À peine constituée, la nouvelle coalition gouvernementale a dû affronter les pressions des syndicats protestataires et les critiques concernant des prévisions économiques optimistes. La croissance belge reste positive mais inférieure à sa tendance de moyen terme. Les dépenses d'investissement pourraient marquer le pas tandis que la mauvaise dynamique du commerce extérieur pèse toujours sur le PIB. En revanche, le marché immobilier semble se redresser, les prix ayant continué de progresser malgré tout. À court terme, le spectre de la guerre commerciale devrait affecter la croissance du PIB belge. Ce dernier bénéficierait néanmoins, en 2026, de l’accélération du PIB allemand en raison des liens commerciaux forts entre la Belgique et l’Allemagne.
Croissance du PIB : le pour et le contre
Croissance et inflationLa croissance a été positive tout au long de l’année 2024 mais un ralentissement de l’économie belge est à prévoir. En ce qui concerne les exportations, les perspectives se détériorent compte tenu des événements récents (en particulier la nouvelle politique tarifaire américaine), ce qui devrait freiner la croissance du PIB en 2025. Les entreprises du secteur pharmaceutique (épargnées pour le moment) seraient vulnérables à une hausse des droits de douane sur les exportations en direction des États-Unis, comme le reste de l’industrie. En outre, la hausse des droits de douane américains à l’encontre de l'Allemagne pourrait peser sur la Belgique en raison des liens commerciaux forts qui unissent les deux pays. À plus moyen terme, des perspectives plus positives se font jour car les dépenses budgétaires en Allemagne devraient stimuler l'économie belge.
Sur le front de la demande intérieure, la consommation privée tient ses promesses. Malgré la hausse temporaire des craintes liées à la remontée du chômage, la confiance des ménages a plutôt bien résisté (elle est légèrement supérieure à sa moyenne historique). Par ailleurs, le marché du logement n’a pas retrouvé son dynamisme et l’investissement des entreprises devrait marquer le pas en 2025. Enfin, une légère hausse des dépenses publiques de défense pourrait tirer la croissance à la hausse (voir le focus).
L'inflation se calme modérément
L'inflation (indice harmonisé) s'est établie à 4,3 % en 2024. Derrière cette moyenne annuelle, un tableau plus mitigé se dessine. Les mesures de soutien ont tiré à la baisse les coûts de l'énergie en 2023 et leur arrêt a mécaniquement augmenté la composante énergétique de l'inflation en 2024. C’est la principale raison pour laquelle la Belgique a été le pays de l'Union européenne avec l'inflation la plus élevée, derrière la Roumanie. L’inflation harmonisée devrait revenir autour de 2,0 % d'ici à fin 2025. L'inflation sous-jacente et l'inflation des produits alimentaires se normaliseront également.
Dans le même temps, l'indice utilisé, dès qu’il augmente de 2%, pour indexer les salaires, a franchi ce seuil en février. L'indexation automatique des salaires a donc été mise en place et devrait l’être de nouveau cet été, mais n’interviendrait plus au cours des deux années suivantes en raison de la désinflation (selon le bureau du plan belge).
Marché du travail : atterrissage en douceur
Marché du travail belge : Atterrissage en douceurLes défaillances d’entreprises augmentent. Elles sont désormais supérieures de 4% aux niveaux pré-covid. Une analyse historique suggère que la hausse se poursuivrait au cours des mois suivants. À noter que les défaillances dans la construction, l’industrie et le transport ont pesé sur l’emploi en 2024.
Les créations d'emplois ralentissent nettement. L'indice Federgon de l'emploi temporaire, un indicateur avancé, n'a cessé de baisser depuis 2021 (cf. graphique 2). Un atterrissage en douceur semble toutefois le scénario le plus probable car le chômage reste stable autour de 5,8 %. Nous prévoyons une augmentation à 6,5 % d'ici à fin 2026.
Finances publiques : « un conte de fées »
La Commission européenne exerce une pression forte sur le gouvernement belge en raison du déficit budgétaire important et d’un ratio élevé de dette publique sur PIB. Ce dernier pourrait atteindre 140% au cours des dix prochaines années si les politiques actuelles étaient maintenues. La coalition au pouvoir depuis début 2025 souhaite ramener le déficit à 3% (contre 4,5% en 2024) au cours des prochaines années. Cependant, en excluant les dépenses militaires supplémentaires des États (jusqu’à 1,5 point de PIB) de son évaluation des déficits budgétaires, la Commission européenne accorde une marge de manœuvre à la Belgique (ses dépenses de défense n’atteignaient que 1,3% du PIB en 2024, voir le focus).
L'hypothèse de 500 000 créations d'emplois en 4 ans (10% de l’emploi actuel), sous-jacente au budget actuel, est peu probable. Le gouvernement Michel-I (2014-2018), malgré des intentions similaires et des conditions très favorables, en avait créé 250 000.
En 2023, une nouvelle obligation d'État destinée aux investisseurs particuliers belges a rapporté plus de EUR 20 mds. Cette obligation a aidé l'agence de la dette à atteindre ses objectifs de financement par anticipation. Les émissions ultérieures n’ont pas bénéficié des mêmes avantages fiscaux et ont connu moins de succès. La maturité moyenne de la dette publique reste supérieure à 10 ans, mais le taux d’intérêt apparent est passé d’un point bas de 1,43 % en 2021 à 1,98 % fin 2024. Par rapport à 2024, le financement à long terme est émis cette année à un coût comparable mais à une échéance moyenne plus faible (elle pourrait s'avérer être de 12 ans contre près de 15 ans en 2024).
Focus | Dépenses militaires
Reprise des dépenses de défense
Avec seulement 1,3% du PIB consacré à la défense en 2024, la Belgique se place en dernière position dans le classement de l'OTAN avec l'Espagne et le Luxembourg. 0,15 point du total dépensé concerne le soutien à l’Ukraine, une dépense entièrement financée par des recettes exceptionnelles de l'impôt sur les sociétés provenant des retours sur les avoirs russes gelés détenus en Belgique (selon la Banque centrale). Le gouvernement vise maintenant à augmenter les dépenses militaires à 2% du PIB d'ici l'été, tandis que le nouveau ministre de la Défense, M. Francken, évoque l'objectif de 3,5 % pour plus tard.
Catégories de dépenses
Le coût de la main-d'œuvre représente près de la moitié des dépenses de défense de la Belgique. Néanmoins, le personnel militaire a diminué de plus de 25% au cours des 10 dernières années, alors que les pays voisins ont maintenu leur effectif stable ou l’ont augmenté, comme ce fut le cas pour l'Allemagne. Mais cela serait sur le point de changer. Depuis le début de l'année, le ministère de la Défense fait état d'une augmentation record du nombre de postulants avec deux fois plus de candidatures qu’en 2024. La nécessité de réaliser des économies budgétaires pourrait toutefois contraindre l’augmentation de la masse salariale de la défense, dans un contexte où le taux de chômage reste relativement bas et où les entreprises privées rémunèrent mieux.
Avec à peine 15%, la part des dépenses totales de défense en équipements place une fois de plus la Belgique derrière tous les pays de l'OTAN. Ses voisins - la France, l’Allemagne, les Pays-Bas - dépensent environ le double. On s’attend à ce que la proportion augmente. En effet, des discussions sont menées en vue de la reconversion d'un site de production automobile, aujourd'hui abandonné, à Vorst pour augmenter la production militaire.
Financement
La question du financement de la hausse des dépenses de défense reste délicate, compte tenu des liens distendus entre les partis de la coalition gouvernementale. La volonté d’augmenter un paquet de réformes déjà important, qui vient compenser l'impulsion budgétaire, semble limitée. Il est probable que la hausse des dépenses de défense à partir du troisième trimestre sera financée par l'endettement, au moins pour cette année.
Pour la suite, divers scénarios sont envisagés mais aucun ne semble particulièrement convaincant jusqu'à présent. Des obligations dédiées aux dépenses militaires semblent une option tentante depuis l'émission réussie de 2023, mais des contraintes d’ordre pratique demeurent. M. Francken s'intéresse également à la mise en place d'un fonds d'investissement militaire pour soutenir le secteur sur une base plus structurelle. Enfin, les discussions autour de la vente d'une partie des participations du gouvernement dans des entreprises (de télécommunications notamment) ne font que débuter mais reviendront certainement sur le devant de la scène à mesure que la pression pour équilibrer le budget grandira dans les mois à venir.
Ainsi, en 2025, les dépenses militaires supplémentaires atteindraient probablement EUR 2 mds, soit environ 0,3 % du PIB dans le cadre d'une impulsion budgétaire uniquement financée par la dette. Plus de la moitié de l'équipement militaire de l'UE est acheté aux États-Unis, mais les événements récents mèneront sans aucun doute à la recherche de solutions alternatives en Europe. À mesure que les tensions sur le marché du travail se réduisent, le risque de contraintes d’offre baisse. Nous nous attendons donc à ce que l'augmentation des dépenses de défense dans le pays et à l'étranger (en particulier en Allemagne, principal partenaire commercial de la Belgique) stimule la croissance du PIB à court terme, de 0,2 point cette année et de 0,4 point en 2026.
Un nouveau monde avec de nouveaux besoins émerge rapidement, tandis que le gouvernement doit composer avec l’héritage du passé (déficit et dette publics conséquents).
Achevé de rédiger le 9 avril 2025