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France : La croissance rebondit malgré les incertitudes

17/12/2025
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La croissance française rebondit depuis le T2 2025, en raison de la production aéronautique et de l’investissement des entreprises dans un contexte de repli des taux d’intérêt. Deux supports qui se sont ajoutés à des soutiens déjà présents : la croissance des services et celle de la consommation publique. En 2026, ces tendances se poursuivraient et les exportations bénéficieraient du rebond de la croissance allemande. L’inflation resterait faible et la consommation des ménages se raffermirait modérément, dans un contexte d’incertitude politique toujours élevée. La croissance du PIB français retrouverait en 2026 son niveau de 2024 (1,1%), après 0,8% en 2025.

Rebond de la croissance

La croissance française retrouve des couleurs depuis juin 2025 (+0,5% t/t au T3) avec le rebond de la production aéronautique. Cette dernière avait stagné entre décembre 2023 et mai 2025, à près de 20% en deçà du niveau pré-Covid ; elle ne lui est plus inférieure que de 6% en moyenne depuis. En année pleine, cette vigueur apporterait près de 0,3 point de croissance supplémentaire au PIB français. Dans le même temps, l’industrie a bénéficié d’un début de rebond des exportations vers l’Allemagne, qui devrait se poursuivre en 2026.

CROISSANCE ET INFLATION (MOYENNE ANNUELLE)

L’investissement des sociétés non financières s’est également redressé. Stabilisé à un bon niveau depuis près d’un an (taux d’investissement à 21,5% de la valeur ajoutée, 1 point au-dessus de sa moyenne historique), il a progressé de 0,8% t/t au T3 (soutenu par les investissements dans le digital et l’IA), dans un contexte de baisse des taux d’intérêt. Ce rebond n’a pas été altéré par la hausse des prélèvements obligatoires, le niveau des marges des entreprises reflétant une bonne profitabilité (31,5% au T3 2025, contre 31% en moyenne historique depuis 2010).

Ces dynamiques positives soutiendraient la croissance en 2026 (à 1,1% après 0,8% en 2025) et se renforceraient en 2027 (1,3%). Ces éléments positifs s’ajoutent aux deux supports structurels qui ont continué de soutenir la croissance même lorsqu’elle était basse : la croissance tendancielle des services et l’augmentation de la consommation publique (la consolidation budgétaire n’amputant pas véritablement son rythme de croissance). Enfin, il est probable que la croissance de la consommation des ménages redémarre (après une stagnation entre le T3 2024 et le T3 2025).

L’investissement public (dans un contexte de consolidation budgétaire) et l’investissement des ménages seraient les parents pauvres de cette croissance. Pour ce dernier, la rareté du foncier perdure et la majeure partie du rebond des achats concerne l’ancien, ce qui devrait continuer de caractériser 2026 et 2027.

Stabilité des taux des crédits et des prix de l’immobilier

Les taux des nouveaux crédits à l’habitat aux ménages sont stables depuis sept mois, proches de 3% en septembre 2025. Leur déconnexion avec le taux de l’OAT 10 ans, qui a légèrement augmenté sur la même période, s’accentue. Elle s’explique par la relative stabilité, depuis juillet 2025, du taux swap 10 ans qui constitue un meilleur indicateur de l’évolution du coût des ressources bancaires adossées aux crédits à taux fixes. La reprise des nouveaux crédits, enregistrée au premier semestre, a fait long feu. Entre juin et septembre 2025, les flux mensuels de nouveaux crédits se sont établis autour de EUR 13 mds, sur fond de stabilisation des taux. Cette production nouvelle suffit à peine à assurer la croissance de l’encours (+0,3% sur un an en septembre) en raison des flux de remboursements inhérents à l’abondance des nouveaux crédits durant la période de taux bas.

Les conditions de crédit se sont stabilisées et ne constituent plus un facteur de soutien au pouvoir d’achat immobilier des ménages. Pourtant, les volumes de transactions ont poursuivi leur reprise. En août 2025, le nombre de ventes cumulées sur douze mois (916 000) enregistrait, pour le sixième mois consécutif, une évolution annuelle positive (+10%). Les prix des logements anciens ont néanmoins été stables entre le T2 et le T3 2025, accusant même un léger repli par rapport au T1 (-0,5%). Après le net rebond des mises en chantier entre mai et août 2025, la reprise a connu un coup d’arrêt en septembre (-8,9% m/m). Après trois années consécutives de baisse, la construction de logements cumulée sur un an se caractérisait par des volumes particulièrement bas en juillet. Les prix des logements neufs, en recul entre le T4 2023 et le T3 2024, se redressent depuis (+2,7% en sur un an au T2 2025).

Dans un contexte très concurrentiel, notre scénario de taux (taux du marché monétaire et taux swap) suggère une relative stabilité des taux moyens des prêts à l’habitat au cours du prochain trimestre, voire au-delà. Cette stabilité contrasterait avec la poursuite de la remontée modérée des rendements souverains allemands et français à 10 ans, que nous envisageons à l’horizon de la fin de 2026. Conjuguée au ralentissement du revenu par ménage (du fait, notamment de la dissipation des effets de rattrapage qui ont joué en 2025), les volumes de transactions devraient s’infléchir et les prix ne progresser que modérément, voire s’assagir selon leur localisation, au cours des prochains trimestres.

Marché du travail : une érosion mais pas de détérioration marquée

La résilience du marché du travail soutiendra la consommation des ménages dans les prochains trimestres. Une résilience relative puisque le taux de chômage a augmenté à 7,7% au T3 2025 (contre 7,4% au T3 2024) et que 100 000 emplois nets salariés ont été détruits en un an.

Toutefois, le solde d’opinion sur les craintes du chômage (incorporé par l’Insee dans la confiance des ménages) a augmenté de 30 points pour atteindre un pic à 60 en mai 2025. En 2013, une hausse dans cette proportion avait été suivie par une augmentation du chômage de près de 2 points (0,3 pp cette fois). Conséquence de la résilience du marché du travail, le solde d’opinion a commencé à refluer de près de 12 points entre mai et novembre.

SOLDE D’OPINIONS DES MÉNAGES SUR LE CHÔMAGE
VS. TAUX DE CHÔMAGE (%)

Par ailleurs, la détérioration de l’emploi provient pour près de la moitié du reflux de l’apprentissage (baisse du soutien budgétaire), mais sans que cela génère davantage d’inactivité : le taux d’emploi (69,4% au T3, +3 points par rapport à l’avant Covid) reste proche de son point haut. À partir de 2026, le raffermissement de la croissance devrait stopper les destructions d’emplois permettre une stabilisation du taux de chômage.

Inflation faible et rebond modéré des salaires réels

L’inflation harmonisée est revenue depuis février 2025, à son niveau pré-Covid (1% a/a), tirée vers le bas par les prix de l’énergie (électricité, baril), dont la baisse a été accentuée par l’appréciation de l’euro contre le dollar. L’inflation sous-jacente s’est modérée avec la stabilisation des prix des biens manufacturés, tandis que la désinflation est plus lente sur les services. En 2026, l’inflation resterait voisine de 1%. La baisse des prix de l’énergie serait moindre, mais l’inflation dans les services poursuivrait son ralentissement.

La croissance des salaires nominaux ralentirait (+1,6% en 2026 après +2% en 2025) et l’inflation sous-jacente atteindrait 1,2% (1,6% en 2025). La progression du pouvoir d’achat serait moindre (+0,5% en 2026 contre +1,2% estimé en 2025), mais davantage fondée sur la dynamique salariale. Dans un environnement de faible inflation et de taux de chômage stabilisé, cela permettrait de confirmer le reflux du taux d’épargne des ménages qui a diminué de 18,7% au T2 2025 à 18,4% au T3. En 2026, sa baisse resterait modérée (à 18,3%), avant de se renforcer en 2027 (à 17,6%), après deux années de hausse qui l’ont conduit à 18,6% en moyenne en 2025 (+2 pp en deux ans). La consommation des ménages croîtrait de près de 1% en 2026 et en 2027 (après 0,4% en 2025).

Une consolidation budgétaire limitée, reposant sur les recettes

Selon le Haut Conseil des Finances Publiques (HCFP), la probabilité est forte que la cible d’un déficit à 5,4% du PIB en 2025 soit atteinte (contre 5,8% en 2024). Cela marquerait la première diminution du déficit budgétaire depuis 2022. Toutefois, les dépenses publiques se maintiendraient à près de 57% du PIB en 2025 (davantage qu’avant Covid), principalement en raison de l’augmentation des dépenses sociales. Le déficit se réduirait donc grâce à un rebond des recettes.

FRANCE : DÉCOMPOSITION DU SOLDE COURANT (MDS EUR)

Les débats budgétaires au Parlement suggèrent que le budget 2026 devrait appliquer la même recette : une ambition de réduction du déficit plus modérée que celle du gouvernement (5% selon nos prévisions contre 4,7%), grâce essentiellement à une augmentation des recettes (sur les entreprises, l’épargne et le patrimoine). Du coté des dépenses, le gouvernement doit composer avec une hausse des dépenses de défense, de la contribution au budget de l’UE, une difficulté à faire adopter tout freinage des dépenses sociales (impact du vieillissement, absence de sous-indexation) et une charge d’intérêts en hausse (2,5% en 2026 contre 2,2% en 2025). L’accroissement des recettes permettrait d’améliorer le solde primaire de 0,7 point, à 2,5% du PIB en 2026.

Ces contraintes continueraient de peser d’ici à la fin de la décennie et le déficit public ne reviendrait à 3% du PIB qu’en 2030. Et tant que le déficit ne sera pas de retour à ce niveau, la dette publique devrait continuer à augmenter, à près de 121% du PIB en 2030. L’augmentation des taux d’intérêt souverains (pénalisés par l’incertitude politique et la trajectoire haussière sur la dette publique) reste contenue : le spread France-Allemagne sur le taux à 10 ans oscille entre 65 et 80 pb, et devrait en faire autant en 2026.

Les exportations soutiendront la croissance

Entre mi-2024 et mi-2025, la stagnation des exportations aéronautiques et le repli des exportations vers l’Allemagne ont expliqué la contribution nettement négative du commerce extérieur à la croissance du PIB. Le rebond observé à partir du T3 2025, tant dans l’aéronautique que dans les ventes à destination de l’Allemagne, devrait se poursuivre. Les exportations vers les États-Unis ont été stables malgré les droits de douane additionnels.

Au global, le déficit commercial sur les biens devrait se réduire en 2026. En parallèle, l‘excédent dans les services est relativement stable. Ainsi, la contribution nette à la croissance du commerce de biens et services devrait être positive en 2026. En parallèle, le solde des revenus, auparavant excédentaire, enregistre un déficit mesuré. Ces évolutions sont cohérentes avec le maintien d’un relatif équilibre du solde courant dans les prochaines années.

Achevé de rédiger le 9 décembre 2025

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