Eco Perspectives

Belgique | Pas d’éclaircie en vue pour le secteur manufacturier belge

08/10/2024
PDF

Nos prévisions pour le troisième trimestre qui est en cours affichent une croissance belge légèrement inférieure à son rythme tendanciel. La consommation des ménages n’a pas beaucoup accéléré, tandis que les dépenses publiques ont augmenté, ce qui est typique une année d’élection. La formation brute de capital fixe, dominée par les investissements des entreprises, reste positive, mais la tendance sous-jacente est inquiétante. Les industriels belges semblent particulièrement loin d’un retour à la normale, tandis que le spectre d’un resserrement budgétaire se profile.

CROISSANCE ET INFLATION

La croissance du PIB réel a atteint 0,2% en variation trimestrielle au T2, légèrement en dessous du 0,3% attendu, avec, notamment, une tendance sous-jacente des investissements inférieure à son potentiel. La croissance de la consommation privée reste un peu basse, alors que celle des administrations publiques progresse, comme cela est généralement le cas les années d’élection. Nous nous attendons à une croissance stable, proche de son rythme tendanciel tout au long du second semestre, car la baisse des taux d’intérêt pourrait aider à relancer les investissements des ménages dans l’immobilier. La contribution positive du commerce extérieur pourrait représenter un petit bonus, les exportations reprenant plus vite que les importations.

La surperformance belge

L’économie belge a bien résisté depuis le début de l’année 2022. Elle a surperformé la zone euro dans son ensemble de près de 1% en termes de croissance trimestrielle cumulée du PIB. La croissance de la zone euro a été considérablement freinée par la forte sous-performance économique de son plus grand membre : l’Allemagne. Avec une croissance trimestrielle moyenne nulle depuis début 2022, la stagnation allemande a bien entendu aussi un impact sur ses pays voisins, y compris la Belgique, qui est un partenaire commercial clé. L’Allemagne représente 14% des importations de la Belgique (seuls les Pays-Bas représentent plus) et près de 20% de ses exportations. Des simulations internes récentes suggèrent que l’ampleur du ralentissement allemand ampute la croissance belge de 0,3 à 0,4 pp. En l’absence du moteur de croissance que constitue l’Allemagne, la confiance globale des entreprises reste largement inférieure à sa moyenne historique. Concernant le secteur manufacturier, le rebond de la confiance du début de l’été a laissé la place à des inquiétudes liées à l’emploi et à la demande.

Au premier semestre, le chiffre d’affaires du secteur manufacturier accuse une baisse de 5%. Il y a toutefois une importante hétérogénéité sectorielle, les fabricants de machines, de voitures, de produits chimiques et de métaux ayant été particulièrement touchés. En revanche, les laboratoires pharmaceutiques ont vu leur chiffre d’affaires augmenter de 8%, soit la plus forte hausse parmi les producteurs. Ce secteur a récemment été cité comme étant un contributeur clé dans le rapport « The future of European competitiveness ». Le secteur pharmaceutique représente 5% de la valeur ajoutée de l’UE et plus de 10% de ses exportations. Les principaux sièges situés en Belgique sont considérés comme un facteur clé des dépenses élevées de R&D dans le pays, car il s’agit de l’un des cinq seuls États membres à dépasser l’objectif de dépenses de l’UE de 3% du PIB.

Les problèmes du secteur manufacturier

L’ensemble du secteur manufacturier a très peu contribué à la croissance du PIB depuis début 2020. En fait, il n’a soutenu l’expansion économique trimestrielle que sur 4 des 18 derniers trimestres. Parallèlement, les faillites dans le secteur sont en hausse. Sur les 12 derniers mois, les entreprises à avoir mis la clé sous la porte ont été 10% plus nombreuses qu’avant la pandémie de Covid, ce qui est bien au-dessus de la moyenne de l’ensemble de l’économie.

