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Droits de douane américains dans les pays émergents : y voit-on plus clair ?

27/08/2025
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Les États-Unis ont publié le 1er août dernier une liste actualisée de leurs droits de douane « réciproques ». Si elle redonne un peu de visibilité, cette nouvelle version ne clarifie pas durablement la politique protectionniste de l’administration Trump. À court terme, elle change la donne pour certains pays, en particulier l’Inde et la Chine.

TARIFS APPLIQUÉS PAR LES ÉTATS-UNIS, AU 27 AOÛT
CHOC TARIFAIRE ET EXPOSITION AU MARCHÉ AMÉRICAIN

La logique apparente de la nouvelle grille tarifaire

Pour les pays en déficit commercial avec les États-Unis, le taux plancher de 10%, introduit le 2 avril, est maintenu. Pas de nouveauté, donc, pour une majorité de pays d’Amérique latine, d’Afrique et du Moyen-Orient, et pour Singapour. Le Brésil constitue une exception majeure avec un droit de douane de 50% – un tarif punitif motivé par des raisons politiques.

Pour les pays en excédent commercial avec les États-Unis, les droits de douane réciproques varient désormais de 15% à 50%. Une taxe de 15% est appliquée aux pays qui sont parvenus à un compromis avec les États-Unis (cas de l’Union européenne et de la Corée du Sud) ou qui affichent un excédent commercial bilatéral limité et/ou ont au minimum entamé des discussions avec Washington. Il s’agit notamment de la Turquie, de l’Équateur, du Nigeria, ou des pays africains exportateurs de textile tels que Madagascar.

Les pays d’Asie qui affichent de larges excédents commerciaux avec les États-Unis étaient parmi les plus pénalisés par les annonces du 2 avril. La plupart ont entamé des négociations et des accords avec le Vietnam, l’Indonésie et les Philippines ont été annoncés. Les nouveaux droits de douane restent élevés, fixés à 19% ou 20% pour Taïwan (contre 32% annoncé en avril) et les pays de l’ASEAN (contre 46% initialement prévu pour le Vietnam ou 36% pour la Thaïlande) – à l’exception du Myanmar et du Laos (40%).

Quelques cas particuliers. Pour l’Inde, le nouveau droit de douane est de 25% mais une pénalité de 25% s’y ajoute depuis le 27 août, en attendant un éventuel accord avec Washington. Cette surtaxe vise officiellement à sanctionner l’Inde pour ses achats de pétrole russe. L’Afrique du Sud n’a pas non plus réussi à conclure un accord et conserve son droit de douane de 30%. Enfin, pour la Chine (droit de douane actuel de 30%) et le Mexique (25% appliqués aux biens échangés hors USCMA), la trêve durera encore 90 jours, ce qui permet la poursuite des négociations.

Toutes les incertitudes quant à l’évolution des droits de douane sont loin d’être levées. D’abord, les discussions de Washington avec Pékin, ainsi que les négociations pour finaliser l’ensemble des accords commerciaux bilatéraux, sont en cours. Des revirements de l’administration Trump sont également possibles pour des raisons politiques ou légales (si la Cour suprême américaine invalide les droits de douane justifiés par l’IEEPA). Ensuite, la mise en œuvre des tarifs sur les biens en provenance de Chine, mais transitant par des pays tiers (une surtaxe de 40% est prévue), reste très incertaine et complexe (comment identifier les biens « transbordés » ?). Enfin, Washington continue de modifier les taxes sectorielles[1]. Les taux effectifs moyens des tarifs douaniers appliqués à chaque pays devraient donc continuer à évoluer.

La hiérarchie des principaux gagnants et perdants est modifiée

À fin août, les économies du Mexique et d’Asie restent les plus vulnérables au choc tarifaire[2], en raison de leur forte dépendance aux exportations, de leur exposition au marché américain et de la hausse relativement importante de leurs tarifs effectifs.

Cependant, le tableau des grands gagnants et perdants de la politique protectionniste américaine a changé (temporairement ?). Le Brésil, d’abord, a subi un choc beaucoup plus dur que prévu ; il devrait toutefois bénéficier de nombreuses exemptions sectorielles et continuer d’accroître ses exportations vers la Chine pour compenser les pertes aux États-Unis. L’Inde, surtout, sera le nouveau grand perdant si le droit de douane de 50% était maintenu (les secteurs pharmaceutique et électronique sont pour l’instant exemptés). Ses exportations vers les États-Unis ne représentent que 2% du PIB, mais l’impact sur ses perspectives de croissance sera aggravé par les répercussions des nouveaux tarifs sur les investissements directs étrangers – alors que le pays était considéré comme bien positionné pour bénéficier de la réorganisation des chaines de valeur.

La Chine pourrait, quant à elle, sortir gagnante des dernières décisions tarifaires. La compétitivité-prix relative de ses exportations devrait s’améliorer avec la nouvelle hausse subie par les pays voisins (le tarif effectif moyen pour l’ASEAN-5 est passé de 2,5% fin 2024 à 11% en juin et à 17% fin août). De plus, la surtaxe sur les biens chinois transitant par des pays tiers pourrait remettre en question les stratégies de diversification des chaines de valeur dans la région.


[1] Par exemple, la taxe de 50% sur l’acier et l’aluminium vient d’être étendue à des produits dérivés, dont la liste sera revue trois fois par an ; la taxe de 50% sur le cuivre a été introduite le 1er août mais ne concerne finalement pas le métal raffiné ; le secteur pharmaceutique et les semiconducteurs, jusqu’à maintenant épargnés, sont menacés de taxes d’au moins 25%, avec des exemptions ; les tarifs sectoriels devraient être plafonnés à 15% pour l’UE mais pourraient s’imbriquer différemment dans les autres accords.

[2] EcoPerspectives-Économies émergentes Juin 2025 - Choc tarifaire : quels effets sur le commerce mondial, quelles conséquences pour les pays émergents?

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE