Depuis le début de l’année, la croissance économique chinoise se révèle plus solide que prévu. Les exportations ont résisté aux attaques tarifaires de Washington et la consommation des ménages s’est redressée grâce aux programmes de relance du gouvernement.
Cependant, d’importantes ombres viennent ternir le tableau et devraient freiner la croissance au second semestre. D’une part, les tensions commerciales avec les États-Unis restent fortes et la guerre technologique se poursuit, même si Pékin et Washington se sont entendus pour prolonger leur trêve jusqu’en novembre. D’autre part, les problèmes structurels internes demeurent (crise du secteur immobilier, fragilités du marché du travail, confiance en berne dans le secteur privé, déflation).
En dépit de ce contexte morose, l’assouplissement de la politique économique reste prudent. Par ailleurs, les autorités revoient leurs priorités depuis quelques mois : elles étendent leurs initiatives visant à combattre les pressions déflationnistes et à réduire les capacités de production excédentaires. Pour les partenaires commerciaux de la Chine, une réduction des capacités de production pourrait alléger la pression concurrentielle des biens chinois.
Cependant, ces efforts dits « anti-involution » risquent aussi de pénaliser la croissance à court terme ; ils devront être accompagnés d’un soutien accru à la consommation privée pour atteindre les objectifs et réduire les déséquilibres offre-demande.
Le ralentissement attendu…
Après un premier semestre meilleur qu’attendu, la croissance dans le secteur manufacturier ralentira au second semestre, alors que l’activité dans les services peine à se renforcer durablement.
La croissance économique chinoise s’est établie à +5,3% en glissement annuel (g.a.) au S1 2025, un rythme plus rapide qu’attendu en début d’année. Dans le secteur manufacturier, l’activité s’est renforcée (+6,6% en g.a. au S1 après +6% en 2024), soutenue par la solide performance des exportations de marchandises. La baisse des exportations vers les États-Unis, provoquée par le choc tarifaire[1], a de fait été compensée par une hausse des ventes dans le reste du monde[2].
Cependant, la dynamique du secteur exportateur pourrait perdre en vigueur dans les prochains trimestres compte tenu des effets attendus du choc tarifaire sur le commerce mondial, et du risque de nouvelles mesures protectionnistes américaines. La dégradation des perspectives d’exportation explique (en partie – cf. infra) le récent ralentissement de la croissance de la production industrielle (+5,7% en g.a. en juillet) et de l’investissement manufacturier (en baisse de 1,3% en g.a. en valeur en juillet, après +7,5% au S1).
Dans le secteur des services, la croissance a également accéléré au S1 (+5,5% en g.a. après +5% en 2024). Toutefois, la reprise de la demande intérieure, qui la soutient, reste fragile et dépend des mesures de relance des autorités. Le redressement de la demande des ménages a ainsi bénéficié des programmes de subventions publiques à l’achat de biens de consommation, mais semble s’être s’essoufflé en juillet (les ventes au détail ont augmenté de 3,7% en g.a. en volume, contre plus de 5% au S1). Sur le marché immobilier, les quelques signes de stabilisation apparus l’hiver dernier ont fait long feu : les ventes de logements ont chuté de -8,1% en g.a. en juillet (après -4,4% au S1), l’investissement continue de se contracter et la correction des prix se poursuit.
La confiance des ménages ne s’améliore pas, toujours fragilisée par la crise du marché immobilier ainsi que par un marché de l’emploi et une évolution des revenus dégradés par rapport à la période d’avant-Covid. Les freins à un solide redressement de la demande intérieure demeurent puissants.
… inquiète-t-il les autorités ?
Le soutien des politiques budgétaire et monétaire reste mesuré depuis le début de l’année. Ce cap devrait être maintenu à court terme.
L’assouplissement monétaire est resté graduel et modéré (baisses des taux, injections de liquidités, assouplissement des conditions de crédit hypothécaire, etc.). Par ailleurs, il s’est heurté à la frilosité des entreprises, des ménages et des banques. La croissance de l’encours des prêts bancaires a continué de ralentir et a atteint un nouveau point bas historique de +6,8% en g.a. en juillet (contre +10,9% fin 2023).
L’assouplissement des conditions monétaires a, en revanche, facilité les émissions obligataires des collectivités locales (dont le taux moyen est inférieur à 2% depuis avril, contre 2,5% un an auparavant) et accompagné la relance budgétaire. Celle-ci a notamment consisté à augmenter les investissements dans les secteurs stratégiques, les infrastructures et le logement, à apporter des aides aux exportateurs, et à stimuler la demande des ménages.
Le renforcement de la consommation privée est une priorité de la stratégie économique en 2025, et les autorités ont, de fait, introduit diverses mesures de soutien. Les principales annonces de cet été sont la poursuite du programme de subventions publiques à la consommation de biens et son extension aux dépenses des ménages dans les services, de nouvelles allocations familiales et des aides au remboursement des intérêts sur les prêts à la consommation. La multiplication des initiatives est une dynamique positive, mais les mesures prises restent d’ampleur modeste et des réformes plus ambitieuses du système de protection sociale tardent à progresser.
En dépit de la morosité persistante de la demande intérieure et des risques liés à l’environnement international, les autorités ne semblent pas envisager, pour le moment, d’assouplissement plus significatif des politiques monétaire et budgétaire ni de nouvelle mesure de soutien au secteur immobilier. En revanche, depuis le début de l’été, elles accordent une plus grande attention au problème structurel de la déflation et de « l’involution ».