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Slovénie | Plus vulnérable au moteur allemand qu'au frein américain

24/06/2025
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L’économie slovène est très ouverte, ce qui la rend très sensible à la conjoncture de ses principaux partenaires et à l’évolution du commerce mondial. Le trou d’air enregistré en ce début d’année découle des perturbations du commerce mondial. La consommation des ménages et l’investissement public devraient continuer de soutenir l’activité. L’inflation repart légèrement à la hausse sur fond de pressions salariales et d’une possible hausse des prix de l’énergie. La reprise des dépenses du gouvernement devrait entraîner une hausse du déficit budgétaire, mais sans provoquer de dérapage et en gardant sous contrôle l’évolution de la dette. Les effets de la politique commerciale étatsunienne devraient rester modérés. La conjoncture allemande reste toutefois l’élément déterminant des performances extérieures slovènes.

Ralentissement de l’activité

L’activité économique a connu un trou d’air au T1 2025 (-0,8% y/y), alors que le reste de la zone euro résistait encore (+1,5% y/y). La contribution négative du commerce extérieur en est le principal facteur en raison du repli des exportations (-0,2%), en dépit du ralentissement des importations, reflet de la modération de la consommation des ménages. Selon la Banque centrale, cette contre-performance serait à mettre en lien avec le durcissement attendu du commerce international. Le rebond de l’activité économique au T1 (+0,4% t/t et 0% a/a) en Allemagne, premier partenaire commercial de la Slovénie, n’a pour l’heure pas produit d’effet tangible sur l’économie slovène.

Par ailleurs, la dynamique de l’investissement reste orientée négativement (-5,1% y/y) pour le quatrième trimestre consécutif, en lien avec la forte baisse d’activité dans la construction (-6,0%). La consommation des ménages, bien qu’en modeste progression (+0,4%), est poussive. Malgré la progression des salaires en termes réels et la stabilité de l’emploi, l’indicateur de confiance des consommateurs reste déprimé. Comme au cours de l’année 2024, c’est donc la dépense publique qui reste le principal moteur de l’activité (+2,6% y/y) grâce notamment aux dépenses de reconstruction consécutives aux inondations de mi-2023.

Prévisions économiques de la Slovénie

Le taux de chômage reste proche de ses plus bas niveaux (4,9% en février). Le marché du travail reste tendu et le recours à de la main d’œuvre étrangère croît. En effet, le vieillissement de la population implique que la croissance de l’emploi est essentiellement due aux non nationaux, principalement dans les secteurs intensifs en travail.

À court terme, les incertitudes liées à l’évolution du commerce international représentent le principal frein à l’activité économique. En effet, la poursuite de la hausse des salaires réels, le dynamisme du marché du travail et la baisse des taux d’intérêt dans la zone euro devraient être favorables à la consommation des ménages. Sur l’ensemble de l’année 2025, la croissance slovène devrait égaler celle de la moyenne de la zone euro (1,2%).

Slovénie : contributions à la croissance du PIB réel

À moyen terme, la consommation gouvernementale devrait bénéficier de l’effort européen de réarmement dans le cadre du programme ReArm Europe/Readiness 2030 qui inclut notamment une augmentation des dépenses militaires des pays membres et des financements dédiés au soutien du secteur. Les dépenses d’armement de la Slovénie sont estimées à 1,35% du PIB en 2024 et le gouvernement s’est engagé à atteindre 2% d’ici 2030. L’effort de défense devrait contribuer à porter l’activité du secteur. Selon la Banque centrale, même si le secteur de la défense n’occupe que 1% de la main d’œuvre slovène et ne contribue qu’à 1% de la valeur ajoutée du pays, environ 70% de ses entreprises sont orientées vers l’exportation.

Persistance de l’inflation

L’inflation des prix à la consommation est repartie en hausse depuis fin 2024. Elle devrait atteindre 2,8% en moyenne sur l’ensemble de l’année 2025. Depuis le début de l’année, la hausse des prix a été notamment tirée par les prix des produits alimentaires (+3,6% y/y en moyenne). Au cours de l’année 2025, la hausse des prix du pétrole (en raison des tensions géopolitiques) et celle des coûts salariaux continueront d’alimenter l’inflation. De plus, l’assouplissement monétaire en cours de la BCE ne favorise pas la modération de la demande de crédit. En avril, le crédit aux ménages progressait de 6,5% en g.a. et celui à la consommation de 12,3%. A contrario, l’appréciation de l’euro sur les marché internationaux devrait limiter l’inflation importée.

Une escalade des tensions géopolitiques au Moyen-Orient pourrait fortement perturber les marchés des hydrocarbures et accélérer le rythme d’inflation. On estime, en effet, qu’au niveau de la zone euro, une hausse de 10% des prix du pétrole et du gaz ajouterait environ 17,5 pb à l’inflation. La Slovénie est sensible aux variations du prix du pétrole (35% de son mix énergétique), moins à celles de gaz naturel (11%). Par ailleurs, en 2026, la réduction progressive de la pression salariale sur les coûts de production devrait contribuer à réduire les pressions inflationnistes (+2% en moyenne).

Dans un contexte de baisse de l’inflation en 2025 en zone euro, la réduction des principaux taux d’intérêt de la BCE, initiée en juin 2024, devrait se poursuivre jusqu’en septembre prochain. Pour le moment, la hausse des tensions géopolitiques ne remet pas en cause ces perspectives. Néanmoins, un blocage du transport des hydrocarbures au Moyen-Orient, qui pousserait les prix du pétrole à des niveaux très élevés, pourrait remettre en cause la trajectoire déflationniste européenne et la poursuite de la baisse des taux.

Déficit budgétaire en hausse mais sous contrôle

Les comptes publics devraient modérément se détériorer en 2025 et 2026 après un remarquable effort de consolidation budgétaire. Il a permis d’enregistrer un déficit inférieur à 1% du PIB en 2024 alors que le gouvernement prévoyait 2,9%. Le déficit atteindrait 1,5% du PIB en 2025 et 2% en 2026. Le ralentissement attendu de la croissance en 2025 devrait cependant peser sur les recettes fiscales. Parallèlement, les dépenses d’investissement, qui ont fortement baissé en 2024, devraient reprendre et l’effort de reconstruction consécutif aux inondations de 2023 se poursuivrait. Par ailleurs, les taux longs de la dette publique devraient être orientés à la hausse dans les trimestres à venir. En effet, nous anticipons une hausse d’environ 80 pb du taux de référence allemand à 10 ans.

Slovénie : solde budgétaire

Néanmoins, la hausse de la charge d’intérêt resterait modérée et atteindrait 1,35% du PIB en 2026 (1,24% en 2023). La baisse du ratio de dette du gouvernement devrait se poursuivre. Elle devrait être équivalente à 63% du PIB en 2028 (67% en 2024).

Commerce extérieur : effets modérés de la guerre commerciale avec les États-Unis

Le taux d’ouverture de l’économie slovène est très élevé (le ratio importations + exportations en pourcentage du PIB dépasse les 170%), mais son exposition directe au marché américain est limitée (environ 2,5% des exportations totales de biens). D’une manière générale, la Slovénie dégage un excédent commercial avec les États-Unis, mais son montant est très faible (EUR 0,5 md en 2023). En application du taux réciproque, les exportations slovènes à destination des États-Unis sont actuellement taxées à 10%. Selon les données nationales pour 2024, environ 18% des exportations sont soumises à un régime spécifique (acier, aluminium et automobiles), tandis que 2% sont exemptées du taux réciproque (produits pharmaceutiques). Selon nos estimations, le recul des exportations qui en découlerait affecterait négativement le PIB de moins de 0,2%, toutes choses égales par ailleurs. À cet effet direct s’ajoutent des effets indirects sectoriels. Selon les données de l’OCDE de 2020, la prise en compte de l’exposition indirecte pourrait en doubler l’impact. Plus généralement, le taux d’ouverture élevé de l’économie rend celle-ci vulnérable aux effets du ralentissement du commerce mondial (+1,7% attendu en 2025 contre +3,8% en 2024 selon le FMI).

Au total, même si elles sont assez faiblement exposées au marché américain, les exportations slovènes de biens devraient rester contraintes en 2025. En effet, les perspectives d’activité en l’Allemagne, principal débouché des exportations slovènes (environ 17% du total), sont mitigées. En 2024, la récession en Allemagne a été la principale cause du faible dynamisme des exportations slovènes. En 2025, la croissance allemande atteindrait selon nos prévisions 0,4% avant de se redresser encore à 1,0% en 2026. La crise profonde du secteur automobile allemand affecte particulièrement les exportations slovènes (le secteur automobile représente 1/5e des exportations). Néanmoins, à moyen terme, les objectifs d’investissements allemands devraient profiter aux exportations de biens d’équipement slovènes vers ce pays (environ 30% des exportations).

Achevé de rédiger le 16 juin 2025

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