Économies avancées
La guerre commerciale est lancée entre les États-Unis et l’UE. Les droits de douane américains, fixés à 25%, sur l’ensemble des importations d’acier et d’aluminium sont entrés en vigueur le 12 mars. En réponse, l’UE réimposera, à compter du 1er avril, les mesures de rééquilibrage introduite durant la première administration Trump, et imposera un nouveau paquet de mesures plus conséquent, portant le montant total des importations affectées à EUR 26mds.
États-Unis : l’inflation recule et le sentiment des consommateurs se dégrade avant celui de la Fed
En mars, l’indice de sentiment des consommateurs de l’Université du Michigan se dégrade à un plus bas depuis novembre 2022 (57,9, -6,8 pts), un recul induit par une nouvelle détérioration des attentes. Les anticipations d’inflation à 1 an (+4,9%, +0,4pp) et à 5 ans (+3,9%, un record depuis 1992, +0,4pp) augmentent à nouveau. L’inflation (mesurée par le CPI) headline et sa composante sous-jacente ont ralenti en février à, respectivement, 2,8% et 3,1% a/a (-0,2 pp chacun). L’inflation dans les services, hors logement et énergie, marque un recul notable (3,7% a/a, -0,3pp). Le glissement annuel des prix à la production recule pour la première fois depuis août 2024, à +3,2% (-0,5pp). Par ailleurs, le boost électoral du sentiment des petites entreprises a fait long feu : l’indice d’optimisme du NFIB se réduit en février, pour un deuxième mois consécutif, à 100,7 (-2,1 pts). De plus, l’indice d’incertitude croît à nouveau, à 104 (un niveau dépassé seulement une fois dans l’histoire).
Sur le plan de la politique intérieure, les Démocrates du Sénat n’ont pas fait obstruction à l’adoption de la résolution budgétaire des Républicains. Ainsi, le shutdown a été évité et le financement fédéral est prolongé jusqu’au terme de l’année fiscale (30 septembre). L’évènement principal de la semaine à venir sera la réunion du FOMC des 18-19 mars. Le pricing des marchés est à 97% en faveur d’un maintien de la cible de taux à +4,25% - +4,5%, tandis que Jerome Powell a rappelé (le 7 mars) l’absence d’urgence d’une baisse. La décision de taux s’accompagnera de la publication du Summary of Economic Projections qui mettra notamment à jour la vue médiane des membres du comité sur l’inflation et le taux directeur à horizon 2027.
Zone euro : l’inflation tiraillée entre des chocs bi-directionnels
Dans son dernier discours, Christine Lagarde a reconnu le changement d’environnement inflationniste actuel, avec une direction des chocs « beaucoup plus difficiles à prévoir », et une persistance de l’inflation qui pourrait « dans certaines circonstances être plus importante ». Le dernier wage tracker de la BCE signale toujours une décélération des salaires négociés à venir en 2025. La production industrielle progresse de 0,8% m/m en janvier. L’activité dans les secteurs des machines-équipement, métallurgie et pétrochimie continue de souffrir, mais les industries agroalimentaires et pharmaceutiques affichent des niveaux record. Les taux d’intérêt à 10 ans des obligations d’État, qui ont augmenté à la suite de l’annonce par l’Allemagne de ses plans de dépense le 4 mars, ont continué de se tendre. Au 14 mars, la hausse atteint 45 pb. Elle est uniforme en Allemagne, en France ou en Italie. Cette semaine seront publiés les chiffres finaux de l’inflation pour février, ainsi que l’estimation du coût du travail pour le T4 2024. Les 20 et 21 mars, se tiendra le Conseil européen, où seront discutées les questions de sécurité et de défense européenne.
- Allemagne : le Parlement allemand débat de ses réformes
Le Parlement allemand s’est réuni jeudi 13 mars pour la première journée d’une session extraordinaire consacrée à l'examen des réformes visant à augmenter les dépenses dans les infrastructures et la défense. Les Verts ont apporté leur soutien, clef pour le vote, à la suite d’amendements (aide à l’Ukraine et les services de renseignement inclus dans les dépenses de défense ; extension de la durée d’utilisation et doublement du budget du fonds Infrastructure alloué au climat et à la transition). La deuxième session au Bundestag est prévue le mardi 18 mars et sera suivie du vote décisif, tandis que l'examen du projet de loi par le Bundesrat interviendra le 21 mars. La semaine suivante (le 25 mars), le nouveau parlement entrera en fonction.
