Nos perspectives de croissance ont été revues à la baisse en raison du choc tarifaire initié par les États-Unis, et de la spécialisation industrielle du pays. La Slovaquie est le pays d’Europe centrale le plus exposé aux mesures douanières de l’administration Trump. En effet, le poids économique du commerce extérieur et du secteur automobile y est important. L’économie slovaque devrait éviter la récession grâce à l’investissement public et à la consommation. La remontée de l’inflation en début d’année, consécutive à la hausse du taux de TVA, est temporaire et limitée et ne devrait pas peser lourdement sur la consommation. À moyen terme, le plan de relance allemand et les flux d’IDE seront des facteurs de soutien pour l’économie.
Résilience de la croissance Au T1 2025, la croissance du PIB a progressé de seulement 0,2% t/t et la hausse sur un an n’a été que de 1% a/a, mais elle résiste. Pour le reste de l’année, nous anticipons une stagnation ou, au mieux, une progression faible en raison des effets négatifs des mesures douanières américaines et de la politique budgétaire restrictive ( EUR 2,7 mds d’économies, soit 2% du PIB, sont prévus dans le budget pour 2025). L’économie devrait cependant éviter la récession.
La Slovaquie est le plus exposé des pays d’Europe centrale à un choc sur les exportations, qui représentent 81,6% du PIB. Les incertitudes générées par le va-et-vient des annonces tarifaires devraient aussi affecter les décisions d’investissement privé à court terme.
Prévisions économiques de la Slovaquie
Nos prévisions de croissance ont été révisées à la baisse par rapport à janvier (-0,3 point respectivement en 2025 et 2026) mais elles restent supérieures à la moyenne de la zone euro. Les fonds européens continueront de soutenir l’investissement public. De même, la consommation restera un moteur important de la croissance, grâce à la bonne tenue des salaires et au reflux de l’inflation, même si les ménages adopteront probablement un comportement prudent face à un environnement international incertain.
En 2026, la croissance resterait bien orientée grâce au recul de l’inflation et à l’amélioration des perspectives de croissance en Allemagne, le principal partenaire commercial de la Slovaquie. Cependant, les effets positifs attendus du plan d’investissement allemand ne seront pas forcément visibles avant 2027. En attendant, la croissance resterait probablement en dessous de 3,1% (sa moyenne de 2010 et 2019), voire de son potentiel, estimé à 2,1% par le FMI.
Retour lent vers la cible d’inflation Le relèvement du taux de TVA de 20% à 23 % depuis le 1er janvier 2025 a exercé des pressions haussières sur les prix à la consommation, surtout au premier trimestre. L’inflation s’est accélérée à 4,2% au T1 2025 après 3,5% au T4 2024. Le net ralentissement de la croissance et l’effet récessif des mesures tarifaires, attendu plus tard dans l’année, contribueront à retrouver le rythme d’inflation de la fin 2024. De même, une appréciation de l’euro vis-à-vis du dollar à court terme contribuerait à contenir l’inflation importée. La décélération se fera cependant graduellement. En effet, les pressions salariales demeurent élevées même si la progression des salaires s’est quelque peu atténuée comparé à l’an dernier (+5% a/a en moyenne entre novembre et janvier 2025 ; +6,6% en 2024). Le retour vers la cible d’inflation de 2% est attendu pour 2027.
La BCE devrait poursuivre l’assouplissement monétaire à court terme compte tenu des perspectives d’inflation au sein de la zone euro (2,1% en 2025 et 1,9% en 2026 après 2,4% en 2024). Selon nos prévisions, le taux de la facilité de dépôt pourrait atteindre 1,75% fin 2025 (il est actuellement de 2,25%).
Importance du secteur automobile et taux effectif moyen élevé La Slovaquie est perçue, à juste titre, comme étant le pays d’Europe centrale le plus exposé aux droits de douane américains. Le secteur automobile, qui joue un rôle clé dans l’économie (16,6% de l’emploi et 23,4% de la valeur ajoutée du secteur manufacturier en 2022), est frappé d’un taux de 25%. Les exportations sont aussi concentrées, sans surprise, dans ce secteur. En 2024, les voitures et les pièces détachées ont représenté 33,7% des exportations et 26,6% du PIB. Les exportations de voitures sont, par ailleurs, principalement destinées au marché européen avec une part de 53,9%, suivi des États-Unis (10,6%), du Royaume Uni (9,5%) et de la Chine (6,9%). Fait marquant, le secteur automobile représente la quasi-totalité des exportations slovaques vers les États-Unis (77,4% en 2024).
Principaux partenaires commerciaux de la Slovaquie
Les produits d’acier et d’aluminium, marginaux dans les exportations slovaques, ont été soumis à un taux de droit de douane prohibitif de 50%. L’ensemble des pays de l’UE se sont vus imposés une taxe douanière supplémentaire de 10% sur les biens européens exportés vers les États-Unis. La Slovaquie voit ainsi le taux effectif des tarifs douaniers grimper de 2,4% avant « le jour de la libération » à 24,5% à l’heure actuelle, principalement en raison de la concentration de ses exportations dans le secteur automobile. C’est le taux le plus élevé en Europe centrale. Un échec des négociations sur les tarifs réciproques, qui les ferait grimper à 20%, pousserait le taux effectif à 26,7%. Les secteurs pharmaceutique et électronique pourraient aussi être concernés par des hausses tarifaires mais ces deux secteurs représentent une part infime dans les exportations slovaques vers les États-Unis.
Effets des tarifs douaniers américains sur les flux commerciaux Nous avons estimé l’impact direct des mesures douanières sur les exportations vers les États-Unis en tenant compte des tarifs différenciés. Toutes choses égales par ailleurs, les exportations pourraient baisser de 0,9%, soit un impact sur le PIB de -0,7 point de pourcentage. À cela s’ajoute aussi l’effet indirect d’une baisse de la demande allemande. Les produits exportés vers l’Allemagne concernent essentiellement les voitures et leurs pièces détachées (52,7% des exportations) et les biens d’équipements (37,6%). Nous anticipons une baisse de 5-10%[1] des exportations slovaques vers l’Allemagne, soit l’équivalent de -0,9% du PIB, à -1,8% du PIB. Au total, l’impact direct et indirect pourrait représenter entre -1,6% et -2,5% du PIB si les exportateurs n’arrivent pas à compenser la baisse des exportations vers les États-Unis et l’Allemagne.
Europe centrale : exportations de voitures et de pièces détachées
La réorientation des exportations vers d’autres marchés va s’avérer complexe étant donné la spécialisation sectorielle de la Slovaquie. Le secteur automobile est, et sera, plus fortement touché que la plupart des autres branches d’activité. La conjoncture mondiale est particulièrement morose dans ce secteur. Les exportations slovaques de voitures ont reculé de 3,8% en 2024 après le vif rebond en 2022 et 2023. De plus, le marché chinois, important pour les constructeurs présents en Slovaquie, notamment allemands, est très concurrentiel avec une présence forte de constructeurs locaux. La capacité à gagner des parts de marché est donc limitée. Enfin, le marché domestique est en berne également. Les immatriculations ont baissé de 7,9 % sur les quatre premiers mois de l’année par rapport à la même période de 2024 et l’enquête sur les intentions d’achats de biens automobile au cours des 12 prochains mois reste dégradée.
Au total, la production de voitures a diminué de 8,1% l’an dernier, en partie du fait de la réorganisation des chaines de production pour la production de nouveaux modèles. Elle pourrait encore reculer cette année.
Quels relais ? À moyen terme, le plan d’investissement allemand d’un montant de EUR 500 mds sur 12 ans, ainsi que le plan de réarmement, profiteraient indirectement à l’ensemble des pays d’Europe centrale en stimulant certains secteurs (construction, machines, équipements électriques). Par ailleurs, la Slovaquie a soumis une demande auprès de l’Union européenne pour activer la clause de défense, ce qui lui permettra d’exclure des comptes publics la hausse des investissements liés à la défense au cours des quatre prochaines années (si la requête est approuvée). Mais l’ampleur sera probablement faible car le pays n’a pas prévu d’augmenter les dépenses militaires dans l’immédiat (EUR 2,8 mds ; 2% du PIB prévu en 2025).
Les fonds européens constituent un soutien important à l’économie. Entre 2004 et 2024, la Slovaquie a reçu, en paiements net, environ EUR 29 mds. Par ailleurs, le pays reste un bénéficiaire net du budget européen dans plusieurs domaines. Il offre à la Slovaquie une opportunité d’améliorer davantage sa productivité du travail et de monter en gamme dans la chaîne de valeur. La priorité du pays sera l’amélioration de sa capacité d’absorption de ces fonds, qui reste faible comparativement aux autres pays européens.
Les investissements directs étrangers nets ont reflué en moyenne sur les trois dernières années par rapport à la période pré-Covid (2022-2024 : 1,1% du PIB ; 2017-2019 : 2,1%). Toutefois, la Slovaquie reste une destination attractive pour des investissements étrangers, avec une main d’œuvre qualifiée et compétitive en termes de salaires. Par le biais des investissements chinois dans le secteur automobile, la Slovaquie se dotera d’ici 2027, de capacités de production de véhicules électriques. Le pays a également conclu un partenariat avec l’entreprise chinoise Gotion pour la construction d’une usine de batteries électriques. Le secteur automobile reste très concentré sur le moteur thermique et la transition vers le segment électrique reste marginale (0,3% du parc automobile, UE : 1,8% en 2023 selon l’ACEA).