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Espagne | Moteur de la croissance européenne, un élan durable ?

17/12/2024
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La surperformance espagnole devrait perdurer tout au long de notre horizon de prévision. La consommation privée resterait le moteur de la croissance du PIB, portée par le ralentissement de l’inflation et la vigueur du marché du travail. La contribution du commerce extérieur serait moindre du fait d’une hausse attendue des importations et des potentiels effets de second tour d’un renchérissement des droits de douane américains sur les exportations espagnoles. L’investissement devrait rebondir, soutenu par les fonds NGEU et le desserrement monétaire. Enfin, malgré l’absence de projet de budget pour 2025, la consolidation fiscale devrait se poursuivre au cours des deux prochaines années.

Pas de nuages dans l’horizon économique

CROISSANCE ET INFLATION

L’activité économique espagnole est restée soutenue tout au long du premier semestre 2024, principalement portée par le commerce extérieur et la reprise progressive de la consommation privée. Au vu des résultats préliminaires de croissance pour le T3 et des premières données disponibles pour le T4, nous anticipons une croissance toujours dynamique sur l’ensemble de la seconde partie de l’année. Selon nos prévisions, le PIB réel devrait croître de 0,7% t/t au T4, ce qui porterait la croissance en 2024 à 3,1% en moyenne annuelle, surperformant encore largement celle de la zone euro (0,8%).

Tout au long de notre horizon de prévision, nous anticipons une croissance majoritairement soutenue par la consommation privée, elle-même portée par le dynamisme du marché du travail, la croissance des salaires nominaux et le ralentissement de l’inflation qui poussent à la hausse le pouvoir d’achat des ménages. L’investissement devrait, de son côté, progressivement rebondir, en raison du déboursement progressif des fonds du plan de relance de l’Union européenne, de la politique de desserrement monétaire initiée par la BCE ainsi que de l’amélioration de la situation financière des sociétés non financières[1]. La consommation publique bénéficiera également du décaissement des fonds européens. La contribution positive du commerce extérieur à la croissance devrait, quant à elle, graduellement diminuer. Les exportations de services resteraient certes importantes au cours des prochaines années, du fait notamment de flux touristiques toujours massifs. Mais les importations devraient croître, soutenues par la demande intérieure. Au cours des deux prochaines années, l’Espagne resterait ainsi le moteur de la zone euro bien que sa croissance ralentirait progressivement (2,5% en 2025 et 1,8% en 2026).

Malgré ces bonnes perspectives, la balance des risques entourant notre scénario central reste négative. Les conséquences de la hausse des tarifs douaniers sur les exportations à destination des États-Unis (voir notre Focus : Hausse des droits de douane américains : les conséquences sur l’Espagne seront limitées), les tensions énergétiques et géopolitiques mondiales, ou encore la potentielle détérioration de la situation économique des principaux partenaires commerciaux de l’Espagne, sont des facteurs d’incertitude. Ils pourraient négativement impacter notre scénario.

L’immigration continuera de dynamiser le marché du travail

TAUX DE CHÔMAGE EN ZONE EURO

La vigueur du marché du travail, observable depuis 2021, demeure l’une des principales sources de la croissance réelle et potentielle espagnole. Le nombre d’affiliés à la sécurité sociale n’a cessé d’augmenter (21,3 millions en octobre, soit +3,5% depuis le début de l’année) et devrait continuer de le faire en 2025 et 2026, principalement soutenu par la main d’œuvre immigrée (+5,8% sur un an et 15,1% du nombre total de travailleurs inscrits au T3). De son côté, le taux de chômage a nettement baissé (11,2% en novembre, contre 13,5% en novembre 2021). À moyen terme, il devrait se rapprocher de son niveau d’équilibre, à 9,6% en 2026, selon les prévisions du gouvernement espagnol, dépassant toujours largement la moyenne européenne (6,3%[2]).

Un ralentissement progressif de l’inflation

Depuis son pic d’août 2022 à 10,5% a/a, l’inflation harmonisée a fortement ralenti (2,4% en novembre 2024 selon l’estimation flash d’Eurostat). Du fait de la décélération continue des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, cette tendance devrait se poursuivre en 2025 et 2026 (2,2% en moyenne annuelle respectivement). L’inflation sous-jacente resterait cependant plus élevée sur la période en raison des pressions sur les prix des services, liées à la demande touristique forte et aux tensions sur les salaires (croissance des salaires négociés de 3,0% a/a au T3 2024).

