Emmanuel Laborde : La période donc est à la baisse des taux, un sujet dans l'actualité que nous évoquons très régulièrement au sein des Études Économiques. Et c'est toujours avec toi Hélène. Bonjour.
Hélène Baudchon : Bonjour.
Emmanuel Laborde : Alors je vais vous proposer une chronologie sous ton contrôle évidemment, de ces baisses de taux que nous avons pu vivre depuis plusieurs mois. C'est la BCE qui a enclenché la première baisse au début de l'été, suivie par la FED alors qui est allée très très fort avec 50 points de base. Et aujourd'hui, au moment où nous enregistrons cette vidéo, nous sommes dans les dernières semaines de 2024. Nous en sommes à trois baisses côté BCE, trois baisses de 25 points de base. Et cette question qui reste en suspens, c'est le titre, l'intitulé de cette séquence. Est-ce un bon ou un mauvais signe ?
Hélène Baudchon : C'est plutôt un bon signe pour le moment, dans la mesure où les banques centrales sont en train de procéder à une normalisation de leur politique monétaire après avoir porté leurs taux directeurs à des niveaux assez élevés pour combattre la résurgence de l'inflation.
Et on voit bien sur le graphique, cette remontée massive des taux d'intérêt. Mais comme l'inflation a nettement reflué depuis environ deux ans, que le retour à la cible de 2 % se rapproche, eh bien cela ouvre la voie maintenant aux baisses de taux d'intérêt qui viennent accompagner cette baisse de l'inflation. Et donc en termes nominaux, cela permet à la politique monétaire de devenir moins restrictive.
Emmanuel Laborde : Ce qui est important signaler, c'est qu'il y a également de l'anticipation dans cette démarche de baisse des taux.
Hélène Baudchon : Effectivement, l'approche des banques centrales se veut aussi pro-active. C'est-à-dire que la Fed et la BCE ne sont pas en réaction face à une détérioration soudaine de la situation économique, mais en prévention pour préserver l'existant, à savoir l’atterrissage en douceur côté américain et le décollage progressif du côté de la zone euro.
Emmanuel Laborde : Et donc, après une longue période de taux élevé, c'est acté. Nous sommes dans cette nouvelle séquence de baisse des taux avec une question qui reste quand même-là : à quel rythme cette baisse va se poursuivre ?
Hélène Baudchon : Dans notre scénario central, on pense que ces baisses de taux vont se poursuivre à un rythme graduel, relativement régulier à l'horizon des prochains trimestres.
Il faut en effet, d'une part, continuer de soutenir la croissance pour éviter que les signes de vacillement ne s'accentuent. Ce point vaut en particulier pour la zone euro, où la reprise semble battre de l'aile. Ce à quoi d'ailleurs, la Banque centrale européenne s'est montrée attentive lors de son dernier meeting en octobre. Mais cela vaut aussi pour les Etats-Unis, où il faut éviter un ralentissement plus important de leur marché du travail.
Emmanuel Laborde : Sans oublier également l'inflation.
Hélène Baudchon : Les banques centrales, effectivement, doivent continuer de compter avec l'inflation, car celle-ci n'a pas encore totalement disparu. Elle a baissé, mais elle n'a pas encore totalement disparu. Il y a encore des poches de résistance, notamment du côté des services où l'inflation reste relativement élevée et baisse assez peu. Et donc, c'est pourquoi il ne faut pas non plus baisser trop vite les taux d'intérêt.
Emmanuel Laborde : C'est vrai que ce fine-tuning, cet équilibre à trouver entre gestion de la croissance et de l'inflation, c'est toujours le sujet qui revient lorsqu'on parle des taux d'intérêt. Alors quelle est la cible ? Jusqu'où les banques centrales vont-elles baisser leurs taux ?
Hélène Baudchon : Une fois encore, dans notre scénario central, on s'attend à ce que la Fed et la BCE reviennent aux alentours du taux neutre, ce fameux taux d'intérêt théorique qui ne stimule ni ne freine l'activité économique.
On resterait quand même dans un scénario relativement positif dans la mesure où ça signifie que la politique monétaire n'aurait pas besoin de devenir véritablement accommodante pour soutenir plus franchement l'activité économique. Mais si on considère les risques qui entourent ce scénario central, pour la BCE, il est possible qu'une détente monétaire plus importante s'avère nécessaire, tandis que c'est le risque inverse aux Etats-Unis.
Emmanuel Laborde : Merci beaucoup Hélène de cet éclairage et on va suivre ce sujet durant les semaines et les mois à venir. En poursuivant cette discussion avec Laurent Quignon.