Les perspectives de croissance s’améliorent pour 2024 mais le rebond sera sans doute contenu en raison d’une demande domestique encore peu dynamique. Sur le marché des changes, le forint hongrois subit des pressions baissières sur la période récente. Du côté des comptes publics, la consolidation budgétaire commencée depuis l’été 2022 n’a pas permis de réduire significativement le déficit. Pour 2024, il sera probablement moins prononcé que l’an dernier mais restera de toute façon élevé (autour de 5% du PIB). Ainsi, la Hongrie, fera probablement l’objet d’une procédure de déficit excessif en 2024. Sur la scène politique internationale, l’attention sera centrée sur la présidence hongroise du Conseil de l’UE qui débutera le 1er juillet 2024 (pour une durée de 6 mois) dans un contexte de fortes tensions diplomatiques avec les institutions européennes.
Une reprise modérée en 2024
Au premier trimestre, la Hongrie a de nouveau renoué avec la croissance (0,8% t/t, 1,7% en g.a.), après une récession en 2023. La reprise est néanmoins déséquilibrée, reposant essentiellement sur l’ajustement des stocks et les exportations nettes. La consommation peine à se redresser avec des ventes au détail qui progressent peu et des volumes d’importations de biens de consommation qui continuent de reculer. Parallèlement, l’investissement est resté atone.
Au cours des prochains trimestres, les perspectives sont un peu mieux orientées, avec une croissance modérée à la fois pour 2024 et 2025.
Cette année, la consommation privée devrait s’améliorer sous l’effet conjugué du reflux de l’inflation et de la persistance des pressions salariales (autour de 14% en g.a en moyenne sur les 4 premiers mois de l’année). A cela s’ajoute le regain d’optimisme des ménages lié aux mesures de soutien en leur faveur (plafond sur le taux hypothécaire prolongé jusqu’à fin 2024, revalorisations de pensions et de salaires dans la fonction publique, subventions pour les rénovations énergétiques et achat du premier logement).
Toutefois, les ménages vont probablement adopter un comportement prudent à court terme. Même si le taux de chômage a légèrement reculé, le marché de l’emploi présente quelques signes de ralentissement depuis peu. Le nombre de postes vacants a chuté, notamment dans le secteur manufacturier. De même, le ratio des demandeurs d’emploi par rapport au nombre de postes vacants se dégrade. Il est en légère hausse (3,34 au T1 2024, 3,03 au T4 2023 et 2,9 au T3 2023). L’emploi croît aussi plus lentement dans les services.
En ce qui concerne l’investissement, les perspectives d’amélioration de sa composante publique restent limitées compte tenu du report des projets gouvernementaux. Les fonds européens, qui habituellement viennent en renfort, joueront un rôle relativement faible à court terme car pour l’instant, la Hongrie n’a reçu qu’une part infime du montant qui lui a été alloué dans le cadre du plan pour la relance et la résilience (EUR 0,14 md sur EUR 6,5mds, soit 2,2% du total). Enfin, le regain de dynamisme tant espéré de l’investissement privé est contraint par la demande extérieure dans la mesure où la zone euro ne verrait une accélération plus franche de ses importations qu’en 2025.
Dépréciation du forint hongrois
Ces derniers mois, le forint hongrois a été soumis à des pressions baissières. Il a perdu respectivement 3,6% et 5,8% de sa valeur vis-à-vis de l’euro et du dollar depuis le début de l’année, se positionnant ainsi parmi les devises les moins performantes non seulement en Europe centrale mais aussi au sein des pays émergents. Dans la région, la couronne tchèque a baissé de 1% contre l’euro et le zloty polonais s’est apprécié de 1% sur la même période.
Le forint s’échangeait à 396 unités pour un euro fin juin, au-dessus de sa valeur moyenne de 340 des 10 dernières années. La moins bonne performance du forint comparée à celle des pays voisins s’explique tout d’abord par la divergence de stratégie en matière de politique monétaire. Les autorités monétaires hongroises ont opté pour un assouplissement monétaire d’envergure avec une baisse cumulée de 600 points de base du taux directeur depuis octobre 2023 alors que les autres banques centrales de la région ont, soit maintenu un statu quo monétaire sur la même période, soit réduit plus faiblement leur taux directeur.
Par ailleurs, les préoccupations sur la dette publique exercent aussi des pressions baissières sur la devise hongroise. Les incertitudes planent toujours sur les fonds européens, une ressource importante pour financer les besoins de l’économie. La décision de la Commission européenne sur le déblocage des fonds fin 2023 est remise en cause par le Parlement européen et reste encore en suspens.
