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Italie : les finances publiques s'améliorent, mais la productivité reste faible

17/12/2025
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L'économie italienne est résiliente : au T3, le PIB a légèrement rebondi et l’inflation a été modérée, préservant le pouvoir d'achat des ménages. Selon nos prévisions, la croissance resterait proche de 1% en 2026 et 2027. La confiance des marchés s'est renforcée : les agences ont revu leurs notations à la hausse en raison de la stabilité politique, de l'assainissement budgétaire et d’une hausse de la dette publique détenue à l'étranger. Le secteur pharmaceutique et les ventes intra-UE tirent les exportations, et les échanges avec les États-Unis restent positifs. Malgré la solidité du marché du travail, la productivité reste faible. En cause : le manque d’investissements immatériels, une numérisation faible et une fragmentation forte des entreprises.

La sous-performance de la croissance devrait s'atténuer

Au T3 2025, le PIB italien a augmenté de 0,1% t/t, grâce à une augmentation de la valeur ajoutée dans l'agriculture et les services qui a compensé le déclin de l'industrie. La consommation a augmenté de 0,1%, l'investissement de 0,6%, et les importations et exportations ont crû respectivement de 1,2% et 2,6%. Ces chiffres du T3 font suite à une contraction de -0,1% au T2, la première baisse après sept trimestres consécutifs de stabilité ou de croissance modeste. Le PIB réel italien reste ainsi supérieur de 6,5% à son niveau pré-Covid (du T4 2019), contre +5,6% en France, +0,1% en Allemagne et +10% en Espagne.

CROISSANCE ET INFLATION (MOYENNE ANNUELLE)

Bien que la croissance ait ralenti au cours des deux dernières années, l'inflation modérée (inférieure à 2% depuis octobre 2023) et la baisse de la population ont favorisé l'augmentation du PIB par habitant ajusté en fonction de la parité de pouvoir d’achat. En 2023, le PIB par habitant de l’Italie a dépassé, pour la première fois depuis dix ans, celui du Royaume-Uni, et l’écart s'est creusé en 2024.

En 2026 et 2027, la croissance italienne devrait rester proche de 1% (1,0% en 2026 et 0,9% en 2027). La consommation et l'investissement (stimulé par les derniers déboursements des fonds de relance et de résilience de l’UE) devraient être les principaux moteurs de l’activité économique. Les exportations nettes devraient, quant à elles, contribuer négativement à la croissance en raison des tensions commerciales.

Le marché du travail est tiré par les plus de 50 ans

Le marché du travail italien reste dynamique. Au T3, l'emploi est stable à environ 24,2 millions de travailleurs (+0,1% t/t). La croissance de l'emploi s'est concentrée sur les salariés en CDI, les travailleurs indépendants et les plus de 50 ans. Par rapport au T2 2025, les taux d'emploi et d'inactivité sont restés inchangés, à 62,7% et 33,1% respectivement, tandis que le taux de chômage a baissé de 0,3 pp pour atteindre 6,1%. Entre janvier et septembre 2025, les salaires horaires contractuels ont augmenté de 3,3% a/a.

Le taux de chômage devrait se stabiliser autour des niveaux actuels en 2025 et diminuer en 2026. Dans ce contexte, la croissance de l'emploi en 2025 devrait dépasser celle du PIB, avant de ralentir en 2026. Ainsi, la productivité du travail, en baisse (en particulier dans l'industrie), devrait continuer de diminuer en 2025 et avant de repartir à la hausse en 2026-2027.

L'inflation poursuit sa tendance à la baisse

L'inflation reste modérée en Italie. En novembre, l'IPCH a considérablement ralenti pour atteindre 1,1% a/a. L'inflation alimentaire est passée de 2,5% en octobre à 2,3% en novembre et les prix de l'énergie continuent de baisser (-4,2% a/a). Pour sa part, l'inflation sous-jacente a légèrement ralenti à 1,8% (contre 1,9% en octobre).

