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Pays-Bas | Un nouveau gouvernement et un nouvel accord favorable au pouvoir d’achat

28/06/2024
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L’économie néerlandaise a connu une nouvelle baisse de son PIB réel au T1 2024, imputable à une contraction inattendue des exportations. Les perspectives ne paraissent toutefois pas trop négatives. Une nouvelle coalition gouvernementale a été formée et a présenté un ensemble de mesures favorables au pouvoir d’achat des ménages, de nature à soutenir leur consommation. L’accord de la coalition planifie toutefois de limiter le déficit budgétaire à 2,8% du PIB au travers d’une diminution des dépenses qui pourrait peser sur les gains de productivité à long terme.

CROISSANCE ET INFLATION

Après des mois de négociations intenses, un nouveau gouvernement de droite a été formé. La nouvelle coalition est composée du parti PVV (extrême-droite), vainqueur des élections, du VVD (centre-droit libéral) et des nouveaux venus du Mouvement agriculteur-citoyen (BBB, droite) et du Nouveau contrat social (NSC, centre-droit).

Les quatre partis ont présenté leur programme politique pour les quatre prochaines années. Concernant les négociations, il s’avère que le parti PVV a renoncé à beaucoup de ses projets. Le programme du parti était eurosceptique, plaidait pour des déficits de plus de 4% du PIB, était anti-climat et s’opposait au soutien à l’Ukraine.

Au lieu de cela, l’accord de coalition conserve en grande partie la même politique climatique, renforce le soutien à l’Ukraine et est moins eurosceptique que prévu. En outre, il signale un engagement clair de maintien de la prudence budgétaire, avec un déficit qui devrait rester inférieur à 3% du PIB. En résumé, la nouvelle coalition s’est mise d’accord pour réduire les dépenses affectées au soutien à la productivité (via le Fonds national pour la croissance), à la R&D, et au financement des mesures climatiques. Les sommes dégagées seront principalement allouées au soutien du pouvoir d’achat des ménages, au développement des infrastructures, du marché immobilier, du secteur agricole et de l’énergie nucléaire. Aucune réforme structurelle du marché du travail et de la fiscalité n’est proposée. La coalition met fortement l’accent sur les mesures restrictives en matière d’immigration et sur l’amélioration de la sécurité des moyens d’existence pour tous, en construisant plus de maisons et en augmentant le pouvoir d’achat des ménages.

Un coup de pouce au pouvoir d’achat

L’accord s’intitule « Espoir, courage et fierté ». Il comporte un ensemble ambitieux d’objectifs politiques dans différents domaines. Tout d’abord, pour les ménages, le pouvoir d’achat serait soutenu à court terme par un petit allègement fiscal (EUR 2 mds) et, à compter de 2027, par la diminution de moitié des cotisations médicales obligatoires (entre EUR 4 et 5 mds).

Les entreprises ont salué l’accord, en particulier celles du secteur agricole. Certaines augmentations d’impôts prévues, comme le relèvement de la taxe sur l’énergie et l’introduction d’une taxe sur les rachats d’actions, ont été annulées. Le nouvel accord indique que le rétablissement du climat des affaires est l’un des objectifs politiques du gouvernement entrant. La coalition affirme que « le travail doit payer » et appelle à « ne pas niveler davantage la répartition des revenus ». L’accord semble néanmoins plus favorable aux bas revenus, avec l’augmentation des prestations sociales, de santé et des allocations familiales visant à réduire la pauvreté infantile.

Activité économique

Au T1 2024, l’économie néerlandaise s’est à nouveau contractée de manière inattendue, de 0,5% t/t. Cette baisse contraste avec les chiffres des pays voisins. L’économie allemande a progressé de 0,2% t/t et la zone euro dans son ensemble de 0,3% t/t. La contraction aux Pays-Bas est principalement due à une baisse des exportations, à une poursuite du déstockage et à un recul de l’investissement total. La diminution des exportations de biens est à relier à la faiblesse du secteur manufacturier. La forte baisse des stocks a également pesé sur la croissance, mais le mouvement de déstockage semble toucher à sa fin, en ligne avec l’activité dans le secteur industriel qui aurait atteint son point bas.

Malgré cette baisse surprise du PIB, le détail de sa composition étaye la vision d’une économie néerlandaise soutenue par la consommation privée. Cette dernière a augmenté de 0,7% t/t, les ménages profitant du redressement de leurs revenus réels, porté par la forte croissance des salaires, elle-même favorisée par un marché du travail tendu. L’économie est presque au plein-emploi, avec un taux de chômage de 3,5% en mai 2024. La consommation publique a également augmenté de 0,6% t/t. Malgré les discussions liées à la formation du gouvernement, la puissance publique a continué de contribuer à la croissance par le biais des dépenses pour la santé, l’éducation et la défense. L’investissement a surpris la baisse au T1, ce qui confirme que l'optimisme des hommes d'affaires à l'égard de l'avenir n'est pas si fort, miné par le climat géopolitique incertain et les taux d'intérêt élevés qui limitent les raisons d’investir, sauf en ce qui concerne le remplacement des installations existantes dans les transports et les machines. Pour finir, le secteur de l’immobilier a confirmé sa forte reprise, avec une hausse des prix de 8,6% a/a en mai, contre une baisse de 6% enregistrée un an plus tôt.

Les perspectives pour 2024 restent plutôt positives. La demande intérieure servira de moteur de la croissance. Plus tard dans l’année, à mesure que les conditions financières continueront de s’assouplir et que la demande extérieure augmentera, la croissance devrait se redresser, passant de 0,2% en moyenne annuelle en 2023, à, respectivement, 0,8% et 1,5% cette année et la prochaine, selon les prévisions de printemps de la Commission européenne. Comme ailleurs en Europe, l’inflation s’avère plus persistante que prévu. Elle augmente même de nouveau depuis le début de l’année, à +2,7% a/a en mai 2024 contre -1% en octobre 2023. Cette remontée forte de l’inflation est imputable à un effet de base sur les prix de l’énergie. Dans l’ensemble, la Commission européenne table désormais sur une inflation à 2,5% et 2% cette année et la suivante.

Achevé de rédiger le 25 juin 2024

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