Pour la quatrième année consécutive, l’Espagne restera le principal moteur de croissance en zone euro. Cette surperformance du pays devrait se poursuivre sur le reste de 2024, bien que de manière très légèrement moins dynamique qu’au premier semestre (croissance attendue de +0,6% et +0,7% t/t au T3 et T4 après +0,9% et +0,8% au T1 et T2). Le commerce extérieur, principalement tiré par la croissance toujours importante des exportations de services touristiques, continuerait de porter l’activité. De son côté, le ralentissement marqué de l’inflation (+2,4% a/a en août ; -1,2 pp sur deux mois), associé à la vigueur du marché du travail, devrait permettre à la consommation privée de reprendre graduellement du terrain.
Le commerce extérieur restera la principale source de croissance
Le rebond touristique postpandémie continue de doper les exportations espagnoles (+11,2% t/t au T2). Avec 53,4 millions de visiteurs étrangers arrivés depuis le début de l’année[1] (+11,2% par rapport à la même période de l’année 2019), il est clair que 2024 marquera un nouveau record.
Toutefois, la décélération progressive de la croissance des dépenses touristiques (+11,9% a/a en juillet, contre +21,8% a/a en moyenne depuis le début de l’année) tend à montrer que les exportations de services (+1,0% t/t au T2) pourraient être amenées à ralentir au cours des prochains mois.
De plus, la faiblesse des importations observée au T2 (-0,2% t/t) – induite par la baisse des exportations de produits manufacturés, qui nécessitent des intrants étrangers, mais également par la plus grande efficacité énergétique et l’augmentation de la production d’énergie renouvelable – devrait continuer de jouer positivement sur la contribution du commerce extérieur au cours des deux derniers trimestres de l’année.
L’immigration alimente le marché du travail
La force remarquable du marché du travail espagnol, observable depuis 2021, continue d’être l’une des sources d’explication de la croissance importante du PIB réel. Le nombre d’affiliés à la sécurité sociale ne cesse d’augmenter, atteignant 21,2 millions en août[2] (+1,5% depuis le début de l’année). Cette croissance a été principalement soutenue par la main-d’œuvre immigrée, qui a elle-même augmenté de 7,6% sur un an, et qui représentait au T2 14,9% du nombre total de travailleurs inscrits.
Néanmoins, comme mentionné par la Banque d’Espagne dans la dernière publication trimestrielle de ses prévisions[3], des vulnérabilités structurelles subsistent. Bien qu’il ait diminué depuis 2021, le taux de chômage (11,5% en juillet) reste toujours largement supérieur à la moyenne de la zone euro (6,4%) et le nombre de chômeurs de longue durée (depuis 1 an ou plus) stagne à 1,1 million depuis début 2023. Cette stagnation, dans un contexte de vieillissement de la population active, laisse supposer qu’il s’agirait de main-d’œuvre plutôt âgée et difficile à réinsérer sur le marché du travail, ce qui rendrait la poursuite de la réduction du taux de chômage difficile dans les années à venir. Toutefois, la hausse de l’immigration devrait permettre d’adresser cette problématique de vieillissement démographique au cours des prochaines années.
Vers un ralentissement progressif de l’inflation qui devrait permettre une reprise de la consommation privée
L’Espagne semble progressivement venir à bout de la crise inflationniste, l’IPCH en variation annuelle ayant ralenti de 1,2 pp sur deux mois et s’établissant à 2,4% en août. Bien que l’inflation des services persiste (3,7%, +0,1 pp sur un mois), l’inflation des biens (1,1%, -1,1pp), alimentaire (2,5%, -0,6pp) et énergétique (-1,7%, -4,3pp) ont surpris à la baisse. Le maintien de la réduction de la TVA sur les produits de base jusqu’à la fin de l’année, et son extension à l’huile d’olive, ont également aidé à la désinflation. Selon nos prévisions, l’inflation harmonisée devrait ralentir à 2,4% a/a aux T3 et T4, et s’établir à 2,9% en moyenne sur l’ensemble de l’année 2024.
La désinflation, associée à la robustesse du marché du travail et à la croissance des salaires (+3,7% a/a au T2), permet au pouvoir d’achat des ménages de rebondir, ce qui devrait in fine, stimuler la consommation privée au deuxième semestre et en 2025. Les évolutions récentes de l’enquête de confiance des consommateurs de la Commission européenne montrent que les anticipations d’effectuer des achats importants et d’acheter une voiture au cours de l’année à venir ont retrouvé leurs plus hauts niveaux depuis novembre 2019 (-20,6 et -80,3, respectivement). Néanmoins, ces tendances ont encore du mal à se retrouver dans les données dures d’activité : les ventes au détail n’ont augmenté que de 0,3% (3m/3m) en juillet et les immatriculations de nouveaux véhiculent ont chuté de -13,6% 3m/3m en août[4].
Achevé de rédiger le 20 septembre 2024