L’économie grecque résiste à la hausse des coûts de financement et aux tensions géopolitiques en Europe et devrait enregistrer en 2024 une croissance économique à nouveau supérieure à la moyenne de la zone euro. Le PIB réel a progressé de 2,0% en 2023 en moyenne annuelle et de 0,7% t/t au premier trimestre 2024, tiré par la consommation privée et l’investissement. Hormis dans l’immobilier, les pressions inflationnistes se sont atténuées et alimentent des gains de pouvoir d'achat qui, avec la hausse de l'emploi, soutiennent la consommation privée, dont le poids dans le PIB a atteint un nouveau record au premier trimestre 2024 (76,9%). Le pays, par sa taille et sa dépendance au marché extérieur, reste néanmoins très exposé aux évolutions économiques en Europe ainsi qu’au marché de l’énergie, et en particulier le pétrole.
L’année 2024 marquera, à plusieurs titres, une étape symbolique dans le redressement de l’économie grecque.
L’autorisation accordée le 5 juin par la BCE aux quatre plus grands groupes bancaires du pays de distribuer à nouveau des dividendes, après seize années d’interruption, constitue un premier fait marquant.[1]
Cette année devrait également acter le point de dépassement des prix immobiliers par rapport à leur pic de 2008. C’est déjà le cas dans la capitale grecque, où les prix ont franchi ce cap dès le premier trimestre 2024.
L’indice national se situe encore 3,5% en dessous, mais avec une croissance des prix dans le pays encore très soutenue (+10,8% en glissement annuel au T1[2]), il devrait aussi atteindre des niveaux inédits d’ici la fin de l’année. Si cela ne va pas sans risque en exacerbant les problèmes d’accessibilité au logement, cela illustre la phase de reflation que connaît actuellement le pays. Par ailleurs, l’économie grecque étant sortie très tardivement (2016) de la crise de la dette européenne, elle se trouve dans un cycle économique moins avancé que la plupart des autres pays de la zone euro et bénéficie à ce titre d’une marge de croissance supérieure.
L’emploi a franchi en avril la barre des 4 300 000 pour la première fois depuis septembre 2009, et le taux de chômage est redescendu à 10,8%. Les leviers de soutien à l’économie restent par ailleurs importants : les financements européens alloués par la Facilité pour la Reprise et la Résilience (FRR) au pays continuent d’abonder et devraient, à terme, soutenir l’investissement. La Commission européenne a donné le 14 juin son accord de principe pour le versement d’une quatrième tranche de prêts, de EUR 2,3 mds, tandis que les autorités grecques avaient officialisé, quelques jours auparavant, la demande auprès de la Commission pour le déblocage d’une quatrième tranche de subventions à hauteur de EUR 998,6 millions. En incluant ces versements, qui devraient intervenir d’ici à la fin de l’année 2024, cela porterait les versements actuels du FRR à la Grèce à EUR 18,2 mds (EUR 8,6 mds en subventions et EUR 9,6 mds en prêts, préfinancements inclus), soit environ la moitié de l’enveloppe totale allouée au pays (EUR 36 mds).
Sérieux budgétaire
En parallèle, la poursuite du redressement des comptes publics en 2023 offre des marges budgétaires au gouvernement de centre-droit, dont l’objectif principal reste encore, à ce stade, le désendettement du pays. Le gouvernement a annoncé son intention de rembourser par anticipation EUR 8 mds de dettes contractées au travers du programme d’aide européen (Greek Loan Facility) au début de la crise économique. Il s’est également fixé comme objectif de dégager un excédent primaire à hauteur de 2,1% du PIB en 2024 et en 2025, ce qui semble atteignable au vu des bons résultats enregistrés en 2023, même si le reflux de l’inflation freinera les rentrées fiscales : l'excédent primaire a atteint 1,9 % du PIB (contre 0% en 2022), tandis que le déficit budgétaire s'est réduit à -1,6% (après -2,5% en 2022).
Le ratio d’endettement public a baissé de 9 points de PIB à 161,9% en 2023 et devrait fléchir assez nettement encore en 2024. L’écartement contenu des taux obligataires grecs avec le Bund allemand, malgré la volatilité des marchés à l’issue des élections européennes et de la dissolution de l’Assemblée nationale en France, est une indication assez nette que la prime de risque attachée à la dette grecque a reflué.
Le parti Nouvelle Démocratie du premier ministre actuel, Kyriakos Mitsotakis, dont la côte de popularité s’est effritée depuis les élections législatives anticipées de juin 2023, est néanmoins parvenu à remporter les élections européennes, avec 28,3% des suffrages obtenus contre 14,9% pour le parti de gauche Syriza, et 12,8% pour le parti de centre-gauche Pasok. Ces résultats, moins bons qu’espéré pour le parti au pouvoir, ont conduit Mitsotakis à procéder, le 14 juin, à un remaniement ministériel (notamment le ministre de l’Intérieur, du travail, de l’immigration ou encore le ministre du développement et de l’investissement), même si certains ministres à des postes clés sont restés en place (Finances, Affaires étrangères, Défense).
Achevé de rédiger le 17 juin 2024