- France : stabilité de la croissance à un faible niveau
L’enquête mensuelle de conjoncture de la Banque de France souligne une stabilité de la croissance à un niveau faible (entre 0,1% et 0,2% pour le T1). Les indices d’incertitude se replient après le pic enregistré à la suite de l’adoption de la motion de censure mais ils demeurent supérieurs à leur niveau pré-dissolution. La Banque de France a mis à jour ses prévisions de croissance pour 2025 (0,7%, révisée de -0,2 point) et pour 2026 (1,2%, -0,1 point). Ces prévisions enregistrent un acquis de croissance faible en sortie de T1 et sous-tendent une accélération de la croissance à partir du T2. Fitch a maintenu la notation souveraine AA- de la France ainsi que la perspective négative sur cette notation. L’Insee publiera sa note de conjoncture mardi 18 mars et son enquête de climat des affaires jeudi 21 mars.
Royaume-Uni : rechute industrielle
Affectée par la récession industrielle, l’activité rechute en janvier. La valeur ajoutée a baissé de 0,1% m/m, l’activité manufacturière s’est contractée de 1,1% m/m. La consommation des ménages est mieux orientée : selon BRC/KPMG, les ventes au détail ont progressé de 2,2% a/a en février, progression la plus élevée en deux ans. Selon le FCA, les arriérés de paiement remontent très légèrement au T4 (1,32% des encours de crédit à l’habitat contre 1,31% au T3). Nouvelle perte de vitesse du marché immobilier : les indices RICS relatifs aux évolutions des prix et des ventes ont de nouveau baissé en février, un contrecoup en partie lié aux durcissements des frais d’enregistrement (stamp duty) en avril. Le 20 mars se tiendra la réunion de politique monétaire de la BoE et les indicateurs du marché du travail seront publiés.
Économies émergentes
Flux de capitaux. D’après les estimations de l’Institute of International Finance, les flux d’investissements de portefeuille (actions et obligations) des non-résidents, sur les principales places financières des pays émergents, sont restés très nettement positifs en février (USD 15 mds) malgré les tensions géopolitiques. Les investissements en dette obligataire ont plus que compensé les sorties nettes des marchés d’actions. Les investissements à destination de la Chine sont redevenus légèrement négatifs. Hors Chine, les investissements en dette obligataire sont donc restés très soutenus, à USD 33 mds. En cumul depuis juillet 2024, ces derniers dépassent USD 300 mds, un record pour une période de 8 mois. Le rapprochement avec les données de la balance de paiements laisse toutefois penser que les estimations d’investissement en dette obligataire sont surestimées.
Arabie Saoudite
La bonne dynamique de l’activité se confirme. La croissance du PIB a atteint 4,5% a/a au T4, portée par un effet de base favorable sur le secteur pétrolier (+3,4% en g.a) et, surtout, par la bonne tenue de l’activité hors pétrole (+4,7%). Dans un contexte d’inflation modérée, la consommation des ménages reste solide (+3,9%), ainsi que l’investissement du secteur privé (+4,4%). En revanche, les activités gouvernementales (15% du PIB) ont fléchi pour le troisième trimestre consécutif (+2,2%), en raison d’un net resserrement de l’orientation budgétaire. Cette décorrélation public-privé est encourageante. Malgré la forte baisse des dividendes de la compagnie nationale Aramco, la croissance du PIB hors hydrocarbures devrait rester supérieure à 4% cette année.
Chine
Déflation. L’indice IPC s’est contracté de -0,1% en g.a. en moyenne sur les deux premiers mois de 2025, contre +0,2% en g.a. au T4 2024. Si cette baisse s’explique en partie par la volatilité saisonnière des prix pendant la période du Nouvel An chinois, elle révèle surtout la persistance de pressions déflationnistes. En janvier-février, l’inflation sous-jacente a très légèrement fléchi (+0,25% en g.a. en moyenne), les prix alimentaires ont de nouveau diminué (-1,5%), et l’indice des prix à la production a poursuivi sa baisse (-2,3%). Autre signe de la faiblesse de la demande intérieure, la croissance de l’encours de prêts bancaires a continué de ralentir (+7,1% en g.a. en février 2025, contre +9,7% en février 2024). Ces chiffres pourraient inciter les autorités monétaires à baisser leurs taux de référence à très court terme (la dernière baisse du taux reverse repo à 7 jours, de 1,7% à 1,5%, date de septembre 2024).
Plan de soutien à la consommation. Pékin vient d’annoncer un plan pour stimuler les revenus et la consommation des ménages. Ce plan contient des mesures déjà mises en œuvre (comme le programme de subventions pour le remplacement de biens de consommation) et envisage de nouvelles mesures, qui restent toutefois à préciser (notamment des hausses de salaires).
