Une nouvelle donne pétrolière La chute des cours mondiaux du pétrole est l’un des effets les plus spectaculaires de l’incertitude générée par le durcissement de la politique commerciale américaine. Le cours du Brent est désormais attendu à 65 dollars en moyenne en 2025-2026 contre 80 dollars en 2024, et les risques d’une baisse plus marquée sont élevés. Pour les pays du Golfe[1] , où les hydrocarbures représentent 60% des recettes budgétaires et 70% des exportations, les conséquences seront multiples.
PRIX DU PÉTROLE QUI ÉQUILIBRE LE BUDGET Une vulnérabilité budgétaire en apparence accrue Le « point mort » moyen des pays de la région (le prix du pétrole qui permet d’équilibrer les budgets) n’a cessé d’augmenter ces dernières années. En 2024, il a atteint 83,2 dollars, soit une hausse de 10 dollars par rapport à 2020. Le point mort devrait baisser en 2025-2026 avec l’augmentation de la production de pétrole ; il restera néanmoins supérieur au cours du Brent. D’une situation de quasi-équilibre en 2023-2024, le solde budgétaire agrégé des pays du Golfe va donc basculer dans le rouge, avec un déficit attendu à plus de 3% du PIB en 2025-2026.
Des situations disparates Sur les six pays de la région, trois conservent des marges budgétaires confortables pour absorber le choc d’une baisse des prix du pétrole (Émirats Arabes Unis, Oman, Qatar). Il faut y ajouter le Koweït, dont les comptes publics sont renforcés par les revenus du fonds souverain (exclu du budget). Petit producteur de pétrole, Bahreïn est le plus vulnérable mais la situation reste tenable grâce au soutien des autres pays du Golfe. Avec un point mort budgétaire à 94 dollars, c’est l’Arabie saoudite qui fait face à la situation la plus délicate.
Des leviers pour s’adapter L’amplitude du choc reste incertaine et la capacité des pays à s’adapter à un contexte pétrolier durablement défavorable pose question. En général, l’activité non-pétrolière dans le Golfe freine en cas de forte chute des recettes pétrolières, essentiellement via des coupes dans les dépenses publiques.
Toutefois, la situation des finances publiques est loin d’être alarmante, y compris pour l’Arabie Saoudite. Son déficit budgétaire devrait dépasser 5% du PIB en 2025-2026 mais l’endettement du gouvernement reste modéré (26% du PIB). Par ailleurs, les autorités disposent de plus de leviers que lors du choc pétrolier de 2015 grâce aux réformes structurelles entreprises. Les recettes hors pétrole ont progressé de 4 points de PIB sur la décennie écoulée (quasi-généralisation de la TVA, etc.).
Bien que toujours insuffisants, ces progrès pourraient éviter aux pays du Golfe de devoir arbitrer entre soutenabilité des finances publiques et soutien au programme de diversification économique. D’autant que la solidité des comptes extérieurs va aussi permettre à ces pays de poursuivre leur stratégie d’investissement à l’étranger. Malgré la baisse des exportations, la région devrait ainsi dégager des excédents courants de l’ordre de USD 40 à 50 mds en 2025-2026 (contre USD 133 mds en 2024), auxquels s’ajoutent presque USD 4 000 mds d’actifs extérieurs.