Depuis sa prise de fonction, le président américain Donald Trump a confirmé une partie de ses menaces de hausses des tarifs douaniers mais les craintes d’une application universelle et massive ne sont plus aussi fortes. Il ne décidera de mettre ses menaces à exécution qu’à l’issue d’un audit des relations commerciales des États-Unis avec l’ensemble des partenaires commerciaux, audit qui devrait lui être rendu début avril. D’ici là et même sur l’ensemble de l’année 2025, les divergences de trajectoire du commerce mondial entre pays avancés et pays émergents et en développement (PED) devraient s’accentuer. Les échanges commerciaux des PED progresseraient sensiblement plus vite en 2025 (5%) que durant la période 2012-2018 d’avant covid-19 (+3,9% par an en moyenne), alors que ce serait l’inverse pour les pays avancés. Le facteur d’incertitude de la politique commerciale américaine pourrait accélérer la réorientation des exportations des pays émergents d’Asie de sorte que les effets indirects d’une augmentation des barrières tarifaires pourraient finalement compenser les effets directs négatifs.
Depuis sa prise de fonction, le président Trump a confirmé ses menaces de hausses des tarifs douaniers soit pour protéger les producteurs américains, soit comme instrument de pression de sa politique migratoire et de lutte contre le narcotrafic (vis-à-vis du Canada et du Mexique ou de la Colombie).
Usage de la menace
Toutefois, les craintes d’une application universelle et massive ne sont plus aussi fortes. D’un côté, le président fait pression sur le Mexique et le Canada d’une hausse de 25% des tarifs douaniers sur leurs importations (10% seulement sur les importations de pétrole). D’un autre côté, il a été plus tempéré vis-à-vis de la Chine que pendant la campagne électorale avec une hausse des tarifs douaniers de 10%. D. Trump a concentré ses attaques sur ses partenaires de l’USMCA au titre des politiques migratoire et sanitaire plus que la politique commerciale, conformément à la stratégie de négociation globale qu’il affectionne. Mais, à l’exception de la Chine, il n’a cité aucun autre pays émergent au titre uniquement de la politique commerciale.
Le président américain ne décidera de mettre ses menaces à exécution qu’à l’issue d’un audit des relations commerciales des États-Unis avec l’ensemble des partenaires commerciaux, audit qui devrait lui être rendu début avril.
Un commerce mondial à double vitesse
La menace sur le commerce mondial d’un relèvement des tarifs douaniers n’interviendrait donc qu’à partir du deuxième trimestre. D’ici là, la reprise des échanges commerciaux devrait se poursuivre. D’après les prévisions du FMI de janvier, le commerce mondial devrait progresser de 3,2% après 3,4% en 2024. Les économistes du fonds ont révisé légèrement en baisse leur prévision par rapport à celle d’octobre pour tenir compte justement de l’incertitude en matière de politique commerciale. Mais cette incertitude est supposée transitoire car, à ce stade, le scénario central du FMI n’envisage pas une hausse des droits de douane généralisée de la part des États-Unis, encore moins une dérive vers une guerre commerciale.
Les divergences de trajectoire du commerce mondial entre pays avancés (PA) et pays émergents et en développement (PED) devraient s’accentuer. Les échanges commerciaux des PED progresseraient sensiblement plus vite en 2025 (5%) que durant la période 2012-2018 d’avant covid (+3,9% par an en moyenne), alors que ce serait l’inverse pour les PA (2,1% contre 3,4% par en moyenne sur 2012-2018). La raison est double.
Premièrement, indépendamment du facteur d’incertitude de la politique commerciale des États-Unis, la dynamique des échanges commerciaux va rester poussive pour la zone Euro + Royaume-Uni (moins de 2%).
Deuxièmement, le facteur d’incertitude peut se retourner contre les États-Unis en raison de la surévaluation du dollar qui neutralisera en grande partie l’effet supposé positif des hausses tarifaires pour protéger le made in America. À l’inverse, le facteur d’incertitude de la politique commerciale pourrait accélérer la réorientation des exportations des économies émergentes. Les pays d’Asie émergents hors Chine seront à ce titre les premiers bénéficiaires.
L’Asie émergente devrait de nouveau tirer son épingle du jeu
Déjà, en 2024, les exportations de la zone ont été dynamiques (+6%), bénéficiant du fort effet d’entrainement exercé par les exportations chinoises, lesquelles ont progressé de plus de 10%.
D’après les enquêtes auprès des directeur d’achat (PMI), les indices d’opinion des industriels sur leurs commandes à l’exportation sont pour la plupart supérieurs au seuil de 50 et sensiblement plus élevés que sur la période 2012-2018. En Inde, l’indice a même atteint un plus haut historique en janvier.
La Chine fait exception avec un indice inférieur à 50 et en forte baisse en janvier. Il est évident que la hausse des tarifs américains de 10% sur les produits chinois constituerait un frein au commerce intra zone.
Cependant, les pays de l’ASEAN ont su tirer parti des tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis depuis 2018. Dans leur rapport régional d’Octobre sur la zone Asie-Pacifique, les économistes du FMI ont montré que, pour plusieurs pays de l’ASEAN, les exportations de produits visés par une augmentation des barrières tarifaires (des États-Unis sur les produits chinois, de la Chine sur les produits américains, et de la Chine ou des États-Unis sur les produits des pays du reste du monde) ont augmenté plus vite que les exportations de produits non visés (i.e. des gains relatifs de part de marché), notamment parce que les exportations des produits visés ont été réorientés vers des marchés tiers autres que la Chine et les États-Unis. Il faut rappeller que ces effets de réorientation positifs sont allés de pair avec l’intensification des investissements directs étrangers chinois vers l’ensemble de la zone au cours des dernières années. En définitive, pour les pays d’Asie, sauf à ce que Donald Trump décide une hausse des tarifs douaniers à tous les pays de la région, les effets indirects d’une augmentation des barrières tarifaires pourraient compenser les effets directs négatifs.
Achevé de rédiger le 4 février 2025