La Fed a-t-elle interrompu trop tard son QT ?

22/12/2025

Le 10 décembre dernier, la Réserve fédérale américaine a créé la surprise en annonçant qu’elle réélargirait son bilan dès le 12 décembre, quelques jours à peine après avoir cessé de le réduire. Ce ré-élargissement, plus précoce et plus fort qu'anticipé, ne doit pas être interprété comme un nouveau QE mais comme l'aveu d'un arrêt trop tardif du QT.

Transcription

Le 10 décembre dernier, la Réserve fédérale américaine a créé la surprise en annonçant qu’elle réélargirait son bilan dès le 12 décembre, quelques jours à peine après avoir cessé de le réduire.

Bien qu’il intervienne plus tôt et plus fort qu’anticipé, le ré-élargissement du bilan de la Fed ne doit pas être interprété comme une nouvelle phase d’assouplissement quantitatif, ou QE. La Fed a engagé ce type de programme lors de la crise financière de 2008 puis en réaction au choc de la Covid-19 en mars 2020. À ces deux occasions, elle a élargi son bilan en achetant massivement des titres publics de maturité longue et injecté, ce faisant, une grande quantité de monnaie centrale dans le système financier. Ces QE ont permis d’apaiser les tensions financières et de soutenir l’activité économique en tirant les rendements obligataires vers le bas. Rien de comparable aujourd’hui. La Fed va de nouveau injecter de la liquidité mais ses achats se concentreront sur des titres de maturité courte et, surtout, ils ne devraient pas augmenter le poids de son bilan en proportion du PIB contrairement aux expériences passées de QE.

Les décisions du 10 décembre rappellent, davantage, celles prises au lendemain de la crise des marchés de mises en pension de titres en septembre 2019. À l’époque, la Fed avait largement sous-estimé l’effet des nouvelles règles de liquidité sur les besoins en monnaie centrale des banques. Elle avait interrompu bien trop tard son programme de réduction de bilan ou QT. Celui-ci avait épuisé le volant de réserves que les banques détenaient au-delà de leurs besoins, ce qui les avait empêchées de répondre aux demandes de cash à un moment critique. Les taux courts de marché s’étaient envolés, ce qui avait contraint la Fed à intervenir dans l’urgence.

Les tensions perçues sur les marchés monétaires ces derniers mois, certes moins fortes qu’au sortir du QT1 mais persistantes, ont convaincu la Fed que le stock de monnaie centrale n’était désormais plus suffisant pour permettre une bonne transmission de sa politique monétaire. Elle supprime, pour y remédier, le plafond agrégé de ces opérations de prises en pension de titres et réactive ses achats fermes de T-bills. Leur rythme sera précisé au fil de l’eau mais sera, de toute évidence, assez soutenu au moins jusqu’en avril prochain afin d’écarter le risque que la clôture des comptes annuels en décembre puis le paiement de l’impôt en avril n’attisent les tensions sur la liquidité. Au-delà, la Fed calibrera ses achats de sorte de maintenir son offre de monnaie centrale à un niveau qu’elle jugera suffisamment « ample », probablement au-dessus de 10% du PIB. En complément de leurs effets sur les marchés monétaires, ses achats la hisseront parmi les principaux acquéreurs nets de T-bills en 2026 et contribueront à la repentification de la courbe des taux.

Mais, la Fed ne pourra pas faire l’économie d’une surveillance continue des bilans bancaires et des marchés monétaires, le cadre réglementaire l’y contraint. Or, les besoins en monnaie centrale des banques sont très difficiles à quantifier. Les crises et QE successifs, la baisse de valeur des collatéraux et les attentes des superviseurs bancaires depuis la ruée sur les dépôts en mars 2023 les ont accrus. La poursuite du gonflement des marchés de mises en pension de titres qui accompagne le creusement du déficit public américain et les innovations dans le secteur des paiements risquent de les accroître encore. La difficulté sera d’évaluer dans quelle ampleur.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE