Graphiques de la semaine

En Afrique aussi, la reconfiguration du commerce mondial se fait au profit de la Chine

01/10/2025
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L’Afrique creuse son déficit commercial avec la Chine

Depuis le début de l’année, la reprise de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine a conduit cette dernière à réorienter ses exportations en un temps record. En moyenne sur avril-juillet, alors que les exportations chinoises vers les États-Unis se sont contractées de 23% en valeur en glissement annuel (g.a.), celles vers l’Afrique ont augmenté de 34%, bien plus que celles à destination de l’ASEAN (17%) et de l’Europe (7%).

Afrique : solde commercial avec la Chine
Afrique : solde commercial avec les USA
Afrique : solde commercial avec l'UE
Afrique : solde commercial avec l'Inde

Sources : douanes nationales, Eurostat, BNP Paribas

Pour l’Afrique, une telle accélération des importations en provenance de Chine n’est pas sans précédent et ne devrait pas conduire à des mesures protectionnistes à court terme. En l’absence d’une industrie locale développée, la hausse des importations depuis la Chine peut accompagner le développement économique. Ainsi, en Tanzanie et en Côte d’Ivoire, que l’on retrouve parmi les plus gros contributeurs de la hausse des importations de biens chinois depuis mars 2025, la croissance du PIB devrait dépasser 6% en 2025, tirée par l’investissement. Par ailleurs, la hausse des importations de biens de consommation chinois à bas prix contribue à la baisse anticipée de l’inflation en Afrique subsaharienne (13% en 2025 contre 18% l’an dernier). Ces effets désinflationnistes sont déjà visibles au Nigéria, premier importateur de biens chinois sur le continent. Le recul de l’inflation au Nigéria, de 24,2% en g.a. en mars 2025 à 20,1% en aout, coïncide avec une hausse marquée des importations de biens de consommation depuis la Chine[1].

En conséquence, le déficit commercial de l’Afrique avec la Chine s’est creusé rapidement (voir graphique). La tendance devrait perdurer dans les prochains mois. D’une part, la hausse des importations devrait se poursuivre, portée par la compétitivité prix toujours solide des biens chinois. D’autre part, certains pays africains, dont l’Afrique du Sud, pourraient être contraints de réorienter une partie de leurs exportations de matières premières en direction de la Chine vers les États-Unis, dans le but d’obtenir des accords commerciaux avec l’administration Trump.

L’excédent commercial de l’Afrique avec les États-Unis s’érode rapidement

De 2016 à 2024, l’Afrique a dégagé chaque année un excédent commercial avec les États-Unis. Cependant, les tarifs douaniers réciproques mis en place depuis le 9 avril devraient mettre un terme à ce déséquilibre. Sur la période d’avril à juillet, l’excédent commercial de l’Afrique avec les États-Unis s’est réduit à USD 1 md en 2025, son plus bas niveau depuis 2020.

Deux nouveaux chocs, depuis juillet, suggèrent que le solde commercial devrait devenir déficitaire dans les prochains mois. D’une part, depuis le 7 août, 20 pays africains ont vu leur tarif douanier revu à la hausse. Parmi eux se trouve l’Afrique du Sud (38% des exportations du continent vers les États-Unis en 2024), dont le tarif douanier réciproque a augmenté de 10% à 30%. D’autre part, depuis l’expiration de la loi AGOA le 30 septembre, 32 pays africains ont perdu leur accès préférentiel au marché étasunien. À la place, ces pays ont désormais accès au marché étasunien selon le taux de la nation la plus favorisée, qui s’ajoute au tarif douanier réciproque.

L’évolution future des flux commerciaux entre l’Afrique et les États-Unis reste suspendue à la négociation d’accords commerciaux bilatéraux. Pour l’heure, aucun pays africain n’a signé d’accord, mais l’Afrique du Sud, le Kenya et le Lesotho espèrent y parvenir d’ici la fin de l’année. Par ailleurs, un renouvellement de l’AGOA, même tardif, est encore possible.

Une détérioration des comptes extérieurs à surveiller

Les flux commerciaux de l’Afrique avec l’Union Européenne et l’Inde n’ont pas amorcé de reconfiguration majeure au cours des derniers mois. L’amélioration modeste du solde commercial avec l’UE et l’Inde (voir graphique) est loin de pouvoir corriger la hausse des importations depuis la Chine. Sur avril-juillet, le déficit commercial de l’Afrique avec ses quatre principaux partenaires commerciaux[2] a atteint USD 18,8 mds en 2025, contre USD 4,1 mds en 2024. Ce déséquilibre de la balance commerciale est un risque à surveiller pour le continent, compte tenu de la fragilité de ses comptes extérieurs.

[1] Sur avril-juillet 2025, les importations d’appareils électroniques, de véhicules et de vêtements sont en hausse respective de 42%, 99% et 118%, en g.a. Ces trois catégories représentent 32% des importations depuis la Chine sur la période.

[2] L’UE, la Chine, l’Inde et les États-Unis représentent 61% du commerce africain extrarégional.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE
Equipe : Économies Émergentes