Tout au long de 2025, l'inflation est restée inférieure à 2%, sauf en mars. Elle demeure ainsi l'une des plus faibles de la zone euro, en raison notamment de la forte baisse des prix de l'énergie. Durant le T2, le pouvoir d'achat des ménages a continué de croître (+0,3% t/t, après +0,7% au T1). Malgré cela, le taux d'épargne a atteint 9,5% en avril-mai, poursuivant ainsi sa hausse après un point bas de 8,8% au T4 2024.

L'inflation devrait s'établir à 1,7% en moyenne annuelle en 2025. La consommation privée devrait augmenter modérément (moins de 1%) en raison de l'incertitude et de l'augmentation du taux d'épargne (qui limitent l'impact positif de la croissance des revenus), avant d'accélérer en 2026.

Finances publiques : signes de confiance et amélioration structurelle

Les finances publiques italiennes continuent de bénéficier des révisions à la hausse des agences de notation et des institutions européennes. En novembre 2025, Moody's a relevé la note de l'Italie à Baa2 (perspective stable), une première depuis plus de vingt ans, après des décisions similaires de Fitch et S&P. Dans le même temps, la Commission européenne a revu ses projections budgétaires à la hausse (s'attendant à de meilleurs ratios budgétaires) et a indiqué que l'Italie pourrait sortir de la procédure de déficit excessif dès 2026, un an plus tôt que prévu, sous réserve des données du printemps.

Le sentiment du marché s'est également amélioré : l'écart entre le BTP et le Bund a diminué d'environ 100 points de base au cours des deux dernières années, et retrouve ainsi ses niveaux d'avant la crise des dettes souveraines (75 pb en décembre 2025, avec un taux à 10 ans de 3,5%). La demande étrangère s'est renforcée, la part de la dette publique détenue par les non-résidents atteignant 33,7% en août 2025, soit une augmentation de près de EUR 124 mds en seulement huit mois, confirmant l'inversion de la tendance observée depuis 2023.

DETTE PUBLIQUE ITALIENNE PAR DÉTENTEUR (%)

Le document de programmation des finances publiques (DPPF) pour 2025 confirme une trajectoire d'assainissement budgétaire plus favorable : le déficit devrait se réduire à 3% du PIB en 2025 (un an plus tôt que prévu au printemps), puis progressivement entre 2026 et 2028 (-2,8% en 2026, -2,6% en 2027, -2,3% en 2028). Cette trajectoire baissière, alignée sur les prévisions de la Commission européenne, est conforme à la nouvelle règle des dépenses nettes qui est au cœur de la gouvernance budgétaire révisée de l'UE.

Malgré tout, la dette publique italienne reste élevée et devrait atteindre 137,4% du PIB en 2026 en raison d’ajustements stock-flux liés au système « Superbonus », avant de diminuer à partir de 2027 (136,4% en 2028 selon le gouvernement). La viabilité à long terme dépendra du ratio entre le coût moyen de la dette et la croissance du PIB nominal, dans un contexte où les coûts de refinancement seront moins favorables qu'au cours de la dernière décennie.

Les produits pharmaceutiques stimulent les exportations

Au cours des neuf premiers mois de l'année, la dynamique commerciale a été positive (avec un excédent commercial d'environ EUR 35,4 mds ; +0,9% a/a) : les exportations ont augmenté de 3,5% a/a (en termes nominaux), principalement grâce aux produits pharmaceutiques (+35%), aux métaux de base (+6,7%) et aux produits alimentaires (+5%), tandis que les importations ont augmenté de 3,7%. La croissance des exportations a été forte, notamment vers les pays de l'UE (+4,5% a/a contre +2,4% en dehors de l'UE), en particulier vers l'Espagne (+11,8% a/a ; 5,5% des exportations totales) et la Suisse (+11,8% ; 4,8% des exportations totales).

