Le recul inattendu du PIB hongrois au T1 2025 sera probablement suivi d’une croissance modeste au cours des prochains trimestres, avec la consommation comme principal pilier. Toutefois, la Hongrie n’échappera pas aux répercussions du choc tarifaire américain car il s’agit d’une économie très ouverte. Une concurrence plus intense en provenance de Chine, notamment sur des produits de milieu et haut de gamme, est attendue. La Chine n’en demeure pas moins un investisseur important pour le pays, notamment dans le secteur automobile.
Résilience de l’économie malgré des vents contraires L’économie hongroise a été marquée par une récession technique aux T2 et T3 2024. Elle a quand même enregistré une croissance modérée du PIB de 0,5% sur l’ensemble de l’année écoulée. Au T1 2025, la croissance a, contre toute attente, reculé de 0,2% t/t (0,0% a/a).
Notre prévision de croissance pour cette année a été revue à la baisse par rapport à janvier dernier (-0,9 point en 2025), principalement à cause du choc tarifaire qui devrait se traduire à court terme par une baisse des exportations et un report de projets d’investissement. Malgré cela, on s’attend à une amélioration modeste de la croissance en 2025 par rapport à 2024.
Prévisions économiques de la Hongrie
Cette résilience de l’économie reposerait principalement sur la consommation des ménages, grâce à la bonne tenue des salaires et au reflux graduel de l’inflation. Les mesures budgétaires seront sans doute généreuses à l’approche des élections législatives prévues en 2026 et constitueront un soutien à la consommation. Ainsi, le budget pour 2025 prévoit par exemple le maintien du 13e mois pour les retraités, une hausse des salaires des enseignants et du personnel soignant, ou encore une exonération d’impôts sur le revenu pour les mères et des allocations familiales généreuses. Le budget pour 2026 vise à soutenir les familles même si la capacité du gouvernement à augmenter significativement les dépenses est limitée. Le pays fait déjà l’objet d’une procédure pour déficit excessif et doit, par conséquent, ajuster ses comptes publics (délai de quatre ans pour la Hongrie) dans le cadre de ses engagements auprès de l’UE.
La croissance économique hongroise devrait accélérer à partir de 2026, mais elle restera probablement inférieure à sa tendance de long terme (2010-2019 : 2,9%) et à son potentiel de moyen terme (estimé à 2,8% par le FMI). En matière d’exportations, les perspectives concernant la demande en provenance de l’Allemagne devraient être meilleures à cet horizon. Les effets du plan de relance allemand portant sur la défense et les infrastructures (EUR 1 000 mds sur 12 ans) devraient bénéficier aux pays d’Europe centrale et, ce faisant, contribuer à leur montée en gamme dans la chaîne de valeur. Certains secteurs, tels que ceux de l’armement, des machines et des équipements électriques, verront sans doute leur activité croître dans les prochaines années (ils représentaient 29% de la valeur ajoutée du secteur manufacturier hongrois en 2022), tout comme le secteur de la construction.
Toutefois, la mise en œuvre du plan de relance prendra du temps et ses effets ne seront probablement visibles qu’à partir de 2027. Les perspectives en matière d’investissement public restent, quant à elles, conditionnées à la levée de la suspension des fonds européens. À l’heure actuelle, les fonds bloqués représentent environ EUR 19 mds (9% du PIB).
Reflux graduel de l’inflation L’inflation reste contenue (4,4% a/a en mai), après une remontée passagère entre octobre 2024 et février 2025 (5,6% a/a). Cette détente s’explique notamment par l’introduction temporaire d’un plafond sur les marges des entreprises du secteur agro-alimentaire entre mars et mai 2025. En 2025, l’inflation moyenne devrait être légèrement supérieure à 2024 en raison de chiffres élevés en début d’année. Le retour à la cible d’inflation de 3% est prévue en 2027.
Hongrie : inflation
Les anticipations d’une baisse de l’inflation, même graduelle, peuvent ouvrir la voie à un assouplissement monétaire plus tard dans l’année. La Banque centrale devrait rester relativement prudente à court terme. Le risque de volatilité du forint hongrois, en particulier, devrait peser dans la décision des autorités monétaires, même si la devise hongroise s’est appréciée vis-à-vis du dollar et la dépréciation vis-à-vis de l’euro a été contenue depuis les annonces tarifaires. Le taux directeur pourrait ainsi être ramené à 5,75% fin 2025 et 4,50% fin 2026.
