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États-Unis : Un allègement de la norme de levier pour stimuler la demande de Treasuries ?

11/06/2025
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Dans les prochains mois, un assouplissement de la norme de levier bâloise1 (Supplementary Leverage Ratio, SLR) pourrait être proposé par les régulateurs américains. L’objectif est d’alléger la contrainte bilancielle des primary dealers, qui sont pour la plupart des filiales de grandes banques2, et d’améliorer ainsi les conditions d’intermédiation du marché des titres du Trésor américain.

PISTES D’ASSOUPLISSEMENT DE LA NORME DE LEVIER SLR

Diverses modalités d’assouplissement pourraient être envisagées

Une première option consisterait à réduire les exigences SLR renforcées (enhanced SLR, eSLR), qui sont spécifiques aux banques d’importance systémique (G-SIB) et à leurs filiales de dépôt (5% et 6% respectivement), au niveau de la recommandation bâloise (3% augmenté d’un coussin fixé à 50% de la surcharge G-SIB calculée selon la méthode 13). L’exigence moyenne pondérée des huit G-SIB américaines s’établirait, sous cette hypothèse, à 3,86%. Compte tenu de leur stock de capital Tier 1 au T1 2025, cette première option leur permettrait d’élargir collectivement leur exposition à des actifs sans risque, au maximum, de USD 6 000 mds environ (graphique de gauche, soit une hausse de près de 30% de leur exposition globale).

Une seconde option consisterait à déduire du calcul du dénominateur du ratio SLR les réserves auprès de la Réserve fédérale et les Treasuries. En moyenne, cette exclusion réduirait de 13% l’exposition au titre du levier (dénominateur du ratio) des 20 groupes bancaires soumis à l’exigence SLR et améliorerait de 100 points de base leur ratio SLR (graphique de droite). L’encours de ces actifs sans risque n’ayant plus aucun effet sur le ratio SLR, cette option permettrait en théorie une détention illimitée.

Une mesure en faveur de la stabilité du marché des Treasuries

Pour autant, à lui seul, cet allègement ne devrait pas inciter les banques à acheter massivement des Treasuries. Cela risquerait d’accroître les surcharges de fonds propres G-SIB liées notamment à la taille de bilan, d’augmenter les risques de transformation et de taux d’intérêt, d’entrer en conflit avec leurs limites d’expositions internes aux risques de marché et leurs objectifs de rentabilité, voire de dégrader leur position de liquidité.

Selon nous, l’enjeu de cet assouplissement ne sera pas tant de loger le surcroît de papier émis par le Trésor américain au bilan des banques, afin de pallier le manque d’appétit des investisseurs, mais de renforcer cet appétit en rassurant ces derniers sur la capacité des banques à jouer pleinement leur rôle d’intermédiaires, en particulier en cas de choc.

1 L’exigence SLR, fixée à 3%, rapporte le capital Tier 1 d’une banque à son exposition globale, qui comprend tous les actifs bilanciels (dont certains comptabilisés pour leurs valeurs brutes) et une mesure allégée des engagements de hors bilan. L’exposition globale des banques spécialisées dans la conservation et la gestion des titres (telles que Bank of New York Mellon, State Street et Northern Trust) exclut une large partie de leurs réserves détenues en banque centrale.

2 Seules les plus grandes holdings bancaires (celles dont le bilan consolidé excède USD 250 mds ou ayant au moins USD 75 mds d’actifs non bancaires, de dette de marché de court terme ou d’expositions de hors bilan) et leurs principales filiales de dépôt sont soumises à la norme SLR.

3 Aux États-Unis, la surcouche de capital imposée aux G-SIB est déterminée à l’appui de deux méthodes : celle du Conseil de stabilité financière (méthode 1) et celle, plus sévère, de la Réserve fédérale (méthode 2).


LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE