En Chine, les données d’activité des dernières semaines ont été assez mauvaises pour avoir sur les autorités l’effet d’un électrochoc. Alors que le soutien à la demande intérieure était resté obstinément prudent depuis plusieurs mois, les annonces de nouvelles mesures d’assouplissement monétaire puis de relance budgétaire se sont succédé pendant la dernière semaine de septembre. Ce changement d’orientation permet de réduire, sans les éliminer, les risques baissiers sur la croissance à court terme. Si le plan d’expansion budgétaire, dont le contenu exact reste à préciser, est rapidement mis en œuvre, la cible de croissance de « 5% environ » fixée par Pékin pour 2024 pourrait être atteinte.
Manque de vigueur
La croissance économique chinoise est restée morose pendant l’été. Le ralentissement observé au mois d’août, à la fois dans le secteur industriel et les services, s’est probablement prolongé en septembre, au vu des derniers indices PMI. L’activité industrielle (+4,8% en g.a. en juillet-août, après +6% au S1 2024) a notamment été freinée par la légère baisse de la production automobile et par celle, bien plus sévère, dans des industries lourdes telles que l’acier et le ciment. La production de biens électroniques est au contraire restée dynamique, tirée par la hausse toujours rapide des exportations. Cependant, les perspectives pour ces dernières commencent à s’assombrir, en raison des barrières tarifaires appliquées aux biens chinois par un nombre croissant de pays développés et émergents.
Dans les services, l’activité a augmenté de +4,7% en g.a. en juillet-août, contre 4,9% au S1 2024. La consommation des ménages et l’investissement privé sont restés déprimés, et la crise du secteur immobilier s’est poursuivie, en dépit des mesures de soutien mises en œuvre au printemps dernier. Celles-ci n’ont pas relancé la demande de logements : les prêts hypothécaires ont poursuivi leur légère baisse, et les surfaces vendues ont continué de chuter (-18% en g.a. sur les huit premiers mois de 2024). Les ménages subissent des effets de richesse négatifs en raison du recul des prix des logements (les actifs immobiliers représentaient 70% du patrimoine des ménages urbains au début de la crise en 2021). À ceci s’ajoute la dégradation des conditions sur le marché du travail. Le taux de chômage urbain est remonté à 5,3% en août, contre 5% en juin, et le taux de chômage des 16-24 ans a fortement augmenté (de 13,2% en juin à 18,8% en août) avec l’arrivée d’une nouvelle promotion de diplômés du supérieur sur le marché de l’emploi.
Dans ce contexte, les pressions déflationnistes ont persisté, entretenues par le déséquilibre entre la faiblesse de la demande intérieure et les surcapacités de production industrielle, la chute des prix immobiliers, la moindre progression des salaires, et le recul des cours mondiaux des matières premières. En août, l’indice des prix à la consommation a augmenté de 0,6% en g.a., mais l’inflation sous-jacente a atteint un point bas de 0,3% et l’indice des prix à la production était en baisse (-1,8% en g.a.) pour le 23e mois consécutif.
De nouvelles mesures de relance suffisantes ?
La faible confiance du secteur privé (ménages, entreprises et investisseurs financiers), les pressions déflationnistes, le problème de plus en plus pressant du chômage des jeunes, et les perspectives de ralentissement des exportations de marchandises ont eu raison de la stratégie d’assouplissement très progressif de la politique économique. Après avoir décidé, le 20 septembre, de laisser les taux directeurs inchangés, les autorités ont annoncé quatre jours plus tard un ensemble de mesures d’assouplissement monétaire (réduction des coefficients de réserves obligatoires et des taux d’intérêt de référence), de soutien au secteur immobilier (baisse de l’apport initial et des taux sur les prêts au logement nouveaux et existants, hausse des financements aux sociétés publiques pour l’achat de logements invendus), et de soutien aux marchés actions (facilités de financement à des institutions financières et à des entreprises pour l’achat/le rachat d’actions).
Ces mesures sont dans la lignée des précédentes et ne sont pas, à elles seules, d’ampleur à revigorer la consommation privée, ni à inverser la dynamique de correction du marché immobilier et de ralentissement du crédit ; le pessimisme des ménages, les larges stocks de logements invendus ou inachevés, et les problèmes de solvabilité ou de liquidité d’une majorité de promoteurs immobiliers demeurent en effet des freins puissants. Cependant, les mesures monétaires et financières ont été suivies de l’annonce d’un plan – à venir – de soutien budgétaire, qui pourrait constituer un tournant s’il est rapidement mis en œuvre et s’il met effectivement l’accent sur la relance de la consommation privée.
Le gouvernement central envisagerait l’émission d’obligations supplémentaires pour un montant total de RMB2000 à 3000 milliards (1,5% à 2,3% du PIB) pour financer diverses mesures d’aide aux ménages, d’appui aux collectivités locales et de recapitalisation des banques publiques. Le calendrier et les détails des mesures restent à préciser. S’il est confirmé, le soutien direct apporté aux revenus des ménages et à la consommation (par exemple via le versement d’allocations et des subventions à l’achat) constituerait un changement d’orientation de la politique budgétaire, qui s’est traditionnellement appuyée sur l’immobilier et les projets d’investissement pour stimuler l’activité.
De plus, en annonçant toutes les mesures la même semaine, les autorités ont également rompu avec leur approche graduelle habituelle et surpris les marchés. Ceux-ci ont atteint un point bas mi-septembre puis ont fortement rebondi. Entre le 20 et le 30 septembre, l’indice boursier CSI 300 a gagné 26% et retrouvé son niveau moyen du S1 2023 (toujours 20% sous son niveau moyen de 2021). Le yuan s’est également rapidement apprécié et s’approchait du seuil de RMB7 par USD au 30 septembre, soit son niveau le plus fort depuis seize mois. Ce rebond des marchés augure, peut-être, d’une amélioration à venir du sentiment des entreprises et des consommateurs chinois. S’il est effectivement et rapidement mis en œuvre, le nouveau plan de relance des autorités pourrait provoquer un choc positif sur les revenus et la confiance, condition nécessaire à la stabilisation, voire au renforcement, de l’activité économique à court terme.
Achevé de rédiger le 30 septembre 2024