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Zone euro : moins de désaccords en général sur les prévisions de croissance pour l’année courante… mais pas en 2025

24/09/2025
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Malgré l’annonce fin juillet de l'accord commercial entre l’Union européenne et les États-Unis, les perspectives de croissance à court terme de la zone euro demeurent incertaines. Les économistes professionnels, dont les prévisions convergent généralement vers la fin de l'année, affichent aujourd’hui un désaccord toujours relativement important sur la croissance de la zone en 2025.

Historiquement, les prévisions de croissance pour l'année en cours tendent à converger à mesure que celle-ci avance. C'est une caractéristique, non un défaut : à mesure que les trimestres passent, les données des comptes nationaux trimestriels sont publiées, ce qui permet d’y voir plus clair dans la dynamique économique. Il reste de moins en moins de points de données sur lesquels les prévisionnistes peuvent être en désaccord, ce qui impose mathématiquement une convergence de leurs prévisions pour l'année entière. Cependant, 2025 fait exception.

Les temps changent

Pour mieux évaluer l’ampleur des désaccords entre prévisionnistes, nous avons analysé un ensemble étendu de prévisions professionnelles fournies par Focus-Economics. Ces données incluent des prévisions individuelles de PIB de plus de 130 institutions financières, think tanks et autres organisations internationales. L'ensemble de données commence en octobre 2010 et s'étend jusqu'à la dernière édition de la publication mensuelle du consensus de Focus-Economics, datée d'août dernier. Pour chaque publication, nous avons calculé la différence absolue moyenne des prévisions appariées comme indicateur pour mesurer le désaccord entre les prévisionnistes[1].

Notre graphique présente le désaccord moyen, pendant la période pré-Covid, sur notre ensemble de données (2013-2019). Nous avons exclu la période couvrant la pandémie (2020-2023) car l'impact des confinements a provoqué des pics significatifs, mais souvent temporaires, dans la métrique de désaccord. La zone grise indique la plage interquartile pour ces années, renforçant encore la tendance à la convergence des prévisions, en particulier à partir de la deuxième moitié de chaque année.

CROISSANCE DE LA ZONE EURO : ÉVOLUTION DE LA DISPERSION DES PRÉVISIONS POUR L’ANNÉE EN COURS

S’agissant de la croissance du PIB réel de la zone euro, le désaccord moyen tend clairement à se réduire : de 0,3% vers le début de chaque année, il atteint 0,1% à la fin. Une telle réduction est attendue étant donné qu’en fin d'année, les chiffres de croissance du PIB pour les trois premiers trimestres sont généralement connus, laissant seulement le quatrième trimestre incertain.

La ligne verte pour 2025 se détache toutefois nettement. Les prévisions ont convergé au premier trimestre mais ce mouvement a été suivi d'une hausse du désaccord en avril. Autour de cette époque, les nombreuses annonces (i.e. augmentation des droits de douane américains, tournant budgétaire allemand, efforts de réarmement de l'UE) ont amené les prévisionnistes à repenser leurs scénarios.

Et depuis avril, le désaccord reste important, preuve supplémentaire de l'incertitude élevée concernant la politique tarifaire des États-Unis elle-même et son impact économique, ainsi que sur la rapidité avec laquelle les dépenses et investissements supplémentaires en Allemagne et en Europe se matérialiseront. La question de la force qui prédominera se pose aussi et nourrit l'incertitude et la dispersion des prévisions[2]. Actuellement, le désaccord est environ deux fois plus élevé que pendant la période de référence.

Qu'est-ce que cela implique pour l'économie européenne ?

Un désaccord persistant et important entre prévisionnistes, sur le rythme anticipé de la croissance, empêche le consensus. Or, celui-ci informe et aide à son tour les décideurs politiques, les dirigeants d'entreprise et les ménages à se projeter et à prendre les bonnes décisions. Le désaccord sur la croissance de 2025 devrait toutefois diminuer à mesure que les chiffres du troisième et du quatrième trimestres seront publiés. Cependant, nous constatons déjà un écart significatif entre les perspectives de croissance pour 2026. En Belgique, par exemple, parmi les dix prévisionnistes les plus actifs, ce désaccord est actuellement deux fois plus élevé que la moyenne historique, et il est en hausse.

Avec des prévisionnistes professionnels en désaccord sur ce qui se profile, l'incertitude ne baissera probablement pas de sitôt. Nous pouvons, cependant, essayer de nous adapter en passant plus de temps à réfléchir à différents scénarios (jusqu’ici) inconcevables.


[1] Pour calculer le désaccord moyen, la différence entre chaque paire de prévisions est calculée puis moyennée sur l’ensemble de la base de données. Prenons l’exemple de trois prévisions (A, B, C) : le désaccord est la moyenne de la différence de prévisions entre les paires AB, BC et AC.

[2] Notre scénario central prévoit que les vents contraires provenant de la guerre commerciale américaine domineront à court terme, avant que les vents favorables provenant de l'impulsion européenne prennent de l'ampleur à moyen terme et soutiennent notre prévision de croissance, au-dessus du consensus, pour la zone euro en 2026.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE