La réunion de septembre du FOMC a initié un démarrage en trombe du cycle d’assouplissement de la Fed, avec une baisse significative de 50 pb de la cible de taux qui s’établit désormais à +4.75% - +5.0%. De façon inhabituelle, la banque centrale a opté pour une baisse significative, alors que l’économie demeure dynamique et, surtout, avec l’objectif explicite de maintenir un statu quo. Le pivot intervient alors que les conditions macroéconomiques ont conduit la Fed à réorienter ses priorités vers la composante ‘plein-emploi’ du mandat dual, sans qu’elle ne puisse toutefois déclarer « mission accomplie » sur le plan de l’inflation. Les projections médianes des membres du comité confirment que davantage de baisses sont à venir, mais la dispersion est large autour des dot plots indiquant 50 pb de nouvelles baisses d’ici à la fin 2024 puis 100 pb supplémentaires en 2025 ; tandis que Powell a rappelé que le comité procèderait réunion par réunion afin de maintenir les deux objectifs en équilibre. Ce mouvement apportera davantage de marge de manœuvre aux décideurs politiques des pays émergents, tout en mettant sous pression la BCE et la BoE s’agissant de leur vitesse d’assouplissement – bien que la dernière a maintenu stable aujourd’hui son taux directeur - notamment du fait des implications de taux de change.
Les raisons du pivot : L’initiation du cycle d’assouplissement procède du ralentissement de l’inflation (IPC à +2,5% a/a en août, un plus bas depuis mars 2021) et du marché de l’emploi sur fond de croissance économique robuste. Ceci apparaît textuellement dans le communiqué du FOMC qui relie la diminution de la cible de taux aux « progrès sur l’inflation » et à la « balance des risques ». Par ailleurs, l’ajustement nominal semblait nécessaire au regard du ralentissement de l’inflation, ce dernier impliquant un resserrement monétaire en termes réels à cible de taux constante.
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Frappe préventive : La baisse agressive de 50 pb, qui a défié le Consensus mais correspond au pricing des marchés, n’a pas recueilli l’unanimité des votes du FOMC puisqu’une voix de gouverneur a fait défaut (inédit depuis 2005). Le choix résulte d’une volonté de mener une action préventive de préservation du dynamisme de l’économie, sans attendre une dégradation accrue du marché du travail Il s’agit de prémunir ce dernier d’une détérioration génératrice de récession qui appellerait une accélération à retardement (« derrière la courbe ») de la détente des taux – potentiellement sans que l’objectif relatif à l’inflation ne soit rempli au préalable. Les projections du taux de chômage ont été revues à la hausse par la Fed, à 4,4% en moyenne annuelle en 2024 (+0,4pp par rapport au SEP du T2, ce qui reflète son appréciation dans l’intervalle) et en 2025 (+0,2pp).
La décision de recalibrer la politique monétaire avec l’objectif explicite de préserver le dynamisme de l’économie – l’atterrissage en douceur demeure le scénario central – est sans précédent. En effet, l’histoire monétaire récente des États-Unis associe les jumbo cuts amorçant le cycle d’assouplissement à des situations de forte inquiétude – les deux exemples les plus récents étant septembre 2007 (amorce de la grande crise financière) et 2020 (Covid-19). Néanmoins, le président Powell s’est révélé convaincant, lors de la conférence de presse, en soulignant le fait que le mouvement n’était pas motivé par une crainte matérielle quant à l’état et aux perspectives de l’économie, ce qu’illustre l’accueil positif des marchés financiers.
Pas de « mission accomplie » sur l’inflation selon Powell : La réussite de l’atterrissage en douceur nécessite, pour Powell et la Fed, d’assouplir suffisamment la politique monétaire pour soutenir l’emploi sans mettre en péril les progrès réalisés sur l’inflation. Aussi, l’évolution des risques ne doit pas occulter le fait que le retour de l’inflation (décrite comme « quelque peu élevée »), à sa cible de manière pérenne ne s’est pas concrétisé, alors que l’inflation sous-jacente demeure au-dessus de 3% sur fond de rigidité des services de logement.
Summary of Economic Projections et scénario BNP Paribas : Le comité anticipe un ralentissement du rythme des baisses de taux après un départ fulgurant, avec une cible de taux atteignant 4,4% (point moyen) et 3,4%, respectivement en fin d’année 2024 et 2025. Cependant, les membres du comité ont montré qu’ils restent divisés, puisque 8 d’entre eux sur 19 envisagent une baisse de 25 pb (ou pas de baisse) pour le reste de 2024. Par ailleurs, Powell a rappelé que les dot plots ne constituaient pas un « plan de politique » et que les décisions continueraient d’être prises selon une approche réunion par réunion.
Nous maintenons nos prévisions d’une nouvelle baisse de 25 pb à l’issue de chaque réunion jusque mars 2025, avant un ralentissement du rythme à une baisse trimestrielle portant la cible de taux à +3,0% - +3,25% en fin d’année 2025. Comparativement, les anticipations de marché suggèrent 75 pb de baisses supplémentaires en 2024 et 150 pb en 2025.