Au T1 2024, la croissance du PIB réel espagnol a été, comme attendu, l’une des plus élevée de la zone euro (+0,7% t/t). Elle a été principalement portée par le commerce extérieur (contribution de +0,5 pp), directement soutenu par les records touristiques enregistrés en ce début d’année. Au deuxième trimestre, nous prévoyons que l’activité reste forte (+0,7% t/t) en raison d’une reprise progressive de la consommation privée, de la persistance de la croissance des exportations, et du soutien à l’investissement apporté par les futurs déboursements des fonds NGEU.
Vers de nouveaux records touristiques
Pour une année supplémentaire, l’Espagne devrait enregistrer un record d’arrivées de touristes. Après avoir surpassé ses niveaux pré-Covid en 2023 (avec 85 millions d’arrivées de touristes étrangers), l’activité touristique ne semble pas ralentir en ce début d’année 2024, ce qui n’est pas sans poser problème, notamment avec la mise sous pression des ressources et des territoires.
À en croire les chiffres publiés par l’INE, les arrivées ont augmenté de 14,5% sur les quatre premiers mois de l’année par rapport à la même période de l’année dernière, et les dépenses touristiques ont, quant à elles, cru de 22,6% sur cette même période.
Ces bonnes performances ont soutenu la croissance des exportations de services au T1 (+11,1% t/t), ce qui a d’ailleurs permis au commerce extérieur d’être le principal facteur de la croissance du PIB réel durant ce trimestre.
Au cours des mois à venir, cette dynamique positive du tourisme, associée à la reprise progressive de l’activité des principaux partenaires commerciaux de l’Espagne, devrait booster encore davantage la croissance des exportations. Les résultats de l’enquête PMI réalisée au mois de mai dans le secteur des services portent la trace de cet optimisme : la composante relative à l’activité dans les mois à venir augmente (+1,6 points, à 69), tirée vers le haut par les commandes à l’exportation (53,9 ; +3,7 points), elles-mêmes induites par la forte activité touristique. De plus, cette dynamique permettra de soutenir davantage l’emploi (la composante relative à l’emploi ayant atteint 55,1 points).
Une dynamique conjoncturelle positive sur le marché du travail, derrière laquelle perdurent des difficultés structurelles
Cette demande importante de travail dans le secteur des services, et plus particulièrement des services touristiques, a eu pour impact d’augmenter fortement le nombre d’affiliés à la sécurité sociale en mai par rapport au mois précédent (+220 289 personnes), et d’atteindre le record historique de 21,3 millions d’affiliés. Les plus fortes hausses se sont en effet concentrées dans les secteurs de l’hôtellerie, des agences de voyage et des activités de divertissement (plus de 80 000 personnes). Cette performance du marché du travail bénéficie également de la forte croissance de la part de la main-d’œuvre immigrée, celle-ci ayant augmenté de 12,1% au T1 2020 à 14,6% au T1 2024.
Néanmoins, des vulnérabilités structurelles perdurent. Bien que le taux de chômage ait fortement diminué depuis la réforme de 2021 et qu’il ait atteint en avril son plus faible niveau depuis 2008 (passant de 15,7% en avril 2021 à 11,7% en avril 2024), il reste toujours le plus élevé de la zone euro et est bien supérieur à la moyenne de la région (6,4%). Le taux de chômage des jeunes reste également significativement supérieur à celui enregistré dans les autres pays de la zone euro (26,5% contre 14,1%), ce qui tend à montrer que la transition des études au marché du travail reste plus difficile en Espagne que dans d’autres pays.
La consommation des ménages pourrait reprendre à partir du T2
Malgré ce marché du travail en amélioration, les salaires commencent déjà, progressivement, à ralentir (hausse de +4,2% a/a au T1 après +4,5% et +5,0% sur les deux trimestres précédents). Les augmentations salariales restant néanmoins toujours importantes, elles continuent d’expliquer la résilience de l’inflation des services (+3,5% a/a en avril). De son côté, l’inflation d’ensemble (IPCH) s’est redressée au cours des quatre derniers mois (+3,8% a/a en mai), principalement en raison d’effets de base liés aux prix de l’énergie. La désinflation pourrait toutefois être de retour en Espagne à partir du mois de juillet, le gouvernement ayant annoncé que la TVA sur l’électricité retournerait au taux réduit de 10%[1] à partir de ce mois, en raison de la hausse des prix sur le marché de gros de l’électricité[2].
Cette anticipation de désinflation, associée à la robustesse du marché du travail et à la croissance des salaires réels, fait regagner du pouvoir d’achat aux ménages, ce qui devrait stimuler leur consommation privée ; celle-ci pourrait alors progresser plus qu’au T1 (+0,3% t/t). Les indicateurs conjoncturels pour le mois d’avril concernant la consommation domestique montrent d’ailleurs que les ventes au détail repartent légèrement à la hausse (+0,8% m/m[3], plus forte croissance mensuelle depuis novembre 2023) et que les immatriculations de véhicules ont fortement bondi (+14,3%[4] sur un mois). Enfin, le cycle de baisse des taux entamé par la BCE devrait inciter les ménages espagnols à puiser dans leur épargne (13,1% du revenu disponible au T4 2023) et soutenir à son tour la consommation privée.
Achevé de rédiger le 14 juin 2024