La croissance s’établirait à 1,1% en 2026, un rythme inférieur à celui de 2025 (1,4%) qui bénéficie d’un T1 2025 particulièrement fort. Cette croissance du PIB devrait toutefois être inéquitablement répartie. D’un côté, le secteur des services devrait bénéficier du développement de l’IA. De l’autre, les ménages subiront la détérioration du marché du travail, et l’industrie sera pénalisée par une dégradation de sa compétitivité et une concurrence accrue de la Chine. La désinflation resterait progressive, limitant la marge d’assouplissement de la BoE. Le policy mix sera plus accommodant, avec une partie de l’effort de consolidation budgétaire reporté à la fin de la décennie. Nous anticipons en 2026 une légère dépréciation de la livre sterling face à l’euro et au dollar, sous l’effet de la baisse des taux directeurs au Royaume-Uni.
Croissance : l’investissement plus dynamique que la consommation Une cyberattaque chez Land Rover a pénalisé à hauteur de -0,06 pp la croissance du T3 (+0,1% t/t), masquant la résilience par ailleurs de l’économie. En effet, l’investissement en machines et équipements hors transport a fortement rebondi (+10,1% t/t). De plus, le retour du PMI manufacturier en zone d’expansion en novembre (50,2) est de bon augure pour le T4, où un rebond de la croissance du PIB est attendu (+0,3 % t/t). Celle-ci atteindrait 1,4% en 2025 en moyenne annuelle. Elle serait plus basse en 2026 (à 1,1%), mais principalement en raison de la performance exceptionnelle du T1 2025 (+0,7% t/t) soutenue par des composantes volatiles (investissements dans l’aéronautique, principalement). Le rythme trimestriel de croissance se maintiendrait à +0,3% t/t en moyenne, soit le rythme anticipé pour le T4 2025.
CROISSANCE ET INFLATION (MOYENNE ANNUELLE)
Le Royaume-Uni bénéficiera en 2026 du regain de croissance dans les grands pays de la zone euro (Allemagne et France en tête, qui représentaient 15% des exportations au T3), notamment par l’intermédiaire de l’augmentation des budgets de défense. La dynamique d’investissement devrait se poursuivre. L’économie britannique bénéficie de l’essor des services dans le numérique et la tech dans lesquels le pays reste compétitif (les investissements en propriété intellectuelle s’élevaient à plus de 5 % du PIB en au T3 2025) et dégage de la valeur ajoutée (+6,3% a/a sur le secteur de l’information et communication), ainsi que des excédents commerciaux majeurs (GBP 207 mds au T3 2025, cumul sur un an). Néanmoins, cet élan de l’investissement sera freiné par la baisse des investissements dans des secteurs industriels en difficulté et avec des surcapacités de production (chimie, plasturgie, sidérurgie). Plus globalement, l’activité des entreprises demeure contrainte par la hausse du coût du travail et l’érosion persistante des marges (23,7% de la valeur ajoutée au T3 2025, au plus bas depuis 2007).
PMI MANUFACTURIER ET PRIX À LA PRODUCTION/CONSOMMATION
Les intentions de dépenses des ménages (consommation et investissement) sont, par ailleurs, moins bien orientées. Elles sont pénalisées par la dégradation du marché du travail et le climat d’incertitude (politique budgétaire, tensions commerciales) qui pèse sur la confiance des ménages.
Marché du travail : la détérioration devrait se poursuivre Le taux de chômage a atteint 5 % en octobre - son plus haut niveau depuis 2021. La dégradation a été notable depuis le début de l’année (+0,6 pp) et l’évolution toujours défavorables des différentes enquêtes (REC/KPMG, Deloitte CFO) n’exclut pas qu’elle se poursuive jusqu’à atteindre 5,5% en 2026, d’autant plus que la croissance devrait être inégalement répartie entre les secteurs d’activité. Le Royaume-Uni subit par ailleurs des dynamiques sectorielles spécifiques consécutives au Brexit : contrairement à la zone euro, les industries traditionnellement porteuses, comme la finance ou l’assurance, ont subi, outre-Manche, des destructions nettes d’emplois. La hausse du chômage devrait, en outre, peser sur les salaires : leur croissance dans le secteur privé hors bonus (qui s’établissait à 3,8% en septembre en glissement annuel) ralentirait progressivement pour atteindre une fourchette entre 3,0 et 3,5% en 2026. C’est un facteur de soutien à la désinflation et aux entreprises qui cherchent à reconstituer leurs marges, tandis que les gains de pouvoir d’achat des ménages resteraient positifs en 2026 (autour de 1%), la baisse de l’inflation compensant le ralentissement de la croissance salariale.
La désinflation devrait s’amplifier L’inflation reste relativement généralisée, avec près de 60% des composantes de l’indice des prix au-dessus de 4% a/a en octobre. Selon nos prévisions, l’inflation fléchirait cependant assez nettement à l’horizon de la fin 2026 (à 2,2?% au T4 contre 3,6% a/a en octobre 2025), se rapprochant donc de la cible de la BoE. L’inflation dans les services – principal moteur de la hausse des prix – devrait décélérer, plus sensiblement à partir du mois d’avril 2026 en raison d’effets de base favorables (dissipation des effets des mesures budgétaires d’avril 2025, notamment la taxe sur les véhicules électriques ; forte hausse passée dans le transport aérien).
Une décélération plus précoce et plus marquée de l’inflation n’est pas exclue (cf . graphique). Face à la faiblesse de la demande et à la concurrence internationale (le Royaume-Uni est devenu cet automne le premier marché à l’exportation des constructeurs automobiles chinois), le pouvoir de fixation des prix des entreprises s’est, en effet, érodé à en croire les entreprises interrogées dans le rapport PMI de novembre. Cela constitue un risque à la baisse sur l’inflation, que notre scénario de stabilité des prix de l’énergie sur les marchés internationaux ne devrait pas contrecarrer.
Politique monétaire : un assouplissement par paliers La BoE devrait poursuivre son assouplissement graduel de la politique monétaire. Deux nouvelles baisses sont attendues en décembre 2025, puis au T1 2026, reflétant une approche prudente dans un contexte d’inflation encore relativement élevée. La politique monétaire resterait ainsi en territoire restrictif : un taux d’intérêt à 3,5% au terme du T1 2026 se situerait au-dessus de notre intervalle d’estimation du taux neutre [2,25-3,25%]. Avec une désinflation plus marquée, deux baisses supplémentaires interviendraient au S1 2027. Certains membres du comité de politique monétaire estiment déjà que la politique monétaire est désormais trop restrictive au regard du ralentissement conjoncturel. Les risques sont donc à la baisse par rapport à notre scénario central des taux directeurs.
Comme annoncé en septembre, la BoE continuera de réduire la taille de son bilan en 2026 (à hauteur de GBP 70 mds sur la période octobre 2025-septembre 2026), mais à un rythme inférieur à celui de 2025 (GBP 100 mds entre octobre 2024 et septembre 2025), compte tenu des tensions sur la partie longue des taux obligataires souverains. Contrairement à d’autres banques centrales, la BoE ne se limite pas aux maturités arrivant à échéance mais revend activement ses titres sur le marché secondaire. Si les taux obligataires britanniques de courte maturité resteraient orientés à la baisse en raison de l’assouplissement monétaire, ceux de longue maturité demeureraient contraints en début d’année (4,5% au T1 pour les taux à 10 ans) par l’incertitude politique liée aux élections locales de mai, avant une détente plus marquée au second semestre (4,3% au T4 2026)
Finances publiques : le budget passe, les incertitudes restent La politique budgétaire restera modérément restrictive en 2026. Mais ce sera insuffisant, à ce stade, pour stabiliser le ratio d’endettement, qui attendrait 103,3% du PIB (contre 101,3% en 2024). Néanmoins, la trajectoire d’endettement reste maîtrisée et la poursuite des efforts de consolidation budgétaire limiterait la hausse de ce ratio dans les années à venir.
Avec le budget d’automne, le gouvernement n’est toutefois pas parvenu à écarter l’hypothèse de recourir, dans un horizon rapproché, à de nouvelles mesures de consolidation afin de respecter ses propres règles budgétaires. En effet, la marge budgétaire (fiscal headroom ), dont dispose le gouvernement pour ramener le solde budgétaire courant à l’équilibre à l’horizon 2029-2030, a augmenté (de GBP 9,9 mds à GBP 21,7 mds) mais elle reste limitée au regard des hypothèses fortes de l’OBR sur i/ le scénario de croissance (+1,5% en 2026 et +1,4% en 2027 contre, respectivement, +1,1% et +1,3% dans notre scénario ) et ii/ l’évolution attendue de certains indicateurs (baisse du taux d’épargne, baisse du taux de chômage, rebond de la construction résidentielle en 2027).
La hausse des taxes annoncée (GBP 28 mds d’ici 2029-2030) se matérialisera principalement à la fin de la décennie, tandis que les dépenses augmenteront dès 2026. Si le point d’arrivée se veut rassurant, avec une consolidation marquée d’ici 2030 (l’OBR s’attend à un déficit à 2,4% du PIB à cette date contre 5,0% en 2025 et 4,1% en 2026), cette asymétrie comporte le risque de retarder et de rendre plus difficile encore la consolidation, avec la remontée à venir du taux d’intérêt apparent (qui dépasserait la croissance nominale à partir de 2029, selon nos estimations). Le scénario de l’OBR prévoit que le déficit public retombe à 3,6% du PIB en 2027. Compte tenu de notre scénario de croissance plus bas, les risques portent vers un déficit plus dégradé à court terme.
Le commerce extérieur profitera de l’essor de l’IA et de la tech Le déficit commercial continue de se dégrader tendanciellement (GBP 235,4 mds au T3 en cumul sur douze mois, un record). Les exportations vers les États-Unis, en particulier automobiles, ont souffert de l’augmentation des droits de douane. Toutefois, les négociations bilatérales progressent et certains secteurs bénéficieront de conditions plus favorables en 2026, notamment la pharmacie (l’exemption de tarifs américains sur les importations de produits pharmaceutiques britanniques a été pérennisée) qui représente 10% des exportations du Royaume-Uni. Les accords commerciaux avec l’Inde et l’Europe (réarmement, dont le programme SAFE, sur lequel les discussions n’avancent pas) ne suffisent pas, en l’état, à compenser les répercussions du Brexit.
Néanmoins, l’excédent dans les services continue de progresser (GBP 206,9 mds au T3) et de compenser une grande partie du déficit enregistré sur les biens. Ainsi, le déficit du compte courant (2,6% du PIB au T2 2025) est maîtrisé et le restera en 2026. Les exportations de services, point fort du Royaume-Uni, continueront de jouer un rôle d’amortisseur important, et ce de plus en plus grâce à l’essor des investissements dans le domaine du numérique et de la tech des deux côtés de l’Atlantique. Les exportations dans ce domaine (services d’information et de communication, royalties , services de management/consulting) ont accéléré en 2025 (+11,4 a/a, cumul sur les neuf premiers mois de 2025 par rapport à la période 2024), et la stratégie nationale ambitieuse en matière fabrication de composants et de calcul quantique devrait soutenir une hausse des exportations.
Achevé de rédiger le 3 décembre 2025