Mais outre la question de l'efficacité des droits de douane (que nous avons notamment abordée ici et ici) le diagnostic est-il au moins le bon ? Les graphiques ci-dessous suggèrent que non. D'une part, la production industrielle américaine est celle qui a le mieux résisté de toutes les grandes économies avancées au cours des 15 dernières années. En outre, après un déclin initial marqué au cours de la première décennie du siècle, l'emploi industriel s'est redressé aux États-Unis, alors même qu'il diminuait presque partout ailleurs, y compris en Chine. Depuis le pic de 2012, la Chine a perdu 17 millions d'emplois industriels, tandis que les États-Unis en ont gagné près d'un.
Ce résultat remarquable reflète une productivité du travail parmi les plus élevées au monde. Entre le T4 2019 et le T1 2024, la productivité horaire du travail dans l'industrie a augmenté de 8,8 % aux États-Unis contre 0,8 % dans la zone euro, exacerbant l'écart de croissance de la productivité du travail de 2 :1 observé entre les deux économies entre 1995 et 2019[1].
Il serait paradoxal qu'en réduisant les pressions concurrentielles auxquelles sont confrontés les industriels américains, en les privant de l'efficacité de la chaîne d'approvisionnement nord-américaine et en augmentant le coût des biens intermédiaires, les droits de douane du président Trump finissent par saper le fondement même de la résilience industrielle de l'Amérique.