Le Danemark a connu en 2023 une croissance économique dynamique et supérieure aux attentes, en forme de trompe-l’œil au regard de la prépondérance du secteur pharmaceutique. Celui-ci s’est mué en atout principal du royaume, jusqu’à nourrir des craintes liées à une dépendance croissante. Par ailleurs, l’inflation a reculé significativement depuis le pic de l’année 2023, tandis que la banque centrale danoise devrait continuer à assouplir sa politique en ligne avec la BCE.
La croissance de l’économie danoise a subi un coup d’arrêt brutal au premier trimestre 2024. La contraction du PIB, à hauteur de -1,8% t/t, constitue un résultat négatif sans précédent depuis 2009, exception faite du choc lié à la pandémie de Covid-19.
Le début de l’année a pourtant fait apparaître un dynamisme notable de l’investissement, visible aussi bien sur la composante résidentielle – laquelle enregistre une seconde avancée (+2,5% t/t) – que sur la partie productive. Cette dernière marque un rebond important (+12,7% t/t) bien qu’incomplet sur les machines et équipements après la chute de la fin d’année 2023.
Toutefois, ces bons chiffres ont été plus que contrebalancés par les contributions négatives de la consommation des ménages (-0,9 pp) et, surtout, du commerce extérieur (-3,8 pp). Ceci intervient alors que le dynamisme des exportations s’est érigé en moteur principal de la croissance danoise en 2023, permettant au pays d’afficher la meilleure performance annuelle (+1,8%) de ses homologues scandinaves. Cela devrait demeurer le cas en 2024 selon les prévisions de la Commission européenne, même si la faiblesse du T1 pointe vers un résultat final moins élevé qu’initialement escompté (+2,6%).
Une économie pharmaco-dépendante
Il est néanmoins primordial de souligner que les résultats positifs de l’année 2023 relèvent essentiellement de la performance remarquable de Novo Nordisk, fleuron danois du secteur pharmaceutique, producteur de médicaments visant à lutter contre le diabète et l’obésité. Celle-ci permet de masquer, au niveau agrégé, le manque d’allant de la demande intérieure, illustré par un faible rebond de la consommation des ménages (+1,0% en moyenne annuelle) et le niveau déprimé de l’investissement (-3,6%). De fait, selon Statistics Denmark, en le corrigeant du secteur pharmaceutique, au lieu de progresser de 1,8%, le PIB a reculé de 0,1% en 2023. Ce résultat doit être apprécié avec du recul dans la mesure où il n’incorpore pas de potentiels effets d’éviction ou spillovers positifs liés à la prépondérance médicamenteuse. De plus, le Conseil économique danois a rapporté que la moitié de la croissance de l’emploi salarié non-agricole entre janvier 2023 et mars 2024 résultait, de façon directe ou indirecte, de l’activité de Novo Nordisk. Enfin, le bond du commerce extérieur précédemment mentionné est à mettre en relation directe avec l’attractivité internationale de l’entreprise.
De façon corollaire, le reflux sensible de la composante pharmaceutique de l’indice de production manufacturière au T1 2024 (-17,1% t/t) constitue un facteur explicatif majeur de la contraction du PIB au cours de ce trimestre. Toutefois, la forte variabilité mensuelle ou trimestrielle de l’indice, qui a ensuite bondi de +21% m/m en avril, permettant à l’indice agrégé d’enregistrer sa plus forte progression mensuelle depuis 2016 (+11,3%), ne modifie pas les perspectives du secteur que les analystes jugent très positives. Les interrogations principales restent liées à la capacité de l’entreprise à répondre à une demande grandissante. En outre, la puissance de Novo Nordisk est illustrée, de façon saisissante, par le fait que sa capitalisation boursière, de plus de USD 630 mds au 12 juin 2024 (+75,5% a/a), excède le PIB nominal annuel du Danemark (environ USD 400 mds en 2023). Ceci en fait l’entreprise européenne la mieux valorisée sur les marchés financiers, très nettement devant la seconde capitalisation (LVMH, environ USD 400 mds). En définitive, si l’entreprise constitue pour l’heure un facteur d’expansion économique, voué à se poursuivre à moyen terme selon les prévisions, une trop importante dépendance pourrait se muer en vulnérabilité pour le pays en cas de fort retournement du cycle d’affaires du géant des pharmaceutiques.
Un assouplissement monétaire dans la roue de la BCE
La politique monétaire danoise se caractérise par un objectif de stabilité des prix, dont le moyen principal est le maintien de la parité entre l’euro (autrefois le deutsche mark) et la couronne danoise autour de 1 EUR = 7,46038 DKK. Pour ce faire, la Nationalbank, en plus d’intervenir sur le marché des changes, modifie ses taux d’intérêt en lien avec les décisions de la BCE. Ce faisant, l’abaissement de 25 pb des taux directeurs de la dernière, le 6 juin, s’est traduit, le même jour, par une décision équivalente de son homologue danoise, portant ainsi le taux de compte courant à +3,35% et maintenant le spread de 40 pb avec le taux de dépôt de la BCE. À ce titre, nos prévisions relatives au taux directeur de la BCE (cf. texte zone euro) impliquent que le taux directeur danois s’élèvera à +2,85% à la fin 2024 et +2,1% à la fin 2025.
Cet assouplissement graduel des conditions financières devrait contribuer à soutenir la demande. À cela doit s’ajouter l’effet conjoint du repli significatif de l’inflation – qui, mesurée par le HICP, est inférieure à +1,0% a/a depuis septembre 2023 – et de la croissance des revenus réels (qui a repris au T2 2023). Si le niveau de la croissance nominale des salaires pourrait exercer quelque pression haussière sur l’inflation lors des trimestres à venir, cela ne devrait pas menacer substantiellement la stabilité des prix.
Achevé de rédiger le 13 juin 2024