Trump 2.0 : impact sur les flux commerciaux Les économies d’Europe centrale n’échappent pas à la hausse des droits de douane américains même si leur déficit commercial vis-à-vis des États-Unis est marginal. En Hongrie, le taux effectif moyen des droits de douane américains est passé de 1,4% fin mars 2025 à 18,8% actuellement. Les exportations de véhicules et de pièces détachées à destination des États-Unis sont assujetties à une taxe de 25% ; celle sur l’acier et l’aluminium est passé à 50% au 4 juin. Le reste des biens exportés est soumis à un taux de 10%. Le taux effectif pourrait encore grimper à 25,8%, si le taux réciproque repasse à 20%. Les secteurs pharmaceutique et électronique sont, par ailleurs, dans le viseur de l’administration de Donald Trump. Ils représentent 16% des exportations hongroises vers les États-Unis.
La Hongrie fait partie des pays d’Europe centrale les plus exposés à un choc commercial, car il s’agit d’une économie très ouverte. Le cumul des exportations et des importations de biens a représenté, en moyenne, 154,8% du PIB entre 2022 et 2024 (77,1% pour les seules exportations). Certes, la part des exportations à destination des États-Unis est faible (4,1% des exportations totales et 2,9% du PIB en 2024), mais en raison de l’importance de son lien commercial avec l’Allemagne (25,1% des exportations en 2024 et 17,5% du PIB), la Hongrie sera affectée indirectement et de façon plus marquée que d’autres pays de la région.
Hongrie : exportations vers les États-Unis
La perte d’activité cumulée liée aux effets négatifs sur les exportations pourrait représenter entre -1,4% et -2,3% du PIB. Selon nos calculs, qui intègrent les taux tarifaires différenciés selon les secteurs, l’impact direct serait de -0,9% des exportations totales et de -0,5% du PIB (avec une élasticité de 1). Par ailleurs, en supposant une baisse de 5-10% [1] des exportations en direction de l’Allemagne, la Hongrie subirait une perte d’environ -0,9% et-1,8% du PIB respectivement.
Chine : à la fois concurrent et partenaire Dans un contexte de ralentissement de la demande mondiale, et où l’ensemble des partenaires commerciaux sont affectés par les mesures douanières américaines, la capacité à trouver de nouveaux débouchés pour les produits d’exportation sera limitée.
Il n’est pas exclu que des produits en provenance d’Asie, notamment de Chine, viennent concurrencer les biens fabriqués localement et destinés à l’exportation, notamment sur le milieu et le haut de gamme. La Hongrie est spécialisée dans la production de machines et d’équipements de transports, qui ont représenté en moyenne 55,5% des exportations totales du pays en 2024. Les gains de parts de marché de la Hongrie en Allemagne sur ce segment depuis les années 2000 (2000 : 3,8% des importations allemandes depuis la Hongrie, 2024 : 4,9%) pourraient quelque peu s’éroder au profit de la Chine, qui possède aussi un avantage comparatif révélé sur ces biens selon l’indicateur de la CNUCED.
En revanche, la Chine s’est aussi positionnée parmi les partenaires clés de la Hongrie en matière d’investissements directs étrangers (IDE). La Hongrie a reçu la plus grosse part d’IDE chinois en Europe centrale, notamment dans le secteur automobile (USD 6,1 mds d’IDE chinois en stock au T12025, 32,6% des investissements chinois). Cela entre dans sa stratégie de devenir un acteur clé de la production de batteries électriques et de véhicules électriques. La stratégie hongroise consistera à encourager les investissements directs étrangers à moyen terme.
La Hongrie reste une destination attractive pour les IDE et devrait continuer de bénéficier du nearshoring à court et moyen terme. Les flux d’IDE entrants ont enregistré un vif rebond en 2021 et 2022 (5,6% et 8,4% du PIB respectivement). Ces flux ont reflué en 2023 et 2024 (2,2% du PIB en 2023 et 2% en 2024) mais restent bien orientés dans la région.
Des facteurs de soutien À court terme, l’impact négatif des mesures tarifaires devrait l’emporter. La marge de manœuvre des politiques monétaire et budgétaire pour compenser ces effets est relativement limitée.
Dans le cadre du plan de défense de l’UE, la Hongrie devrait bénéficier d’une certaine flexibilité budgétaire à moyen terme en cas de besoin. Le pays, comme d’autres pays membres, ont activé la clause de sauvegarde, qui permet d’exclure les dépenses en matière de défense des règles budgétaires à hauteur de 1,5% du PIB par an pendant 4 ans. D’ailleurs, une ligne intitulée « réserve pour la défense » est prévue dans le budget pour 2026. Pour l’instant, les autorités hongroises ont prévu de maintenir les dépenses en matière de défense à 2% du PIB en 2026 après 2,1% en 2024.
Achevé de rédiger le 13 juin 2025