L’impulsion du crédit au secteur privé a continué de se redresser dans la zone euro au quatrième trimestre 2024 (1,5 après entre 1,1 et 1,2 depuis septembre 2024). Redevenue positive depuis août (0,8), elle atteignait, en décembre 2024, son niveau le plus élevé depuis novembre 2022 (2,7). L’enquête de la BCE sur la distribution du crédit dans la zone euro confirme la reprise de la demande de crédit au quatrième trimestre 2024. Les incertitudes politiques ont toutefois entraîné un resserrement des critères d’octroi des prêts aux entreprises en France et en Allemagne.
IMPULSION DU CRÉDIT*L’enquête offre également une perspective sur le premier trimestre 2025. L’investissement en logement pourrait bénéficier de la poursuite de la reprise des crédits à l’habitat (sous réserve de l’évolution du coût du crédit dans certains pays). En revanche, l’investissement des entreprises demeure un sujet d’attention : il n’a quasiment pas contribué à la hausse de la demande de prêts au quatrième trimestre 2024 tandis que cette dernière, encore en hausse jusqu’à la fin de l’année 2024, est attendue stable au premier trimestre 2025 par les banques interrogées.
Dans le même temps, l’activité économique s’est stabilisée. Le PIB en volume a stagné, après la bonne surprise du troisième trimestre (+0,4% t/t). Ce décalage inhabituel entre l’impulsion du crédit et l’activité économique s’explique en partie par le fait que la première a été soutenue par l’accélération des encours de prêts aux institutions financières non bancaires (+8% sur un an en décembre 2024), tandis que les encours de prêts aux sociétés non financières et aux ménages présentaient des taux de croissance encore modestes.
L’effet modérateur de la baisse de l’impulsion du crédit aux SNF sur la croissance
PIB RÉEL VS ENCOURS DE CRÉDIT BANCAIREAprès avoir entamé leur reprise à partir d’octobre 2023, les encours de crédit au secteur privé ont accéléré jusqu’en décembre 2024 (+2,0%), renouant avec un rythme de progression qu’ils n’avaient plus connu depuis juin 2023. Ces évolutions d’ensemble dissimulent toutefois des augmentations plus modérées des encours de crédits aux ménages (+1,1%) et aux sociétés non financières (+1,5%). Les encours des prêts au secteur privé ont donc continué d’être portés par la croissance des encours de prêts aux institutions financières non monétaires (+8,0%).
Après avoir marqué un pic à l’issue d’un redressement très rapide à partir du creux d’octobre 2023 (-9,1), l’impulsion du crédit aux sociétés non financières s’est stabilisée à un niveau moins élevé (1,0) en novembre et en décembre. En revanche, l’impulsion du crédit aux ménages, qui s’était redressée plus lentement à partir du creux de novembre 2023 (-3,6) et était redevenue positive en octobre 2024, augmentait encore en fin d’année 2024 (0,8).
Durcissement des critères d’octroi au quatrième trimestre 2024, à l’exception de l’habitat
ENQUÊTE DE LA BCE SUR LA DISTRIBUTION DU CRÉDIT,
RÉSULTATS ATTENDUS (SNF)Les 155 banques interrogées par la BCE entre le 10 décembre 2024 et le 7 janvier 2025 dans le cadre de sa « Bank Lending Survey » (BLS) ont durci les critères d’octroi des prêts aux entreprises au quatrième trimestre. Ce durcissement, qui fait suite à des critères inchangés au troisième trimestre, est le plus prononcé depuis le troisième trimestre 2023. Il est également plus sévère que celui que les banques envisageaient lors de la vague précédente de l’enquête. Les principaux motifs avancés par les banques pour justifier ce durcissement des critères des prêts aux entreprises étaient leur perception accrue du risque et leur tolérance moindre à ce même risque.
Les conséquences des incertitudes politiques en France et en Allemagne sont palpables, puisque les critères d’octroi ont été principalement resserrés dans ces deux pays. En grevant la confiance des entreprises et des ménages, les incertitudes politiques ont constitué le dénominateur commun du coup d’arrêt du PIB de la zone euro au quatrième trimestre, grevé par les évolutions allemandes (-0,2% t/t) et françaises (-0,1%). En Italie, au contraire, les critères d’octroi ont été assouplis.
ENQUÊTE DE LA BCE SUR LA DISTRIBUTION DU CRÉDIT,
RÉSULTATS ATTENDUS (MÉNAGES)Dans le même temps, les banques ont laissé quasiment inchangés les critères d’octroi des prêts à l’habitat aux ménages.
Cette stabilisation intervient après trois trimestres consécutifs d’assouplissement en 2024 et alors que les banques interrogées au troisième trimestre attendaient un très net assouplissement.
Pour mémoire, les critères d’octroi avaient été durcis en 2022 et 2023, dans le contexte de la remontée des taux des prêts consécutive à celle des rendements obligataires (taux fixes) et au relèvement des taux directeurs (taux variables).
Enfin, dans le prolongement de la tendance entamée au deuxième trimestre 2024, les banques ont encore raffermi les critères d’octroi des prêts à la consommation et, pour la troisième fois consécutive, de manière plus prononcée que ce qu’elles envisageaient au cours de l’enquête précédente.
Hausse généralisée de la demande de crédit bancaire, l’habitat en tête
La demande de prêts aux entreprises a connu son deuxième trimestre consécutif de reprise, même si elle demeure faible. Ces évolutions sont en ligne avec les anticipations des banques au troisième trimestre et mettent un terme à la baisse de la demande observée depuis fin 2022. La hausse des encours de prêts aux sociétés non financières reste néanmoins modeste. Au demeurant, si la demande s’est accrue en Allemagne, en Espagne et en Italie, elle a reculé en France. Les facteurs de soutien de la demande ont été la baisse des taux d’intérêt, et le financement des besoins en fonds de roulement. A contrario, l’investissement n’a constitué qu’un motif marginal de demande de financement, et de surcroît en recul au regard du trimestre précédent, un signal plutôt préoccupant. À l’instar du troisième trimestre, la demande de prêts à l’habitat a augmenté fortement, ce qui accrédite la thèse de la reprise, après le redémarrage observé au deuxième trimestre. Surtout, le renforcement de la demande (solde de réponses de 42%) est le plus élevé depuis le deuxième trimestre 2015 (+44%) et concerne un grand nombre de pays de la zone euro. La demande a été, en premier lieu, stimulée par la baisse des taux des prêts et, en second lieu, par l’amélioration des perspectives sur les marchés immobiliers. Il convient toutefois de noter que ce dernier facteur a joué un rôle moins important qu’au trimestre précédent, ce qui montre que quelques incertitudes subsistent. Enfin, la demande de crédit à la consommation a progressé légèrement, et moins que ce que les banques anticipaient un trimestre auparavant. Les évolutions nationales apparaissent contrastées : la demande s’est renforcée en Espagne et, dans une moindre mesure, en Allemagne et en Italie et s’est, au contraire, repliée en France. Le principal facteur de soutien fut la baisse des coûts de financement. À l’inverse, les dépenses en biens durables et la confiance des consommateurs ont joué négativement.
Premier trimestre 2025 : demande de financement prévue stable pour les entreprises, en hausse pour les ménages
Pour le premier trimestre 2025, les banques interrogées prévoyaient un resserrement des critères d’octroi des prêts aux entreprises (solde de 10%, légèrement supérieur à la moyenne historique). Elles anticipaient, au même horizon, une demande de prêts stable de la part de cette clientèle. Les établissements de crédit envisagent également un durcissement des critères à l’égard des ménages, modeste pour les prêts à l’habitat, plus sensible pour les prêts à la consommation. Ils tablaient, enfin, sur une poursuite de la hausse de la demande de prêts aux ménages, forte pour les prêts à l’habitat, modérée pour les prêts à la consommation.
Globalement, les éléments de l’enquête qui permettent d’éclairer le début de l’année 2025 plaident en faveur d’une reprise très modérée de l’activité. Ils apparaissent cohérents avec notre prévision de PIB en volume pour le premier trimestre (+0,1% t/t). Si la reprise de la demande de prêts à l’habitat constitue une bonne nouvelle pour le secteur de la construction, elle pourrait toutefois être tempérée par la fin de la baisse des coûts de financement (taux fixes) en lien avec l’évolution récente des rendements obligataires. À l’inverse, la faiblesse persistante de l’investissement des entreprises, qui est non seulement un motif de demande de financement mais aussi et surtout une composante du PIB, dont la contribution à la croissance est essentielle en phase de reprise, demeure un point d’attention.