Emmanuel Laborde : Après une longue période défavorable de taux bas de près de six années, les banques européennes ont globalement vu leurs marges d'intérêt et leur rentabilité s'améliorer avec la hausse des taux de la BCE en 2022 et 2023. Bonjour Laurent.
Laurent Quignon : Bonjour Emmanuel, bonjour à tous !
Emmanuel Laborde : On arrive maintenant dans une période de baisse des taux. Nous venons de l'évoquer à l'instant. Quels en seront les effets sur les marges d'intérêts des banques européennes selon toi ?
Laurent Quignon : Il n'y a pas de réponse univoque, dans les systèmes bancaires à taux fixe comme en France, en Allemagne, en Belgique. La baisse des taux entraîne un allégement du coût des ressources bancaires et cette diminution du coût des ressources bancaires est amplifiée par la réduction des arbitrages de la clientèle vers les produits mieux rémunérés.
Et dans le même temps, le rendement moyen des actifs bancaires demeure relativement stable. En l'absence de renégociations massives. A contrario, les systèmes bancaires à taux variable, comme en Italie, en Espagne ou au Portugal, qui avaient connu un élargissement visible de leurs marges d'intérêts avec la hausse des taux en 2023, devraient plutôt voir ces mêmes marges s'éroder au fil de la révision des contrats de prêt, tout en demeurant supérieures au niveau qui prévalait durant la période de taux bas.
Emmanuel Laborde : Au-delà de la structure des taux fixe ou variable qu'on comprend bien, est ce qu'il y a d'autres facteurs qui sont susceptibles de limiter la sensibilité des systèmes bancaires aux variations ?
Laurent Quignon : Oui. Outre les stratégies de couverture, la plus grande diversification des portefeuilles d'activité ou géographique, ou la plus forte proportion de commissions dans le produit net bancaire sont des facteurs de nature à atténuer l'incidence de la variation des taux d'intérêts sur les revenus bancaires.
Emmanuel Laborde : Ce mode de financement au fixe ou variable est ce qu'il a également une incidence sur l'évolution du coût du risque cette fois-ci ?
Laurent Quignon : Oui. Dans les systèmes bancaires à taux variable, la baisse des taux bénéficie à l'ensemble des emprunteurs, ce qui n'est évidemment pas le cas dans les systèmes bancaires à taux fixe, où seuls les emprunteurs récents en profitent et non les emprunteurs en cours.
Alors certes, des renégociations sont possibles, mais elles ne devraient être intéressantes que pour une proportion limitée d'emprunteurs. Cela étant, il faut garder à l'esprit que dans les systèmes bancaires à taux fixe, les charges d'intérêt supportés par les emprunteurs n'avaient pas suivi la hausse des taux en 2022 et 2023 et qu'en conséquence, le coût du risque, partant d'un niveau initial bas, n'y avait que faiblement progressé.
Emmanuel Laborde : Alors la baisse des taux devrait se poursuivre. Dans ce contexte, quid de la rentabilité des banques à horizon des prochains mois, d’après toi ?
Laurent Quignon : L'impact négatif, pour les banques européennes en moyenne, de la baisse des taux d'intérêt sur les marges d'intérêts bancaires devrait être partiellement compensé par un effet volume positif.
D'ailleurs, dans la dernière enquête de la Banque centrale européenne, les banques constatent un assez net rebond de la demande de crédits immobiliers et également une reprise de la demande de financement des entreprises, pour la première fois depuis deux ans, ce qui est plutôt encourageant. Une dichotomie devrait persister selon le mode de financement - taux fixe ou taux variable-, et les banques dont le portefeuille de prêt est davantage à taux fixe, comme les banques françaises, devraient plutôt mieux tirer leur épingle du jeu que leurs consœurs d'Europe du Sud, d'autant qu'elles présentent des portefeuilles d'activité plus diversifiés, qui vont bien au-delà de la seule banque de détail, et que la baisse des taux d'intérêt pourrait soutenir les commissions perçues dans le cadre d'autres activités.
Emmanuel Laborde : Merci de cet éclairage rapide. Merci Laurent et pour notre prochain sujet nous partons en Chine.