L’absence de budget pour 2025 n’assombrit pas les perspectives des finances publiques

DEPUIS 2023, LA CROISSANCE DE LA POPULATION EXPLIQUE
EN GRANDE PARTIE LA PERFORMANCE.
LE PIB PAR HABITANT RESTE RELATIVEMENT PLAT

Compte tenu de sa position minoritaire au parlement, le gouvernement de Pedro Sanchez peine à faire adopter ses initiatives législatives. Après avoir prolongé le budget de 2023 en 2024, le Trésor public fera de même au cours des premiers mois de 2025, faute de présentation d’un projet de budget pour l’année à venir. Les perspectives des finances publiques n’ont donc pas été clairement annoncées.

Néanmoins, nous anticipons une diminution du déficit budgétaire au cours des deux prochaines années, en raison d’une baisse des dépenses publiques (notamment induites par la fin du soutien au secteur privé qui répondait à la hausse des prix de l’énergie) et d’une hausse des recettes (hausses des recettes des cotisations sociales induites par l’augmentation du nombres d’employés et la suppression de la réduction de TVA sur les denrées alimentaires de base). Cette réduction du déficit public[3], associée à la forte croissance du PIB nominal attendue au cours des années à venir, permettrait au ratio de dette publique de diminuer davantage, bien qu’il resterait très probablement supérieur à 100% sur l’horizon de prévision.

La situation de débiteur net international de l’Espagne a continué de s’améliorer en 2023

Au cours de la dernière décennie, le compte courant espagnol est resté excédentaire (1,7% de PIB en moyenne entre 2012 et 2023). Après avoir décliné en raison de la pandémie, cet excédent a augmenté en 2023 (2,7% de PIB) grâce à la forte baisse des prix de l’énergie et à l’excédent significatif de la balance des services (induit par l’essor de l’industrie touristique). Ce redressement, associé à la forte croissance du PIB nominal, a permis à la position nette d’investissement international de l’Espagne de s’améliorer depuis 2021 (passant de -72,1% du PIB au T3 2021 à -45,3% au T3 2024).

Vulnérabilités structurelles : défis sur le marché du travail

Bien qu’il fasse preuve d’une certaine vigueur depuis la réforme de 2021, le marché du travail reste l’un des points noirs de l’économie espagnole. Le taux de chômage des jeunes (26,7% en octobre) demeure élevé en comparaison de celui de la zone euro (15%), ce qui montre que l’inadéquation entre la formation et les besoins du marché du travail est plus marquée qu’ailleurs. De plus, le nombre de chômeurs de longue durée stagne à un niveau élevé, autour de 1 million depuis le T2 2023. Dans un contexte de vieillissement de la population active, cela laisse supposer qu’il s’agit d’une main d’œuvre plutôt âgée et difficile à réinsérer. D’autres réformes structurelles du marché du travail paraissent donc nécessaires pour améliorer la productivité et réduire le taux de chômage.

FOCUS | Hausse des droits de douane américains : les conséquences sur l’Espagne seront limitées

Sans surprise, l’Espagne ne sera pas le pays de la zone euro le plus impacté par les hausses de droits de douane sur les exportations à destination des États-Unis. D’un côté, sa forte dépendance au secteur des services (75% de la valeur ajoutée brute) le protège significativement des hausses de tarifs douaniers ; de l’autre, l’exposition directe de l’Espagne aux États-Unis est assez faible (la part des exportations totales de biens espagnols à destination des États-Unis ne correspond qu’à 5,4% des exportations totales espagnoles, soit 2% du PIB), ainsi l’impact de premier tour, par le canal des échanges, sera modéré.

Néanmoins, il paraît clair que des effets de second tour du ralentissement de la croissance de ses principaux partenaires commerciaux européens (Allemagne, France et Italie) affecteront les exportations espagnoles à destination de ces pays et joueront négativement sur l’activité domestique au cours des deux prochaines années.

Achevé de rédiger le 2 décembre 2024


[1] Niveaux d’endettement des SNF au plus bas depuis 22 ans (81,3% du PIB au T2 2024).

[2] Prévision de la Commission européenne.

[3] Estimée à -3,0% du PIB en 2024, -2,6% en 2025 et -2,7% en 2026 par la Commission européenne.

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