Après une croissance conséquente au 1er semestre 2025, le 2nd semestre devrait marquer un ralentissement (sous le poids de la politique commerciale américaine et de la politique budgétaire britannique). Malgré les risques à la baisse sur le marché de l’emploi et les difficultés dans l’industrie, la croissance retrouverait un rythme plus élevé et stable en 2026 (+0,3% t/t en moyenne) à la faveur de l’assouplissement monétaire. Le policy mix resterait toutefois modérément restrictif, contraint par l’inflation élevée et les tensions sur les marchés obligataires. Trouver l’équilibre entre consolidation budgétaire et croissance reste un défi au Royaume-Uni.
Croissance : vers un second semestre plus difficile, avant une croissance plus élevée en 2026 CROISSANCE ET INFLATION (MOYENNE ANNUELLE) Après un bon 1er semestre (+0,7% t/t au T1 et +0,3% t/t au T2), la croissance serait plus modérée au S2 (+0,1% t/t au T3 et 0,3% au T4), avant une stabilisation de celle-ci proche de son rythme potentiel en 2026 (+0,3% t/t par trimestre). En moyenne annuelle, la croissance décélèrerait toutefois entre 2025 (1,3%) et 2026 (1%), 2025 bénéficiant d’un acquis plus favorable. Au rayon des satisfactions, la consommation des ménages augmente depuis quatre trimestres, bien aidée par la progression des salaires réels, même si ces derniers ralentissent (+1,2% a/a en juin). Toutefois la remontée probable du chômage pourrait pénaliser les choix de consommation. Une baisse du taux d’épargne, actuellement élevé par rapport à sa moyenne historique (10,9% du revenu disponible au T1 25) permettrait d’amortir une partie du choc. Mais il n'est pas dit que cela se matérialise : le contexte d’incertitude encore forte risque de favoriser le maintien d’une épargne de précaution élevée.
Au global, la vigueur de l’activité dans les services (indice PMI à 54,2 en août) devrait servir d’amortisseur, pour une économie par ailleurs exposée à plusieurs vulnérabilités. L’industrie reste mal orientée (indice PMI en baisse à 47,0 en août) et la décélération de la croissance aux États-Unis – premier débouché à l’exportation du Royaume-Uni après la zone euro – aura un effet immédiat alors que les effets positifs du renforcement de l’activité en zone euro devraient se matérialiser plus tard (surtout début 2026). Les perspectives pour 2026 restent donc ambivalentes, avec le risque que la consolidation budgétaire ne pèse davantage sur la croissance ou que, pour soutenir cette dernière, cette consolidation soit retardée, ce qui alimenterait les tensions sur les taux longs (et ne serait pas sans effet sur la croissance).
Augmentation relative du chômage Le taux de chômage a poursuivi sa remontée au premier semestre 2025, atteignant 4,7% en juin, soit 0,6 point de plus que le creux de juillet 2024, tandis que le volume des postes vacants est retombé à son plus bas niveau depuis 2017. La hausse du coût du travail, renforcée par les mesures budgétaires d’avril, pèse sur les entreprises britanniques. Jusqu’à présent, ces dernières ont comprimé leurs marges, mais ce comportement atteint ses limites, puisque les marges ont diminué à 43,2% au T2 2025, leur plus bas niveau en 15 ans. L’emploi pourrait donc désormais devenir le principal levier d’ajustement. Certaines enquêtes pointent dans cette direction (cf. graphique 2). Un ralentissement plus marqué du marché du travail atténuerait la hausse des salaires. Cette dernière a déjà ralenti (+4,5% a/a en juin, soit la plus faible progression depuis fin 2021) mais elle reste supérieure à l’inflation, ce qui soutient le pouvoir d’achat.
ROYAUME-UNI : ENQUÊTE REC/KPMG ET TAUX DE CHÔMAGE Inflation : rebond modéré en 2025, repli limité en 2026 Après un rebond cet été, à 4,2% a/a en juillet, l’inflation resterait sur un plateau élevé jusqu’en mai 2026. L’inflation dans les services resterait proche de 5% jusqu’à cette date, lorsque l’effet de base, lié à l’introduction des hausses de taxes d’avril 2025, s’estompera. La trajectoire dépendra ensuite de l’évolution du marché du travail, dont la détérioration anticipée devrait engendrer un ralentissement des salaires et des prix dans les services. Si un retour à la cible d’inflation de 2% ne sera pas d’actualité en 2026, les tensions inflationnistes devraient être de moins en moins généralisées. Après une augmentation de 6,4% au T2, la hausse du plafond des prix de l’énergie pour les tarifs non réglementés ralentira au T4 (+2% selon Ofgem), ce qui limitera l’inflation énergétique par la suite. Autre évolution favorable : la hausse des loyers a ralenti depuis le début de l’année 2025 – passant d’un pic à 7,8% a/a en janvier à 4,5% en juillet – et pourrait repasser cet automne sous la composante services (hors loyers) pour la première fois depuis l’été 2023.
Politique monétaire : deux nouvelles baisses de taux et un resserrement quantitatif moins prononcé Après une baisse de taux directeur de 125 pb en un an, deux baisses de taux additionnelles (de 25 pb chacune) sont à attendre au T4 2025 et au T1 2026 d’après nos prévisions. Le point d’atterrissage des taux (3,5%) sera plus élevé qu’en zone euro (2% pour le taux de dépôt), reflétant une inflation supérieure et persistante. Par ailleurs, dans un contexte de tensions sur les taux longs souverains et de hausse attendue des émissions obligataires de l’État britannique en 2026, la BoE devrait opter pour une gestion plus fine et régulière de son resserrement quantitatif – à la fois sur la taille et la structure du bilan de la banque centrale. La décision de réduire le rythme de baisse du bilan de la BoE (passant de £100 mds (octobre 2024-septembre 2025) à £70 mds (octobre 2025-septembre 2026), lors de la réunion du 18 septembre, constitue une première étape d’assouplissement du resserrement quantitatif, qui continuerait d’évoluer en 2026, suivant l’évolution des tensions sur le marché des Gilts. Néanmoins, la réduction du QT implique la réalisation de pertes plus lourdes sur le portefeuille de Gilts de la BOE, pertes qui doivent être indemnisées par le Trésor et, ce faisant, creusent les besoins de financement de ce dernier.
Finances publiques : une cible de déficit qui sera difficile à atteindre Les nouvelles tensions sur le marché obligataire (qui ont entraîné une hausse des taux à 30 ans de l’ordre de 30 pb depuis le début de l’année) et la dégradation du marché du travail compliquent la consolidation budgétaire. D’un côté, malgré l’inflation soutenue et les mesures budgétaires d’avril, qui ont permis d’accroître certaines recettes (droits de timbre [Stamp duty ], cotisations employeurs), les rentrées de TVA progressent de manière limitée (+3,9% en cumul sur douze mois en juillet), ce qui limite aussi la hausse des recettes courantes (+5,3%). De l’autre, les revalorisations salariales dans la fonction publique et l’augmentation du service de la dette tirent à la hausse les dépenses courantes (+7,3% cumul sur douze mois). Comme en 2024, la cible de déficit pour l’année fiscale 2025 (qui court d’avril à mars) de 3,9% du PIB visée par l’OBR (prévisions de mars) sera difficile à atteindre. Une révision à la hausse du déficit est donc à attendre cet automne (le budget d’automne sera annoncé le 26 novembre), ce qui contraindra d’autant plus le gouvernement à muscler ses mesures de consolidation budgétaire. Néanmoins, selon nos estimations, l’écart entre le solde primaire et celui nécessaire pour stabiliser le ratio de dette publique reste inférieur à la situation en France ; la hausse de ce ratio devrait être donc plus modérée au Royaume-Uni. Le service de la dette, qui s’est établi à 2,9% du PIB en 2024, devrait s’accroître, mais de manière modérée (autour de 3,2% du PIB à fin 2026). La maturité moyenne résiduelle élevée des titres d’État (14 ans) permet en effet d’étaler les phases de refinancement dans le temps.
Comptes extérieurs : baisse des exportations vers l’Asie Les risques sont élevés que le déficit commercial (GBP 243 mds en juillet, cumul sur douze mois) continue de se dégrader en 2026. Si le Royaume-Uni est parvenu à limiter le choc tarifaire avec les États-Unis, en négociant notamment un quota d’exportation pour la filière automobile, la baisse des exportations du secteur – l’un des premiers postes d’exportations (plus de 10% du total) – est structurelle et provient surtout d’une baisse de la demande du marché asiatique. Le recul des exportations d’hydrocarbures, résultant des efforts de transition énergétique, et qui ont représenté jusqu’à 13% des exportations de biens du Royaume-Uni (2012), ne représentent désormais plus que la moitié des exportations. Cela pèse aussi sur le déficit commercial. La part du Royaume-Uni dans les exportations mondiales, qui a reculé sous la barre des 2% en 2024, baisse à nouveau en 2025 (1,9% en mai, en moyenne sur douze mois, un niveau inférieur à la France [2,5%], l’Italie [2,7%] et a fortiori l’Allemagne [6,8%]). Néanmoins, l’excédent dans les services continue de progresser et de compenser une large partie du déficit sur les biens, une tendance qui devrait se poursuivre en 2026 (cf . graphique 3).
ROYAUME-UNI : SOLDES DES BIENS ET SERVICES (£ MDS, CUMUL SUR DOUZE MOIS) Si le Brexit laissera une trace indélébile sur le commerce entre l’UE et le Royaume-Uni, les exportations de biens en volume vers l’UE ont toutefois progressé de 11% sur les sept premiers mois de l’année. La part des exportations vers les 27 est ainsi repassée cet été au-dessus de la barre des 50%. Sans parler à ce stade de véritable recentrage, il est évident que le Royaume-Uni aura besoin de renforcer ses liens commerciaux avec ses voisins européens. Cela permettrait au Royaume-Uni de profiter de la hausse attendue des investissements en Europe, tout en augmentant sa capacité de résilience face aux chocs à venir sur le commerce mondial. La participation au programme SAFE de réarmement européen, pas encore officialisée mais dont les négociations avancent, et qui devrait entrer réellement en action en 2026, acterait un rapprochement supplémentaire entre les deux zones.
Achevé de rédiger le 18 septembre 2025