-25 pb) de la cible des Fed Funds, sans unanimité, qui passe à +3,75% - +4,0%, en raison des risques baissiers sur le marché du travail. Nous anticipons une nouvelle baisse de 25 pb en décembre motivée par le biais de la Fed en faveur de l’emploi et les révisions à la baisse de nos prévisions d’inflation pour les trimestres à venir. Toutefois, cet assouplissement ne peut être considéré comme certain, Jerome Powell ayant insisté pour maintenir les options ouvertes en amont de la réunion à venir.
L’heure est à la modération
Sans surprise, le FOMC (vote 10-2) a réduit de 25 pb sa cible de taux, qui passe à +3,75% - +4,0%, face à la « modification de l’équilibre des risques » autour du mandat dual. Dans la lignée de la réunion précédente depuis laquelle « l’outlook n’a pas réellement évolué » selon J. Powell, il s’agit de rapprocher de la neutralité une politique jugée encore « modérément restrictive ». Toutefois, les votes divergents de S. Miran (gouverneur, pour -50 pb) et de J. Schmid (Kansas Fed, pas de changement) rappellent l’équation délicate entre inflation en hausse et érosion de l’emploi (voir ci-après). Cette manifestation formelle des désaccords sur la nécessité d’une détente tend à réduire le caractère « sans surprise » de la réunion (voir notre édito EcoWeek). Cela a amené J. Powell à prendre ses distances tant avec la partie la plus hawk de son board, tout en se faisant le porte-parole de ses préoccupations, qu’avec l’idée d’une baisse assurée en décembre (voir ci-après). Dans le même temps, la Fed a précisé, comme attendu, le calendrier de la fin du quantitative tightening (QT) débuté en juin 2022 : elle débutera le 1er décembre, ce qui ajoute clairement au caractère moins restrictif de la politique monétaire.
L’emploi, à manier avec précaution
L’attention plus importante portée à l’emploi est ainsi confirmée et appuyée par un communiqué insistant sur « l’accroissement des risques baissiers » associés lors des derniers mois. Shutdown oblige, le comité ne dispose pas de données officielles plus récentes que l’enquête Emploi d’août dernier, mais il appuie son évaluation négative sur des alternatives – données privées (ADP) et Beige Book. Pourtant, l’activité économique reste dynamique, ce qui devrait, théoriquement, limiter l’urgence de la détente : J. Powell reconnaît que les données pré-shutdown tendaient vers une croissance plus importante que prévu que nous évaluons à +2,9% au T3 2025 en rythme annualisé (+3,9% pour le GDPNow de la Fed d’Atlanta). Cette croissance sans emploi peut apparaître contre-intuitive et constitue un « conflit dans les données » selon le gouverneur C. Waller pour lequel les deux aspects devront se rejoindre rapidement. En somme, le simple risque, même incertain, d’un décrochage plus prononcé de l’emploi suffit au FOMC pour justifier un assouplissement.
Inflation, jusqu’ici tout va bien
La décision du FOMC n’a pu qu’être confortée par l’inflation CPI moins forte qu’anticipé en septembre. Les indices headline (+0,1pp) et sous-jacent (-0,1pp) atteignent ainsi +3,0% a/a sur fond de ralentissement du rythme mensuel (-0,1pp à, respectivement, +0,3% et +0,2% m/m). Une surprise positive apparaît concernant les prix des véhicules neufs, qui pourrait s’expliquer par une baisse des droits de douane de 25% à 15% pour les importations en provenance du Japon et de l’Union européenne. Ce chiffre de CPI plus sage nous a conduit à réviser à la baisse notre prévision du pic d’inflation du T2 2026 : il serait de +3,4% a/a contre +3,6% précédemment (+3,3% contre +3,7% sur la partie core). Toutefois, des points d’attention subsistent. D’une part, le chiffre headline de +3,0% a/a retrouve son niveau de janvier 2025. ; d’autre part, des catégories telles que l’ameublement et l’habillement, dont la production est très souvent importée et le poids cumulé supérieur à l’automobile neuf, font état de pressions haussières. Enfin, la hausse des prix de l’énergie (+5,1% a/a pour l’électricité et +4,1% m/m pour l’essence) est un sujet économiquement impactant mais aussi politiquement potentiellement brûlant.
Rendez-vous en décembre
Les dernières données confortent notre scénario d’une nouvelle baisse de taux (-25 pb) lors de la réunion des 10-11 décembre. Il est vrai que J. Powell a indiqué qu’une baisse était « loin d’être courue d’avance » et a rappelé les « vues très différentes » qui cohabitent au sein du comité. Cela a conduit les anticipations de marché à baisser à 70% de probabilité pour une baisse en décembre (contre 96% avant le début du FOMC). De plus, la mise à jour des projections des membres du FOMC sur la trajectoire de taux en 2026 sera particulièrement instructive, alors que celles pour le T3 avaient déjà témoigné d’une forte division. Cette division entre les tenants des baisses préventives, face aux risques sur l’emploi, et les membres inquiets de ces mouvements, dans un contexte de montée de l’inflation, reste bien présente de l’aveu de J. Powell. Pour la Fed, le défi sera d’autant plus grand en décembre, pour la décision de taux comme pour le Summary of Economic Projections, au regard des fortes perturbations sur la publication des données économiques liées au shutdown.