Qu’est-ce qui pourrait aider à changer la donne pour ces industriels qui font montre de peu d’optimisme ? La baisse des taux d’intérêt est de nature à soutenir l’investissement, mais le nombre d’entreprises citant des facteurs financiers comme une contrainte sur la production a à peine bougé, alors que le « manque de demande » est à nouveau la principale préoccupation. En fait, jusqu’à la fin de l’année dernière, les investissements des entreprises étaient en voie d’accélération. Quelques transactions ponctuelles, dont celle d’un grand constructeur naval, ont brouillé les signaux depuis le début de l’année. Des informations anecdotiques recueillies par la Banque nationale de Belgique laissent toutefois penser que les réductions de coûts, induites par des marges plus serrées, sont aujourd’hui à l’ordre du jour. Avec un taux d’utilisation moyen des capacités de production de 74%, bien en dessous de la moyenne de long terme de 80%, les investissements de capacité devraient rester faibles un peu plus longtemps. La part du secteur manufacturier dans l’investissement total a chuté à son plus bas niveau en 5 ans.

Si l’assouplissement monétaire n’améliore pas le climat des affaires, la politique budgétaire pourrait-elle s’en charger ? Cela semble très improbable dans le contexte actuel, la Belgique faisant l’objet d’une procédure pour déficit excessif. Un assainissement budgétaire est indispensable, mais une première tentative de former un gouvernement à la suite des élections de juin a échoué et il est peu probable que toutes les parties concernées parviennent à un accord avant la fin de l’année. D’après les notes préliminaires reprises dans la presse, des mesures telles que l’augmentation des taxes sur l’énergie n’inspireront probablement pas beaucoup d’optimisme. Pour l’instant, les perspectives des industriels restent donc plutôt sombres.

Achevé de rédiger le 25 septembre 2024

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE

Découvrir les autres articles de la publication

Global
Éditorial | Il est temps d’ajuster la politique budgétaire

Éditorial | Il est temps d’ajuster la politique budgétaire

En miroir de la déclaration, et du passage à l'acte, de Jerome Powell selon lesquels il est temps d'ajuster (c'est-à-dire d'assouplir) la politique monétaire, il est également temps d'ajuster la politique budgétaire en Europe et aux États-Unis, dans le sens d’un durcissement dans les deux cas. Le moment est favorable, sur fond de détente monétaire, de baisse de l’inflation et de croissance économique positive. Plus encore que le desserrement monétaire, cette consolidation budgétaire devra être progressive pour ne pas trop peser sur la croissance. Et à l’image des banques centrales qui se sont montrées déterminées dans leur réponse au choc inflationniste, les gouvernements devront faire preuve de détermination et de persévérance dans les efforts à venir de consolidation budgétaire, tant ceux-ci sont nécessaires et importants. [...]

LIRE L'ARTICLE
États-Unis
États-Unis | L’héritage de Powell

États-Unis | L’héritage de Powell

La Réserve fédérale (Fed), a décidé, le 18 septembre, de réduire sa cible de taux à +4.75% - +5.0% (-50 pb), initiant une détente des taux destinée à se poursuivre lors des prochaines réunions du FOMC [...]

LIRE L'ARTICLE
Chine
Chine | Nouvelle impulsion

Chine | Nouvelle impulsion

En Chine, les données d’activité des dernières semaines ont été assez mauvaises pour avoir sur les autorités l’effet d’un électrochoc [...]

LIRE L'ARTICLE
Japon
Japon | Le calme après la tempête

Japon | Le calme après la tempête

La Banque du Japon poursuit son entreprise de resserrement monétaire de façon incrémentale et précautionneuse, avec une seule hausse de taux directeur au troisième trimestre, qui doit précéder un nouveau mouvement attendu en décembre, alors que la décision de juillet n’a pas été sans contribuer à une forte volatilité sur les marchés financiers. Dans le même temps, l’économie récupère d’un début d’année mouvementé et l’inflation se maintient au-dessus de la cible de 2%. Enfin, le pays a changé de Premier ministre et de nouvelles élections législatives anticipées sont désormais prévues pour le 27 octobre. [...]

LIRE L'ARTICLE
Zone euro
Zone euro | Résistante, mais jusqu’à quel point ?

Zone euro | Résistante, mais jusqu’à quel point ?

La croissance en zone euro devrait se stabiliser à 0,3% t/t au cours du second semestre 2024, avant une légère accélération en 2025 soutenue par le cycle de baisse des taux d’intérêt [...]

LIRE L'ARTICLE
Allemagne
Allemagne | Au cœur d’une nouvelle récession industrielle

Allemagne | Au cœur d’une nouvelle récession industrielle

Alors qu’en début d’année, des signes de rebond de la croissance allemande étaient apparus, la récession industrielle a finalement repris, avec un impact négatif sur le marché du travail désormais perceptible, puisque le taux de chômage remonte [...]

LIRE L'ARTICLE
France
France | Les services soutiennent la croissance

France | Les services soutiennent la croissance

L’inflation et la hausse des taux d’intérêt ont entraîné un atterrissage de l’ensemble de la demande intérieure privée (ménages et entreprises), sans empêcher la croissance française de se maintenir sur un rythme modéré (1,1% en 2023, 1,2% en 2024 selon nos estimations), à la faveur d’une baisse des importations et donc d’une contribution positive du commerce extérieur. La croissance a également été soutenue par la production de services (l’investissement des entreprises en information et communication devrait même passer sous peu devant la pierre). Ce support devrait continuer de soutenir une croissance au global stable en 2025, à 1,2%. [...]

LIRE L'ARTICLE
Italie
Italie | Une croissance stable mais modérée

Italie | Une croissance stable mais modérée

La reprise de l’économie italienne se poursuit, mais à un rythme modéré. Au T2 2024, soutenu par la demande intérieure, le PIB réel a progressé de 0,2 % t/t, tandis que la contribution du commerce extérieur a été négative [...]

LIRE L'ARTICLE
Espagne
Espagne | Des perspectives toujours optimistes

Espagne | Des perspectives toujours optimistes

Pour la quatrième année consécutive, l’Espagne restera le principal moteur de croissance en zone euro [...]

LIRE L'ARTICLE
Pays-Bas
Pays-Bas | Rebond de l’économie néerlandaise au deuxième trimestre

Pays-Bas | Rebond de l’économie néerlandaise au deuxième trimestre

L’économie néerlandaise a évité de retomber en récession au deuxième trimestre, grâce à un recul moins important des exportations et à des dépenses publiques solides, comme l’avait promis le nouveau gouvernement [...]

LIRE L'ARTICLE
Royaume-Uni
Royaume-Uni | Trouver un juste équilibre entre croissance et consolidation budgétaire

Royaume-Uni | Trouver un juste équilibre entre croissance et consolidation budgétaire

La présentation du budget le 30 octobre constituera le premier véritable test pour Rachel Reeves [...]

LIRE L'ARTICLE
Suisse
Suisse | De plus en plus proche du taux neutre

Suisse | De plus en plus proche du taux neutre

Au deuxième semestre 2024, la croissance helvétique devrait légèrement se modérer (0,3% t/t au T3 et 0,2% t/t au T4 d’après nos prévisions) [...]

LIRE L'ARTICLE
Australie
Australie | Une activité toujours contrainte

Australie | Une activité toujours contrainte

La croissance australienne subit une indiscutable baisse de régime, à mettre en relation avec le prolongement pour les ménages des contraintes liées à la hausse des prix et des taux d’intérêt, ainsi qu’avec le ralentissement de la demande en provenance de ses partenaires commerciaux asiatiques. La rigidité de l’inflation constitue pour l’heure un obstacle à l’initiation d’une détente des taux. Par ailleurs, l’afflux migratoire supporte un marché du travail toujours dynamique. [...]

LIRE L'ARTICLE