Malgré les tensions commerciales et les droits de douane américains introduits en août, les exportations vers les États-Unis ont augmenté de 9% a/a au cours des neuf premiers mois de l'année. Les exportations de produits pharmaceutiques ont été le principal contributeur (+58,3%). La performance des exportations italiennes vers les États-Unis a été légèrement inférieure à la moyenne de l'UE (+10% a/a entre janvier et septembre 2025).

L'accord commercial entre les États-Unis et l'UE, bien que désavantageux pour l'UE, a contribué à réduire l'incertitude. Toutefois, les perspectives des exportations italiennes vers les États-Unis restent faibles. En revanche, la ratification de l'accord UE-Mercosur devrait ouvrir d'autres marchés importants qui profiteraient aux entreprises italiennes. In fine, les exportations italiennes devraient augmenter marginalement en 2025, avant de croître plus fortement en 2026, tandis que les importations devraient augmenter plus nettement en 2025-2026, soutenues par la demande intérieure.

Productivité et compétitivité restent les défis structurels

L'Italie continue d'afficher une croissance de la productivité du travail bien inférieure à celle de ses partenaires européens : selon les données d'Eurostat, la croissance annuelle moyenne de la productivité entre 1995 et 2024 n'a été que de 0,2% en Italie, contre 1,2% dans l'UE. Après une reprise temporaire entre 2009 et 2014 (+0,6% par an), la productivité stagne à nouveau - ou presque - à +0,1% par an depuis une dizaine d'années. Certes, au cours des cinq dernières années, l'emploi a augmenté de manière significative (+4,4%, ce qui correspond à la moyenne de l'UE), mais principalement dans des secteurs à faible productivité. L'augmentation des coûts du capital a également encouragé les entreprises à privilégier le travail par rapport à l'investissement, en particulier dans les actifs incorporels - un domaine dans lequel l'Italie est à la traîne par rapport à ses principaux concurrents. Entre 1995 et 2023, la part des investissements incorporels dans le PIB n'a augmenté que modestement, passant de 7% à 8,4%, alors que la France (11% à 16%) et l'Allemagne (7% à 10%) ont enregistré des hausses plus marquées.

PRODUCTIVITÉ RÉELLE DU TRAVAIL PAR HEURE TRAVAILLÉE

L'adoption des technologies numériques est entravée par le faible niveau de compétences numériques des travailleurs : seuls 16% d'entre eux possèdent des compétences avancées en matière de technologies de l'information et de la communication (TIC) (contre environ 30% en Allemagne et en France[1]), et les diplômés en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (STIM) ne représentent que 15% (quand la moyenne de l'UE se situe à 26%).

Le système productif est très fragmenté, dominé par les micro-entreprises, ce qui limite la capacité d'exportation, la numérisation et l'innovation, autant de facteurs associés à des gains de productivité significatifs (15 à 30% pour les technologies numériques et environ 20% pour l'innovation[2]). Pour stimuler la productivité, il sera nécessaire d’investir davantage dans le capital humain et immatériel, soutenir la croissance de la taille des entreprises et mettre pleinement en œuvre les réformes du PNRR. À cet égard, le gouvernement a pris des mesures concrètes : dans le cadre de la mission première du PNRR (numérisation, innovation, compétitivité, culture et tourisme), plus de EUR 16,9 mds ont été alloués, dont environ EUR 6,1 mds sont consacrés à la « numérisation, l'innovation et la sécurité dans l'administration publique » et environ EUR 6,9 mds à la « numérisation, l'innovation et la compétitivité de l'appareil productif ». En outre, au cours des trois dernières années du mandat actuel, environ EUR 6,3 mds ont été alloués spécifiquement pour soutenir la transformation numérique et énergétique des entreprises.

Achevé de rédigé le 28/11/2025


[1] Selon le rapport annuel de productivité 2025, CNEL, septembre 2025

[2] Selon le rapport annuel de productivité 2025, CNEL, septembre 2025

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