Evolution récente et perspectives à court terme des exportations des pays émergents

17/07/2025

Contrairement à ce que l’on craignait fin 2024-début 2025, les exportations de marchandises des pays émergents ont bien résisté sur la première partie l’année. Les pays d’Asie affichent les meilleures performances et les pays latino-américains tirent leur épingle du jeu. En revanche, les pays d’Europe centrale apparaissent sinon comme les perdants du moins comme les plus vulnérables aux transformations du commerce mondial depuis la crise du Covid. Pour une large majorité de pays, l’opinion en juin des industriels sur leurs carnets de commande à venir laissent anticiper une baisse ou un ralentissement des exportations dans les prochains mois.

Transcription

Contrairement à ce que l’on craignait fin 2024-début 2025, les exportations de marchandises des pays émergents ont bien résisté sur la première partie l’année. Sur la période janvier-avril, d’après les estimations du bureau de planification central néerlandais, les exportations en volume, c’est-à-dire hors effets prix, ont progressé de 1% par rapport au dernier trimestre 2024 et les évolutions en volume ou en valeur par pays disponibles sur les mois suivants confirment cette résistance. Il y a toutefois de grandes disparités entre zones.

C’est en Asie que les exportations ont été les plus dynamiques. La force de frappe de la Chine reste impressionnante : après un trou d’air en janvier et février, les exportations ont fortement réaccéléré entre mars et mai, leur niveau étant déjà en hausse de 4% par rapport au dernier trimestre 2024. La baisse des livraisons vers les États-Unis est très largement compensée par les livraisons à destination du reste du monde, quelle que soit la zone. Hors Chine, les pays hautement industrialisés (Corée, Hong-Kong, Singapore, Taiwan) font encore mieux, le montant agrégé des exportations de mai est 12% supérieur à la moyenne du dernier trimestre 2024. Au sein des pays d’Asie, l’Inde et le Vietnam affichent également de bonnes performances. C’est en particulier le cas du Vietnam dont les exportations en valeur et en dollars ont progressé de 12% au premier semestre 2025 par rapport deuxième semestre 2024 alors même que les prix des produits manufacturés subissent des pressions à la baisse.

Les pays latino-américains tirent également leur épingle du jeu. Sur les 5 premiers mois de l’année, les exportations du Mexique ont augmenté de 2% en valeur et en dollars par rapport au dernier trimestre 2024. Au Brésil, les exportations stagnent en raison de la tendance baissière des prix des matières premières agricoles. Mais, en volume, la progression reste positive car le pays est un grand bénéficiaire des achats de soja, de viande et de pétrole dont la Chine se fournissait auprès des Etats-Unis. Et rappelons, que malgré des prix des matières premières nettement plus bas depuis 2023, les exportations en valeur des principaux pays d’Amérique latine sont 40% supérieurs à leur niveau de 2019.

Relativement aux autres zones émergentes, les pays d’Europe centrale apparaissent sinon comme les perdants du moins comme les plus vulnérables aux transformations du commerce mondial depuis la crise du Covid. Après un rebond en 2021 et 2022, les exportations en volume de marchandises se tassent depuis 2023. Comme l’Europe est leur principal marché à l’exportation, les entreprises exportatrices ont pu augmenter leurs prix en euros et, dans certains cas, augmenter leur marge dans leur monnaie respective (pour les pays qui ne font pas partie de la zone euro évidemment). De plus, à l’instar d’autres pays de la zone euro, les exportations de services y ont été dynamiques. Mais par rapport aux autres pays émergents et notamment les pays industrialisés d’Asie, ces pays perdent des parts de marché en volume pour les marchandises. La Turquie pour sa part résiste encore bien, les entreprises ayant pu bénéficier de la forte dépréciation de la livre pour augmenter leur volume d’exportations de marchandises jusqu’en mars.

Cette bonne résistance des exportations sur la première partie de l’année n’est-elle que temporaire ? En effet, d’une part les importateurs ont pu anticiper leurs achats par crainte de la hausse des tarifs douaniers, d’autre part l’impact négatif de la hausse effective des tarifs pourrait véritablement affecter le commerce mondial sur la deuxième partie de l’année. Dans les deux cas, on devrait observer une dégradation des opinions des entreprises sur leurs carnets de commandes à l’exportation à venir entre le premier et le deuxième trimestre.

Dans l’ensemble, cette opinion mesurée en juin est plus dégradée dans 2/3 des cas qu’en mars, ce qui laisse effectivement envisager une baisse ou un ralentissement des exportations dans les mois à venir. Il faudra cependant distinguer 2 cas de figure pour juger de la gravité. Soit une simple correction après un deuxième trimestre particulièrement fort comme à Taiwan. Soit une baisse dans un contexte déjà déprimé comme on peut le craindre pour l’Europe centrale.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE