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Angola : L’étau se resserre

22/11/2024
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En 2024, la croissance économique de l’Angola rebondit difficilement. L’économie non pétrolière fait face à de multiples vents contraires tandis que le secteur des hydrocarbures renoue timidement avec la croissance. Malgré des excédents courants importants, la pression sur les comptes extérieurs demeure forte depuis la reprise, en 2023, du service de la dette extérieure due à la Chine. Le kwanza continue de se déprécier face au dollar, ce qui détériore fortement la solvabilité de l’État. L’étau se resserre sur le gouvernement. Il doit faire face à des amortissements de dette extérieure de plus en plus élevés à l’heure où le risque d’un tarissement des flux de capitaux chinois s’accroît.

Coissance économique tributaire du secteur pétrolier

PRÉVISIONS

De 2015 à 2023, le PIB angolais s’est contracté en moyenne de 0,5% par an. L’activité économique a été systématiquement tirée vers le bas par le secteur des hydrocarbures (30% du PIB).

Celui-ci s’est contracté de 37% en termes réels sur la même période du fait du déclin naturel des puits de pétrole en activité et du manque considérable d’investissements pour dynamiser le secteur.

En 2024, la croissance économique devrait rebondir pour atteindre 3,2%. Elle est notamment soutenue par le retour à la croissance du secteur pétrolier (graphique 1).

ANGOLA : CONJONCTURE DU SECTEUR PÉTROLIER

Sur les neuf premiers mois de l’année, la production de pétrole est en hausse de 4% en glissement annuel (g.a.) et atteint 1,13 million de barils par jour (mb/j).

Depuis sa sortie de l’OPEP en janvier 2024, l’Angola est libre de produire plus de 1,11 mb/j, le quota que lui avait imposé le cartel pour l’année en cours. Cela a quelque peu renforcé l’appétit des investisseurs : en mai 2024, un consortium d’entreprises pétrolières a annoncé une décision finale d’investissement à hauteur de USD 6 mds pour un projet d’extraction de 70 000 mb/j, qui devrait être opérationnel en 2028. Cependant, la production de pétrole ne devrait pas décoller significativement.

Mis bout à bout, les projets d’investissement en cours et à venir devraient tout juste permettre de compenser le déclin naturel des puits de pétrole en activité. Ainsi, la production pétrolière devrait se maintenir autour de 1,1 à 1,2 mb/j jusqu’en 2030, soit bien en dessous des 1,8 mb/j que l’Angola produisait en moyenne sur 2010-2016.

En parallèle, la croissance du PIB non pétrolier était limitée à 1% par an en moyenne entre 2015 et 2023. Un rebond est attendu à 3,3% en 2024 mais, même à ce niveau, la croissance hors pétrole reste très faible eu égard au taux de croissance de la population. L’économie continue d’affronter de nombreux vents contraires : l’activité des entreprises est fortement contrainte par les pénuries de devises et le climat des affaires difficile, tandis que l’inflation est structurellement élevée et pèse sur le pouvoir d’achat des ménages, ce qui alimente un climat social tendu. L’inflation des prix à la consommation a atteint un pic à 31,1% en g.a. en juillet 2024 et s’est maintenue à 29,2% en octobre. La politique monétaire de la Banque centrale d’Angola (BNA) ne parvient pas à juguler l’inflation. Depuis mai 2024, elle a laissé son taux directeur inchangé à 19,5%, mais l’efficacité de la politique monétaire est surtout limitée par la forte dollarisation de l’économie et par le faible poids du crédit bancaire au secteur privé dans l’économie (8% du PIB).

Comptes extérieurs sous pression malgré des excédents courants

Depuis 2018, l’Angola parvient à dégager chaque année un excédent courant. En 2024, celui-ci devrait rebondir à 6,3% de PIB, contre 4,6% de PIB en 2023. Sur le premier semestre de 2024, la hausse de la production de pétrole et la stabilisation des cours du Brent ont permis d’accroître les recettes d’exportations pétrolières de 7,5% en g.a. En parallèle, les importations se sont contractées de 17% en g.a. Ainsi, le solde courant a enregistré un surplus de USD 3,5 mds au S1 2024, contre seulement USD 0,5 md au S1 2023.

Cependant, les performances du compte financier sont nettement moins favorables. Depuis 2023, la reprise du service de la dette extérieure due à la Chine a fait basculer les entrées nettes de dette de long terme en territoire négatif. De plus, les sorties nettes d’investissements de portefeuille ont repris au S1 2024 (USD -1,4 md), après être brièvement devenues positives en 2023. Point positif : les flux nets d’IDE sont devenus positifs au S1 2024 (USD +460mn) pour la première fois depuis 2016. S’ils demeurent largement insuffisants pour compenser les sorties nettes d’investissements de portefeuille, ils pourraient toutefois continuer de croître au S2 2024 et en 2025, compte tenu des projets d’investissement dans le secteur des hydrocarbures.

Par conséquent, la liquidité extérieure demeure à un niveau historiquement bas. En septembre 2024, les réserves de change atteignaient USD 14,9 mds (+0,1 md comparé à fin 2023) et restaient proches d’un niveau plancher atteint en février dernier. En 2024, la BNA a poursuivi ses opérations sur le marché des changes pour limiter la dépréciation du kwanza. Malgré cela, la monnaie angolaise s’est dépréciée de 11% face au dollar US entre décembre 2023 et septembre 2024, après -39% en 2023.

Inquiétudes sur les finances publiques

À 19% du PIB en moyenne sur 2015-2023, les recettes publiques sont faibles. De plus, elles sont fortement volatiles, puisqu’en moyenne sur la période, plus de la moitié provient des revenus pétroliers. Ainsi, depuis 2018, le gouvernement fait preuve de prudence et ajuste en cours d’année ses dépenses afin de préserver l’équilibre budgétaire (exception faite de 2020, compte tenu de la pandémie de Covid-19).

Cependant, les marges de manœuvre des finances publiques s’amenuisent. Le déclin de la production pétrolière depuis 2015, alors que les recettes non pétrolières stagnent, est un facteur d’inquiétude majeur. En outre, la dépréciation continue du kwanza menace la solvabilité de la dette publique, dont 75% du stock est libellé en devises. En 2023, la dépréciation brutale du kwanza en juin a contraint le gouvernement à couper drastiquement dans ses dépenses au deuxième semestre pour pouvoir honorer ses créanciers, tout en préservant un maigre excédent budgétaire (0,4% de PIB). Le FMI estime que, sur la période 2024-2025, le paiement des intérêts sur la dette devrait dépasser 30% des recettes budgétaires, un niveau très alarmant.

Dans ce contexte, l’élimination des subventions sur l’énergie, initiée en juin 2023, est une réforme clé pour récupérer des marges budgétaires. Cependant, jusqu’à présent l’effet sur les finances publiques de la hausse, en monnaie locale, des prix sur l’essence (+87% en juin 2023) et du diesel (+48% en avril 2024) a été sapé par la dépréciation du kwanza. En septembre 2024, un litre d’essence à la pompe ne valait que USD 0,32 selon le taux de change officiel de la BNA, soit bien en dessous des prix du marché mondial. Par conséquent, la Banque mondiale estime que les subventions sur l’énergie devraient encore coûter 3% de PIB aux finances publiques de l’Angola en 2024. Compte tenu du climat social délétère et d’un taux d’inflation élevé, la libéralisation complète des prix de l’énergie, initialement prévue pour 2025, a été reportée.

Forte vulnérabilité à la Chine

En 2023, le FMI estimait qu’une baisse de 1 point de pourcentage (pp) du taux de croissance du PIB réel chinois entraînait en moyenne une baisse de 0,5pp du taux de croissance des pays africains exportateurs de pétrole. Toutefois, ce groupe est caractérisé par de profondes disparités. L’Angola figure parmi les plus vulnérables au ralentissement de l’activité en Chine et à sa stratégie de mieux orienter ses crédits. Cette vulnérabilité se transmet via deux canaux : i) les flux de commerce bilatéraux et le prix des matières premières, et ii) les flux de capitaux.

Les exportations de l’Angola sont constituées de pétrole à plus de 90%, et la Chine est de loin son premier marché. Cependant, après un pic atteint en 2017, les ventes de pétrole angolais à la Chine ont progressivement chuté (en volume) jusqu’en 2023. Alors qu’en 2010, l’Angola était le second fournisseur de pétrole de la Chine, le pays est tombé à la huitième place en 2023, devancé par les pays du Golfe, géographiquement plus proches et dont la production est moins volatile et plus importante. Ainsi, en moyenne sur 2022-2023, la part de la Chine dans les exportations de pétrole angolais a chuté à 50%, contre 70% en moyenne sur 2018-2021. Jusqu’à présent, l’Angola a été en mesure de réorienter ses exportations vers l’Europe, en profitant de l’embargo européen sur le pétrole de Russie. Ainsi, le top cinq des importateurs européens de pétrole angolais a vu sa part croître de 7% en moyenne sur 2018-2021 à 26% du total des exportations de pétrole angolais sur 2022-2023. Toutefois, la capacité de l’Europe à continuer d’absorber la baisse de la demande chinoise à moyen terme est fortement limitée. En outre, le ralentissement de la demande chinoise d’hydrocarbures peut également se traduire par une baisse du prix du pétrole, puisque la Chine à elle seule représente 16% de la demande mondiale. L’impact serait fortement négatif pour les comptes extérieurs de l’Angola ainsi que pour ses finances publiques.

ANGOLA : STOCK ET FLUX
DE DETTE EXTÉRIEURE DUE À LA CHINE

Par ailleurs, l’Angola est le pays africain le plus vulnérable au risque de tarissement des capitaux chinois, qui résulterait de la stratégie de la Chine de réorienter ses crédits vers des emprunteurs moins risqués. Depuis 2000, la Chine s’est engagée à prêter à hauteur de USD 46 mds à l’Angola[1], faisant du pays le premier récipiendaire du continent (loin devant les USD 14 mds prêtés à l’Éthiopie, qui arrive en deuxième position). Mais la Chine a revu à la baisse son soutien financier depuis le choc pandémique, quand l’Angola s’est trouvé au bord du défaut. Selon la Banque mondiale, les entrées nettes de dette bilatérale de long terme sont devenues négatives sur la période 2019-2022, tirées vers le bas par des remboursements de principal élevés ; les entrées brutes, quant à elles, ont baissé à USD 1,1 md par an en moyenne, contre USD 3,9 mds par an en moyenne sur 2010-2018 (graphique 2). Alors qu’un tiers de sa dette extérieure est due à la Chine, et que les amortissements de dette bilatérale se maintiendront à des niveaux records sur 2025-2027 (plus de USD 4 mds par an), l’Angola pourrait faire face à un risque de refinancement externe accru si la Chine décidait de réduire davantage son soutien financier.

Achevé de rédiger le 20 novembre 2024


[1] Boston University Global Development Policy Center. 2024. Chinese Loans to Africa Database.

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