Après avoir été en récession en 2023 (-0,8% en moyenne annuelle), en raison de la chute de l’investissement, de la forte inflation et du déclin des salaires réels, la croissance autrichienne devrait rester faible cette année (+0,3% selon la Commission européenne). Au T1, le PIB réel n’a progressé que de 0,2% t/t, toujours tiré vers le bas par le recul de l’investissement (-4,7% t/t, contribution de -1,1 pp à la croissance), mais néanmoins tiré vers le haut par le rebond de la consommation privée (+0,8% t/t, contribution de +0,4 pp), lui-même soutenu par le retour des hausses de salaires réels et par la résilience du marché du travail.
L’Autriche, qui est fortement dépendante de son activité industrielle, a été, en 2023, négativement impactée par la hausse des prix de l’énergie, le ralentissement du commerce mondial de marchandises, et la faible activité économique en Europe – plus particulièrement de celle de l’Allemagne[1].
L’économie a finalement réussi à enregistrer une légère croissance[2] au premier trimestre 2024, et les principaux indicateurs conjoncturels suggèrent que l’activité devrait rester faible mais positive au deuxième trimestre.
Une faiblesse persistante de l’industrie et de la construction
L’activité des secteurs de l’industrie et de la construction est restée faible sur la première partie de l’année. L’environnement de taux d’intérêt et de prix de l’énergie toujours élevés, associé aux hausses importantes des coûts unitaires du travail en Autriche (7,4% a/a au T4 2023 contre 3,4% a/a pour la zone euro), continuent de peser sur ces deux secteurs.
En avril, l’indice de production industrielle (IPI) affichait toujours une tendance négative (-1,3% a/a), ce qui était également le cas pour le secteur de l’industrie incluant la construction (-0,4% a/a). Néanmoins, la situation devrait progressivement s’améliorer au cours de l’année, à mesure que la désinflation s’accentuera et que l’activité des principaux partenaires commerciaux de l’Autriche reprendra. Bien qu’ils demeurent très éloignés de leurs tendances de long terme[3], ces deux indices de production se sont déjà nettement redressés par rapport au mois de mars (+2,2 pp et +3,2 pp respectivement).
Les nouvelles commandes dans les deux secteurs ont également fortement progressé en avril (+7,9% et +14,4% a/a respectivement), ce qui laisse penser que l’activité devrait reprendre quelques couleurs dans les mois à venir. C’est également ce que tendent à suggérer les résultats encourageants de l’enquête PMI d’UniCredit Bank Austria, réalisée au mois de mai. Bien que l’indice global reste en dessous du seuil de 50 (à 46,3), il a toutefois grimpé à son meilleur niveau depuis près de quinze mois, en raison notamment du ralentissement du déclin des nouvelles commandes (47,1 ; +3,6 points sur un mois) et d’une amélioration des anticipations concernant la production sur l’année à venir (56,3 ; +0,8 point).
La consommation privée devrait continuer de faire contre-poids
Après avoir contribué négativement à la croissance du PIB réel en 2023 (-0,3 pp), la consommation privée a été le principal facteur de la croissance autrichienne au T1 2024. Elle devrait rester bien orientée tout au long de l’année en raison de la réduction de l’inflation (3,3% a/a en mai contre 5,7% en décembre 2023), qui, combinée à la forte croissance des salaires négociés (+8,8% a/a en avril) soutient le pouvoir d’achat des ménages.
De son côté, le marché du travail s’est montré plutôt résilient malgré la mauvaise conjoncture économique. Le taux de chômage est resté modéré (6,4% en mai) et inférieur à sa moyenne de long terme (7,2% sur la période 1999-2019) ; le taux d’emploi est, quant à lui, resté élevé, à 73,3% au T1 2024, et non loin de son meilleur niveau historique enregistré au T3 2023 (74,9%). Les perspectives sont positives, le taux de vacance étant toujours plus de 1 point supérieur à son niveau prépandémique (4,4% au T1 2024) – il l’est particulièrement dans les secteurs de la santé, des services et des transports.
L’activité touristique a également été importante durant la saison hivernale 2023/2024, ce qui a stimulé la croissance des exportations (+2,6% t/t). En effet, bien qu’il soit toujours inférieur à son niveau pré-Covid de la saison 2018/2019, le nombre d’arrivées de touristes a été de 19,9 millions, ce qui représente tout de même une hausse de 5,5% par rapport à la saison 2022/2023.
2024, une « super-année » électorale
L’année 2024 est une « super-année » électorale pour l’Autriche, avec la tenue des élections européennes, des élections du Conseil national[4], de deux élections régionales, et de très nombreuses consultations communales. Comme anticipé par les sondages, le Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ) est arrivé en tête des élections européennes (avec 25,5% des voix et 6 eurodéputés). Il s’agit de la première fois que ce parti de droite populiste remporte un scrutin national, dépassant ainsi le parti populaire (ÖVP) (24,7%) et le parti social-démocrate (SPÖ) (23,2%). Les résultats des élections européennes en Autriche, couplés à la fragmentation récente du paysage politique national, rendent incertain le maintien au pouvoir de la coalition actuelle (composée de l’ÖVP et des Verts). Les derniers sondages confirment d’ailleurs la place de favori du FPÖ pour les élections du Conseil national du 29 septembre. Toutefois, bien qu’il puisse réaliser son meilleur score lors de ces élections (environ 30% des voix), le FPÖ devra s’allier avec un autre parti pour gouverner. Néanmoins, une coalition semble compliquée, les dirigeants des cinq autres partis ayant exclu toute alliance avec ce dernier.
Achevé de rédiger le 14 juin 2024