A court terme, la tendance à la dépréciation reste de mise, avec un franchissement probable de la barre de 400 forints pour un euro d’ici fin décembre. Plusieurs facteurs contribueraient néanmoins à atténuer les pressions baissières. Les comptes extérieurs se sont nettement améliorés depuis 2023, avec un solde courant redevenu excédentaire et des flux de capitaux importants. Le compte courant a continué de dégager un excédent, de EUR 1,8 mds ou 4,4% du PIB au T1 2024 (0,3% du PIB en 2023), et il en sera probablement de même pour le reste de l’année. De même, les flux nets d’investissements directs étrangers ont représenté 1,8% du PIB en moyenne entre 2019-2023 en dépit des nombreux chocs subis par l’économie. Le pays pourrait attirer davantage de flux d’IDE à l’avenir, sous l’effet de la réorganisation des activités des entreprises de la zone euro dans la région, ainsi que dans le cadre des ambitions du pays de devenir un leader dans la production mondiale de batteries.
Les flux de portefeuille seront probablement soutenus par un différentiel de taux d’intérêt positif à court terme. Le spread entre le taux des obligations d’État hongrois et allemand d’une maturité de 5 ans reste élevé à 430 points de base fin juin. Enfin, le recalibrage déjà amorcé de la Banque centrale vers une politique monétaire plus prudente (par le biais d’une baisse du taux directeur de moindre ampleur) viendrait aussi en appui au forint hongrois.
Poursuite des efforts budgétaires
Les efforts de consolidation entamés depuis l’été 2022, associés avec une forte hausse du PIB nominal, avaient permis de réduire le déficit budgétaire d’un point par rapport à l’année précédente à 6,2% du PIB en 2022. Ce ratio s’est néanmoins aggravé l’an dernier (6,7% du PIB) sous l’effet d’une augmentation des pensions, du prolongement d’une partie des mesures de soutien gouvernementales introduites en 2022 et de la montée des charges d’intérêts sur la dette. Celles-ci ont lourdement pesé dans le budget, notamment en raison de l’augmentation du service de la dette liée aux obligations indexées sur l’inflation. Rappelons que l’inflation a atteint 17,6% en moyenne en 2023 (14,5% en 2022 et 5,1% en 2021). En 2023, les intérêts exprimés en pourcentage des recettes budgétaires ont presque doublé à 11,1% en 2023 contre 6,6% en 2022.
En dépit des mesures de consolidation, le déficit budgétaire devrait inévitablement dépasser le seuil de 3% du PIB fixé dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance de l’UE en 2024 et en 2025. Les autorités tablent sur un déficit budgétaire rapporté au PIB moins prononcé que l’an dernier mais l’ont tout de même révisé à la hausse, à 4,5% du PIB en 2024 contre 2,9% initialement prévu dans le budget 2024. Déjà, le cumul du déficit sur les quatre premiers mois de l’année a atteint 3,2% du PIB. La charge d’intérêts continuera de peser sur les dépenses à court terme, même si l’arrêt temporaire des émissions obligataires indexées sur l’inflation ainsi que la légère baisse des taux obligataires apporteraient un certain répit. Le ratio de dette publique rapportée au PIB pourrait franchir le seuil des 70% dès cette année, puis augmenter au moins jusqu’en 2026.
Conséquence de cette situation, dans son dernier rapport de juin, la Commission a annoncé son intention d’ouvrir une procédure pour déficit excessif et ce, dès juillet. Cette situation peut a priori constituer un sujet de préoccupation. Pour autant, la dette publique reste soutenable à court/moyen terme. Les autorités se sont engagées à resserrer la discipline budgétaire, ce qui suggère que de nouvelles mesures pourraient être annoncées prochainement. A court terme, le processus d’ajustement sera sans doute graduel compte tenu des nombreux défis auxquels le pays est confronté (nécessité de renforcer les dépenses militaires face aux tensions géopolitiques, maintien des mesures de soutien, retrait progressif des taxes sur les profits exceptionnels à court terme). Les élections législatives prévues en 2026, qui sont en général précédées de mesures généreuses sur la période pré-électorale, vont limiter la capacité du gouvernement à contenir le déficit budgétaire à court terme. Dans ce contexte, le retour vers un excédent primaire ne se ferait pas avant 2027 probablement.
Dans le cadre des réformes du Pacte de stabilité et de croissance, un processus d’ajustement sur les 4 prochaines années est prévu en cas de déficit excessif, ceci afin de ramener le déficit budgétaire en dessous de 3% du PIB. Dans le cas contraire, le pays risquerait une suspension des fonds européens.
Achevé de rédiger le 26 juin 2024