Nos prévisions pour le troisième trimestre qui est en cours affichent une croissance belge légèrement inférieure à son rythme tendanciel. La consommation des ménages n’a pas beaucoup accéléré, tandis que les dépenses publiques ont augmenté, ce qui est typique une année d’élection. La formation brute de capital fixe, dominée par les investissements des entreprises, reste positive, mais la tendance sous-jacente est inquiétante. Les industriels belges semblent particulièrement loin d’un retour à la normale, tandis que le spectre d’un resserrement budgétaire se profile.
La croissance du PIB réel a atteint 0,2% en variation trimestrielle au T2, légèrement en dessous du 0,3% attendu, avec, notamment, une tendance sous-jacente des investissements inférieure à son potentiel. La croissance de la consommation privée reste un peu basse, alors que celle des administrations publiques progresse, comme cela est généralement le cas les années d’élection. Nous nous attendons à une croissance stable, proche de son rythme tendanciel tout au long du second semestre, car la baisse des taux d’intérêt pourrait aider à relancer les investissements des ménages dans l’immobilier. La contribution positive du commerce extérieur pourrait représenter un petit bonus, les exportations reprenant plus vite que les importations.
La surperformance belge
L’économie belge a bien résisté depuis le début de l’année 2022. Elle a surperformé la zone euro dans son ensemble de près de 1% en termes de croissance trimestrielle cumulée du PIB. La croissance de la zone euro a été considérablement freinée par la forte sous-performance économique de son plus grand membre : l’Allemagne. Avec une croissance trimestrielle moyenne nulle depuis début 2022, la stagnation allemande a bien entendu aussi un impact sur ses pays voisins, y compris la Belgique, qui est un partenaire commercial clé. L’Allemagne représente 14% des importations de la Belgique (seuls les Pays-Bas représentent plus) et près de 20% de ses exportations. Des simulations internes récentes suggèrent que l’ampleur du ralentissement allemand ampute la croissance belge de 0,3 à 0,4 pp. En l’absence du moteur de croissance que constitue l’Allemagne, la confiance globale des entreprises reste largement inférieure à sa moyenne historique. Concernant le secteur manufacturier, le rebond de la confiance du début de l’été a laissé la place à des inquiétudes liées à l’emploi et à la demande.
Au premier semestre, le chiffre d’affaires du secteur manufacturier accuse une baisse de 5%. Il y a toutefois une importante hétérogénéité sectorielle, les fabricants de machines, de voitures, de produits chimiques et de métaux ayant été particulièrement touchés. En revanche, les laboratoires pharmaceutiques ont vu leur chiffre d’affaires augmenter de 8%, soit la plus forte hausse parmi les producteurs. Ce secteur a récemment été cité comme étant un contributeur clé dans le rapport « The future of European competitiveness ». Le secteur pharmaceutique représente 5% de la valeur ajoutée de l’UE et plus de 10% de ses exportations. Les principaux sièges situés en Belgique sont considérés comme un facteur clé des dépenses élevées de R&D dans le pays, car il s’agit de l’un des cinq seuls États membres à dépasser l’objectif de dépenses de l’UE de 3% du PIB.
Les problèmes du secteur manufacturier
L’ensemble du secteur manufacturier a très peu contribué à la croissance du PIB depuis début 2020. En fait, il n’a soutenu l’expansion économique trimestrielle que sur 4 des 18 derniers trimestres. Parallèlement, les faillites dans le secteur sont en hausse. Sur les 12 derniers mois, les entreprises à avoir mis la clé sous la porte ont été 10% plus nombreuses qu’avant la pandémie de Covid, ce qui est bien au-dessus de la moyenne de l’ensemble de l’économie.
Qu’est-ce qui pourrait aider à changer la donne pour ces industriels qui font montre de peu d’optimisme ? La baisse des taux d’intérêt est de nature à soutenir l’investissement, mais le nombre d’entreprises citant des facteurs financiers comme une contrainte sur la production a à peine bougé, alors que le « manque de demande » est à nouveau la principale préoccupation. En fait, jusqu’à la fin de l’année dernière, les investissements des entreprises étaient en voie d’accélération. Quelques transactions ponctuelles, dont celle d’un grand constructeur naval, ont brouillé les signaux depuis le début de l’année. Des informations anecdotiques recueillies par la Banque nationale de Belgique laissent toutefois penser que les réductions de coûts, induites par des marges plus serrées, sont aujourd’hui à l’ordre du jour. Avec un taux d’utilisation moyen des capacités de production de 74%, bien en dessous de la moyenne de long terme de 80%, les investissements de capacité devraient rester faibles un peu plus longtemps. La part du secteur manufacturier dans l’investissement total a chuté à son plus bas niveau en 5 ans.
Si l’assouplissement monétaire n’améliore pas le climat des affaires, la politique budgétaire pourrait-elle s’en charger ? Cela semble très improbable dans le contexte actuel, la Belgique faisant l’objet d’une procédure pour déficit excessif. Un assainissement budgétaire est indispensable, mais une première tentative de former un gouvernement à la suite des élections de juin a échoué et il est peu probable que toutes les parties concernées parviennent à un accord avant la fin de l’année. D’après les notes préliminaires reprises dans la presse, des mesures telles que l’augmentation des taxes sur l’énergie n’inspireront probablement pas beaucoup d’optimisme. Pour l’instant, les perspectives des industriels restent donc plutôt sombres.
Achevé de rédiger le 25 septembre 2024