Inde
La baisse des pressions inflationnistes s’est poursuivie en février. L’inflation a sensiblement ralenti à 3,6% en glissement annuel (g.a.), favorisée par la décélération des prix alimentaires. Pour la première fois depuis août 2024, la hausse des prix a été inférieure à la cible de 4% +/- 2pp fixée par les autorités monétaires. Cela laisse présager d’une nouvelle baisse des taux de 25 pb lors du prochain comité de politique monétaire du mois d’avril, et ce d’autant plus que la roupie, comme les autres monnaies d’Asie, s’est récemment renforcée face au dollar US.
Afrique du Sud
Le budget 2025/26 présenté au Parlement sans le soutien de la DA. Mercredi 12 mars, une version révisée du budget 2025/26 a été présentée au Parlement. Le document confirme la poursuite de la consolidation des finances publiques et prévoit une baisse du déficit budgétaire de 4,7% du PIB pour l’année budgétaire en cours à 3,3% du PIB en 2027/28. Malgré trois semaines de négociations supplémentaires permises par le report in extremis de la présentation initiale du budget en février, le gouvernement d’union nationale (GNU) n’a toutefois pas réussi à présenter un front uni. La proposition de hausse du taux de la TVA (+0,5pp en mai 2025 et +0,5pp en avril 2026) demeure une pierre d’achoppement entre l’ANC et la DA, deuxième parti du gouvernement. Fermement opposé à toute hausse d’impôt, J. Steenhuisen, à la tête de la DA, a affirmé qu’il ne soutiendrait pas cette loi budgétaire lors du vote du Parlement, le 2 avril prochain. D’ici là, les membres du GNU devront donc trouver plus de compromis afin de ne pas fragmenter la coalition gouvernementale.
Turquie
Poursuite de la détente monétaire. Lors du comité de politique monétaire du 6 mars, la Banque centrale a abaissé son taux directeur de 250 pb, à 42,5 %. Il s'agit de la troisième baisse consécutive de même ampleur, après celles des 26 décembre et 23 janvier. Cette action fait suite à la publication d’un chiffre d’inflation plus rassurant en février (2,3 % sur un mois, 39,1% sur un an contre respectivement +3,5% et 42,4% en janvier), même si les évolutions mensuelles récentes sont particulièrement erratiques et ne permettent pas de déceler les inflexions de tendance avec un degré de fiabilité raisonnable. Cette décélération de l’inflation intervient dans un contexte de ralentissement de la croissance et de dépréciation moindre de la livre vis-à-vis du panier euro/dollar.
Brésil
Essoufflement de l’activité et dégradation des anticipations. Après avoir connu trois années de croissance à plus de 3%, l’économie brésilienne montre des signes de ralentissement. Outre le fléchissement marqué de l’activité au T4 2024 (0,2% t/t contre 0,7% le trimestre précédent), plusieurs indicateurs disponibles au T1 2025 attestent d’une baisse de régime. Le chômage remonte depuis janvier, après avoir atteint un plus bas historique en 2024. Dans le secteur manufacturier, les niveaux de production stagnent et les nouvelles commandes progressent au rythme le plus lent depuis plus d’un an. L’indice de confiance des consommateurs FGV-IBRE est tombé en février à son niveau le plus bas depuis août 2022 sur fond de hausse des prix alimentaires, de durcissement des conditions de crédit et d’une plus grande incertitude mondiale et nationale. Les anticipations d’inflation continuent de se dégrader malgré l’appréciation du real (+7,3% contre le dollar US depuis janvier). Bien que de bonnes récoltes devraient soutenir la croissance au T1 (effets saisonniers), elles ne suffiront pas à dissimuler le ralentissement à l’œuvre dans le reste de l’économie d’autant que la banque centrale doit procéder à un nouveau tour de vis monétaire lors de sa réunion de mars (+100 pb).
Matières premières
Les États-Unis renforcent leurs sanctions à l’encontre des secteurs pétroliers russe et iranien. Les licences autorisant certaines banques russes à recevoir des paiements en devises, en contrepartie d’achats de pétrole, n’ont pas été renouvelées. Le nombre d’entreprises et de navires iraniens sous sanction a été étendu.
L’EIA (US Energy Information Administration) revoit légèrement à la baisse ses prévisions de prix pour 2025 à 74,2 USD/b (-0,4%) mais à la hausse celles pour 2026 à 68,5 USD/b (+3%), considérant l’impact du durcissement des sanctions étatsuniennes vis-à-vis des secteurs pétroliers russe, iranien et vénézuélien.
L’Agence internationale de l’énergie abaisse sa prévision de croissance de la demande de pétrole pour 2025 à +1 mb/j (-0,1 mb/j), en lien avec le risque croissant de guerre commerciale. Par conséquent, dans un contexte de desserrement annoncé des quotas OPEP, le surplus d’offre pourrait excéder 0,6 mb/j en 2025 et peser à la baisse sur les prix.
Plus de prévisions et de données économiques dans notre dernier Scénario Économique.