Pétrole : quelle est la vulnérabilité des pays du Golfe à la baisse des cours ?

24/07/2025

La volatilité des cours du pétrole reflète les incertitudes du contexte international. Après avoir décroché en avril dernier, après l’annonce de droits de douane « réciproques » par le président Trump, ils ont gagné une dizaine de dollars durant les 12 jours du conflit entre l’Iran et Israël, avant de rechuter depuis l’accord de cessez-le-feu. De fait, les fondamentaux du marché pétrolier sont fragiles et, sous réserve que les tensions au Moyen-Orient se stabilisent, le cours du Brent est attendu à 65 dollars (USD) en moyenne en 2025-2026 contre 79,8 USD en 2024. Pour les pays du Golfe, où les hydrocarbures génèrent 60% des revenus du gouvernement et 70% des recettes d’exportations, les conséquences seront multiples.

Transcription

La volatilité des cours du pétrole reflète les incertitudes du contexte international. Après avoir décroché en avril dernier, après l’annonce de droits de douane « réciproques » par le président Trump, ils ont gagné une dizaine de dollars durant les 12 jours du conflit entre l’Iran et Israël, avant de rechuter depuis l’accord de cessez-le-feu. De fait, les fondamentaux du marché pétrolier sont fragiles et, sous réserve que les tensions au Moyen-Orient se stabilisent, le cours du Brent est attendu à 65 dollars (USD) en moyenne en 2025-2026 contre 79,8 USD en 2024. Pour les pays du Golfe, où les hydrocarbures génèrent 60% des revenus du gouvernement et 70% des recettes d’exportations, les conséquences seront multiples.

Afin de mesurer le degré de vulnérabilité de ces économies, nous utiliserons la notion de « point mort », ou « breakeven price », simplement appelé breakeven en français. Il s’agit du cours du pétrole qui équilibre les finances publiques ou les comptes extérieurs d’un pays. On le compare ensuite aux projections du cours du Brent : si le breakeven se situe en dessous, l’économie dispose de marges de manœuvre et inversement s’il est au-dessus.

Plusieurs enseignements se dégagent de ce graphique.

Premièrement, au niveau agrégé, le compte courant des pays du Golfe va continuer d’enregistrer des excédents, mais les finances publiques vont basculer dans le rouge. Le déficit budgétaire agrégé devrait ainsi atteindre 3% du PIB en 2025 et 2026.

Deuxièmement, les situations varient au sein de la région. Pour les comptes extérieurs, les prix de breakeven de quatre pays sur les six sont inférieurs à USD50/b, voire à USD40 /b pour les Émirats Arabes Unis et Qatar. En revanche, la pression sera forte pour Oman et l’Arabie Saoudite sans pour autant les déstabiliser. Oman pourra compter sur des investissements directs étrangers significatifs pour couvrir ses besoins de financement extérieurs, tandis que l’Arabie Saoudite dispose d’amortisseurs considérables, grâce à ses réserves de change et les actifs détenus à l’étranger.

Un constat similaire peut être fait pour les finances publiques. Trois pays conservent des marges budgétaires confortables : Oman, Qatar, Émirats. Il convient d’ajouter le Koweït, dont les comptes publics sont renforcés par les importants revenus du fonds souverain. Bahreïn est le plus vulnérable mais la situation reste tenable grâce au soutien des autres pays du Golfe. Avec un point mort budgétaire estimé à 94USD, l’Arabie Saoudite fait face à une situation plus délicate.

Dans ce contexte, une question se pose : de quels leviers ces pays disposent pour s’adapter ? Le breakeven est une mesure statique qui peut masquer des dynamiques positives ou des marges de manœuvre plus ou moins importantes sur le plan de l’endettement. C’est le cas de l’Arabie Saoudite où la dette du gouvernement est inférieure à 30% du PIB. Par ailleurs, les autorités de la plupart des pays du Golfe ont tiré les leçons du précédent choc pétrolier de 2015. Les recettes hors pétrole ont progressé de 4 points de PIB depuis et la dynamique reste positive. Même en cas de chute des cours du pétrole encore plus prononcée qu’anticipé en 2025-2026, ces progrès pourraient leur éviter de devoir arbitrer entre soutenabilité des finances publiques et soutien au programme de diversification économique.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE