La croissance économique belge demeure légèrement inférieure mais proche de son rythme tendanciel. Notre nowcast pour le quatrième trimestre 2024 estime la croissance à 0,3% t/t. Tandis qu’une baisse de la demande de certains produits et un environnement extérieur difficile se conjuguent pour peser sur la balance commerciale, la demande intérieure devra continuer de compenser la contribution négative du commerce extérieur. L’année dernière, les dépenses d’investissement des entreprises ont été le moteur de la croissance, mais à présent, la consommation privée reprend peu à peu le rôle principal. Un besoin urgent de consolidation budgétaire devrait freiner toute nouvelle hausse des dépenses publiques.
La demande intérieure à la rescousse
La croissance du PIB belge reste stable, bien que légèrement inférieure à son rythme tendanciel. Alors que l’année dernière, la croissance économique a surtout été portée par les dépenses d’investissement des entreprises, les dépenses publiques ont pris le relais, sans surprise en cette année électorale.
Contrairement à la période Covid 2020-2022, quand la production de vaccins soutenait les exportations, le commerce international pèse sur le PIB depuis 2023. Cette situation devrait se poursuivre, car des facteurs externes se combinent pour entraver la reprise des exportations (voir notre Focus : Guerre commerciale : un certain impact (indirect)).
La demande intérieure devra venir à la rescousse : la consommation privée devrait redevenir le moteur de cette économie. Sous réserve d’une stabilisation des taux d’intérêt à un niveau plus bas, il est probable que l’investissement privé (des entreprises comme des ménages) contribuera également, tandis que le resserrement budgétaire limitera les dépenses publiques.
Selon une étude récente, les ménages belges sont en bonne santé financière par rapport à ceux de la plupart des autres pays de la zone euro. Il n’y a qu’au Luxembourg que le patrimoine net par ménage est nettement plus élevé. L’immobilier en représente près de 50% : malgré la hausse des taux d’intérêt, les prix ont progressivement augmenté ces dernières années. À présent, la baisse des loyers pourrait stimuler les transactions immobilières, toujours en berne par rapport à 2022.
Dans l’ensemble, la confiance des entreprises est en hausse, surtout dans les secteurs de la construction et des services. Après une phase de pessimisme qui aura duré la plupart de l’année, les industriels semblent tourner la page. Mais il reste à voir si ce nouvel optimisme résistera aux écueils du contexte global.
Avec le spectre d’une guerre commerciale qui se profile et la procédure laborieuse de formation d’un nouveau gouvernement, les risques sur l’activité sont clairement baissiers.
Refroidissement (progressif) du marché du travail
Après avoir fait preuve d’une résilience remarquable pendant les confinements, avec une croissance particulièrement forte de l’emploi indépendant, le marché du travail belge a quelque peu refroidi. L’indice Federgon de l’activité dans le secteur de l’intérim est en baisse depuis la période pré-pandémie, un signe clair de fin de cycle. Les enquêtes indiquent que la crainte du chômage a atteint son pic en deux ans, tandis que le pourcentage d’emplois vacants reste stable. En 2023, plus de la moitié des nouveaux emplois ont été créés par le gouvernement, directement ou indirectement (services non marchands). À partir de 2025, nous prévoyons une poursuite de la remontée du taux d’emploi à hauteur de 0,3-0,4 pp par an.
Inflation : toujours pénalisée par les points bas de 2023, mais en voie de normalisation
Depuis le début de l’année, l’économie belge partage avec la Roumanie l’honneur peu enviable d’avoir le taux d’inflation le plus élevé de l’UE. Plutôt que de continuer de retomber d’un pic (tardif) à deux chiffres, l’inflation belge (mesurée par l’IPCH) a rebondi après un bref passage en territoire négatif au T4 2023. La cause principale ? L’inflation des prix de l’énergie. Le traitement technique de certaines mesures de soutien des pouvoirs publics a exercé une double pression sur l’inflation belge, en faisant baisser les niveaux calculés des prix de l’énergie au moment où les cours étaient nettement inférieurs à leurs pics de 2022. De ce fait, les niveaux de prix actuels, qui progressent à un rythme mensuel plus ou moins conforme à leur taux historique, semblent élevés par rapport aux planchers d’il y a 12 mois. Cet effet de base temporaire devrait se dissiper en fin d’année, après quoi nous nous attendons à un taux d’inflation légèrement au-dessus de 2%.
Des négociations qui durent, une dette publique qui continue d’augmenter
À l’heure d’écrire ces lignes, 6 mois après les élections de juin, il n’y a toujours pas de nouveau gouvernement fédéral. Les parties prenant part à la négociation – deux partis de centre droit flamands et deux wallons, ainsi que le parti socialiste flamand – poursuivent leurs discussions après les élections locales de novembre. Un accord final semble à portée de main, mais il reste à voir dans quelle mesure il intégrera l’agenda de consolidation budgétaire de Bart De Wever, président de longue date de la NVA et aspirant au poste de Premier ministre. La BNB a récemment confirmé que, si les politiques actuelles sont maintenues, le déficit budgétaire de -4,5% du PIB se creuserait à -7,2%, tandis que le ratio dette/PIB de 105,7% aujourd'hui augmenterait à 130% d’ici 2038. Quel que soit le scénario, une hausse du ratio d’endettement de 1,5 pp par an semble difficilement évitable.
FOCUS | Guerre commerciale : un certain impact (indirect)
Les remarques régulières du président élu Trump à propos de la mise en œuvre imminente de hausses des droits de douane inquiètent les entreprises belges. Dans le dernier Business Echo de la BNB[i], plus de la moitié des entreprises interrogées se disent pessimistes pour 2025. Cette année déjà, le ralentissement majeur de l’économie allemande, un partenaire commercial clé des exportateurs belges, a pesé sur l’activité. Selon nos estimations, un ralentissement de 1% en Allemagne pourrait ôter jusqu’à 0,4 pp à la croissance belge.
La part des États-Unis dans le total des exportations belges est d’environ 6%, ce qui les place dans le top 5 des débouchés, quoique loin derrière les pays voisins : la France, l’Allemagne et les Pays-Bas. Ensemble, ces trois marchés absorbent la moitié des exportations belges. Vers les États-Unis, les entreprises belges exportent des machines, des appareils et des pièces mécaniques, des métaux et des minéraux (diamants compris), des véhicules et des plastiques. Ces quatre catégories représentent environ un tiers du total des exportations de la Belgique vers les États-Unis. Mais les produits pharmaceutiques dominent le classement : en 2022, ce groupe représentait 51% des exportations aux États-Unis, contre 43% avant la Covid.
Le commerce belge a considérablement ralenti après la pandémie, à la fois en raison de la baisse de la demande de vaccins et de diamants et d’une compétitivité-coûts réduite, au moins en partie due à l’indexation automatique des salaires. Depuis début 2023, les taux de croissance des exportations de diamants sont négatifs ou stables. De ce fait, la part de diamants dans les exportations est passée de 4% à 2%. Un facteur clé de ce déclin est l’émergence des diamants synthétiques, en particulier aux États-Unis, où la demande est la plus forte. Cependant, le handicap lié au coût de la main-d’œuvre s’estompe à mesure que les salaires progressent aussi plus vite dans d’autres pays (voisins). Avant les élections américaines, il était prévu que la contribution négative du commerce extérieur à la croissance devienne légèrement positive à l’horizon des 5 prochaines années. Mais compte tenu du résultat et des changements attendus dans le contexte international, il est plus probable que cette contribution demeure négative.
Achevé de rédiger le 2 décembre 2024